Cassandro : critique catch et paillettes sur Amazon
Après le film documentaire de 2018 Cassandro the exotico !, réalisé par Marie Losier, le lutteur d'El Paso se retrouve cette fois au coeur d'un biopic diffusé sur Amazon Prime Video avec Cassandro. Le film est mis en scène par Roger Ross Williams et porté par le charismatique Gael García Bernal. Attention spoilers !
THE NEW main event
À l'instar des boxeurs Jake LaMotta (Raging Bull) et Mohammed Ali (Ali), du footballeur américain Michael Oher (The Blind Side) ou de la patineuse artistique Tonya Harding (Moi, Tonya), le luchador Cassandro el Exotico, de son vrai nom Saul Armendáriz, était un autre prétendant tout trouvé pour un biopic sportif.
Avec son personnage de ring haut en couleur et en paillettes, son ascension professionnelle inespérée, son homosexualité revendiquée et sa lutte pour ennoblir les exotico (ces luchadors généralement hétérosexuels qui se travestissent pour caricaturer les hommes homosexuels), sa vie méritait d'être racontée au plus grand nombre.
D'autant plus que Cassandro évolue dans une discipline sportive bien particulière : la lucha libre (ou plus grossièrement le catch mexicain). Une discipline qui ne repose pas sur les combats et la compétitivité, mais le spectacle et la performance. Et en tant qu'exotico, Cassandro est cantonné au rôle d'éternel perdant, au profit des lutteurs plus virilistes (et surtout masqués); ses défaites ne lui appartiennent donc pas.
Pour bousculer ce schéma traditionnel, il cherche à gagner, à s'approprier et contrôler ce qui est censé lui échapper, ce qui ne peut se faire qu'avec l'approbation et le soutien du public. C'est donc un vrai-faux parcours du combattant idéologiquement aussi beau que complexe.
Gagner, au sens propre comme au figuré
PUZZLE INCOMPLET
Mais difficile d'imaginer que le film puisse traiter une vie et une carrière aussi riche, tout en creusant suffisamment le contexte homophobe du début des années 80 et le conservatisme religieux bien enraciné au Mexique, en seulement 1h45. Le film compte plusieurs séquences fortes, notamment le match d'un exotico qui dure le temps d'un travelling horizontal et celui où l'adversaire de Cassandro lui serre la main, mais peut s'avérer plus frustrant que satisfaisant tant il compte d'angles morts et d'évolutions elliptiques.
Le film donne ainsi l'impression de s'arrêter brusquement en plein milieu de la pente, de louper un acte entier de la vie et de la carrière de son sujet. De plus, l'envers du décor de la lucha libre est à peine exploré.
Les relations professionnelles de Saul sont survolées et ses entrainements comme sa condition d'athlète sont presque entièrement éclipsés du scénario. Le business du catch, l'écriture des storylines, l'appât du gain derrière chaque victoire, la difficulté de passer pro ou encore l'organisation des différentes fédérations ne sont traités qu'en surface, le temps de courtes scènes d'exposition obligatoire à la compréhension de l'univers.
Mais plus qu'une carence, il s'agit surtout d'un choix de narration, étant donné que le film ne s'intéresse pas tant à l'ascension de Cassandro le luchador qu'à l'émancipation de Saul, l'homme sans masque ni fard.
cadre très serré
Avec Cassandro, Roger Ross Williams et son co-scénariste David Teague ne semblaient pas vouloir retracer la carrière ou la vie du luchador dans les grandes lignes, mais plutôt articuler le scénario autour d'une blessure en particulier : sa relation contrariée avec son père.
Ainsi, tout gravite autour de ce mal-être et tout ce qui est raconté rappelle inévitablement cette cassure et cette absence : le fait qu'il soit devenu catcheur, sa relation avec sa mère conditionnée par le rejet de ce père adultère, la reproduction de cette relation extraconjugale avec son amant, et bien évidemment la recherche d'attention et d'acceptation de la part du public à défaut de son géniteur.
Saul veut sortir des schémas immuables auxquels on le renvoie sans cesse et sortir des cases – un enfermement qui est symbolisé par quelques surcadrages dans des encadrures de portes. Cette dernière (ou première) conversation avec son père sert donc naturellement de ligne d'arrivée. Saul a réussi à se libérer de sa pression, à s'accomplir sans sa bénédiction en plus de réparer sa relation chancelante avec sa mère. Même l'impact qu'il a pu avoir sur la communauté homosexuelle est cristallisé dans une seule séquence, où il est une fois de plus question de la validation d'une figure paternelle après un coming-out.
C'est donc en homme nouveau, qui a trouvé son but et s'est libéré d'un poids, qu'il s'avance vers un ring avant que le générique de fin se lance. La suite, c'est-à-dire les trahisons, les blessures, les changements de fédération et les défaites, c'est une autre histoire (et qui a déjà été racontée).
Cassandro sera disponible dès le 22 septembre 2023 sur Amazon Prime Video
Lecteurs
(1.0)21/09/2023 à 14:51
J'aime bien Gael García Bernal il a l'air de s'être donné à fond. C'est étonnant car ce genre de rôle réussi souvent à ses interprètes. Comme quoi y a rien de mieux que le challenge de fondre totalement en un/une autre dans un rôle pour un acteur.