Flora and Son : critique du petit bijou musical d'Apple TV+
Il y a les comédies musicales façon Broadway et il y a les films de John Carney. Après Once, New York Melody et Sing Street, son dernier en date, Flora and Son, disponible sur Apple TV+, reconduit avec bonheur la même partition tout en la faisant encore évoluer. Une virée musicale à partager en très bonne compagnie qui plus est, avec d’un côté le retour de l'étoile montante Eve Hewson (déjà incroyable dans la série The Knick) et de l’autre, le toujours attachant Joseph Gordon-Levitt. Alors, inutile de tergiverser, nous, on embarque !
UNE BONNE LEÇON
Plus attaché à la rue qu’aux soirées de gala, Carney nous plonge très vite dans le Dublin ultra-quotidien des gens qui vivotent difficilement. Flora (Eve Hewson) en fait partie, et consacre tous ses efforts à l’éducation de son fils Max, malgré sa condition précaire de mère célibataire. Un jour, elle récupère une guitare et apprend à en jouer grâce à Jeff (Joseph Gordon-Levitt), un musicien habitant Los Angeles, qui lui donne des cours en ligne. Et s’ils l’ignorent au départ, Flora et son fils cultivent peu à peu une même fibre musicale.
Là où le cinéma hollywoodien nous a mal habitués à force d’associer musique et performance, Flora and Son, à l’instar des précédents films du cinéaste irlandais, préfère les exploits intimes aux grandes célébrations. Il n’y a rien de plus grisant ici que de suivre ces musiciens en herbe (plutôt très doués, ça aide) composer ensemble, réfléchir aux paroles, et accorder leur vision du monde loin des feux des projecteurs. Et c’est bien ce "work in progress" (ou "travail en cours" dans la langue de Molière) dénué d’emphase qui maintient notre intérêt du début à la fin.
En retranchant de l’équation un quelconque auditoire, du moins jusqu’à sa séquence finale, le film assume une conception très moderne de la musique vantant les talents autodidactes et par là même, la nature volatile des chansons. Que l’écran d’ordinateur serve de passerelle entre Flora et Jeff montre bien à quel point l’outil numérique a démocratisé et libéré en même temps la musique de sa matérialité première, les mélodies pouvant naître et circuler un peu partout à travers le monde.
Et il en va de même pour les artistes, eux aussi capables de transcender la distance, comme Jeff par exemple qui, à la faveur d’un léger panoramique, peut apparaître aux côtés de Flora alors que des milliers de kilomètres les séparent. Alors oui, ce n’est pas non plus l’idée du siècle, mais par cette simple astuce de mise en scène, le réalisateur redit à quel point la musique est un langage universel, et donc accessible à tous.
Jeff ou le roi de la téléportation musicale
LE FLOW QU’IL NOUS FAUT
Alors que l’intrigue semble se resserrer sur la relation entre Flora et Jeff, Carney construit en parallèle une autre histoire d’amour, celle qui le touche le plus au fond (attention, le titre du film vend la mèche). Et c’est l’une des grandes subtilités du scénario que de refouler un temps son véritable sujet pour le laisser peu à peu apparaître de lui-même, comme une évidence. Oui, vous l’aurez sans doute compris, le vrai duo qui compte ici, c’est Flora et son fils.
Bien sûr, Flora and Son est un projet très personnel pour son réalisateur. Dans une interview donnée au site Deadline, il racontait justement l’origine de sa vocation musicale et le pourquoi de ce film : "[…] ma mère a été la femme qui a facilité ça, financièrement. Elle m’a acheté ma première guitare et j’ai voulu l’honorer, mais je ne tenais pas à faire un grand drame sentimental et verbeux, alors j’ai senti que la musique était un moyen intéressant de dire certaines choses sans les dire".
La vraie alchimie, elle est entre eux
Permettre à Flora et Max de se rapprocher grâce à la musique, sans qu’ils aient besoin au préalable de régler leurs différends avec des mots, est le plus bel accomplissement du film. D’autant que les deux personnages évoluent dans deux sphères diamétralement opposées, c’est notamment l’objet des paroles du morceau qu’ils composent ensemble, le tubesque High Life : "I’m not living in your life, and you’re not living in mine" (traduction : "Je ne vis pas dans ta vie, et tu ne vis pas dans la mienne").
Au-delà des conflits qui les opposent, leurs goûts musicaux n’ont là encore rien de très compatible a priori. Elle balance entre la dance et le folk, lui, entre le rap et l’électro. Pourtant, la magie finit par opérer et leur complicité crève alors l’écran. Bien sûr, on aurait aimé les accompagner plus longtemps, mais on a su en apprécier chaque minute, et c’est bien là l’essentiel.
Flora and Son est disponible sur Apple TV + depuis le 29 septembre 2023
Lecteurs
(3.4)02/10/2023 à 16:54
Film délicieux au possible
02/10/2023 à 16:19
Un petit bonbon ce film ! Même si je le trouve en dessous de Once et Sing Street, qui est pour moi son chef d’œuvre.
30/09/2023 à 20:03
Encore de beaux souvenirs de "Once" en tête, je vais rattraper les deux autres que je n'ai pas vu + ce petit dernier alors !
29/09/2023 à 17:37
Elle était bien surtout dans la serie Bad Sisters d'Apple tv également.
C'est la fille de Bono (U2)
29/09/2023 à 17:28
Holalala mais je ne savais pas qu'il était de retour !
Entre le Wes Anderson et celui ci, et The Creator en Salle, un bon weekend pluvieux devant moi