Equalizer 3 : critique fatiguée (comme Denzel Washington)

Antoine Desrues | 30 août 2023 - MAJ : 30/08/2023 17:42
Antoine Desrues | 30 août 2023 - MAJ : 30/08/2023 17:42

Sorti au même moment que John Wick, le premier Equalizer a profité d’une réception étonnamment compatissante, heureuse de voir dans les deux actioners le retour d’un cinéma d’exploitation “à l’ancienne” (comprenez régressif, badass et pas trop mal filmé). Mais là où la saga de Keanu Reeves a toujours cherché à dépasser ses propres limites, les aventures de Robert McCall ont rapidement sombré dans les limbes. Pour Equalizer 3, la conclusion supposée de sa trilogie, Denzel Washington reprend du service... mais personne ne lui a dit que c’était l’heure de l’EHPAD.

Denzel à la pompe

Quoi qu’on pense du réalisateur Antoine Fuqua, le début de sa carrière dans le clip a grandement contribué à son style. Un style certes pachydermique, mais parfois à-propos quand il s’agit d’iconiser ses stars dans des films d’action bas-du-front. Au même titre qu'Un tueur pour cible et son pompage de John Woo, Equalizer premier du nom s’est quelque peu démarqué de la fange de l’actioner américain de base par ses allures de kéké des bacs à sable. Avec ses ralentis abusifs, ses riffs de guitare ringards et ses planifications des attaques façon Sherlock Holmes de Guy Ritchie, le réalisateur de Training Day a tout donné pour faire de cet objet racoleur un petit film plus ludique qu’il n’y paraît, avec en son centre le charisme évident et dévastateur de Denzel Washington.

Si Equalizer 2 avait déjà suffi à calmer les enthousiastes, Equalizer 3 n’a besoin que de quelques minutes pour rappeler que le cinéaste à la barre n’est plus qu’un énième yes-man, torchant désormais des remakes insipides (Les Sept mercenaires, The Guilty) ou des nanars indigents (Infinite) à la vitesse d’un encaissage de chèque. Tandis qu’un mafieux italien se balade au milieu des cadavres laissés par Robert McCall, la caméra s’attarde platement sur chaque corps, dans un élan démonstratif qui ne façonne aucun crescendo.

 

Equalizer 3 : Denzel WashingtonAttention, ça va aller très vite

 

Pour une fois, l’esbroufe du plan-séquence n’est même pas convoquée, alors qu’il s’agit encore du meilleur moyen pour poser artificiellement ses couilles sur la table (et pour une fois, c’était l’occasion). Preuve en est que cet ultime volet n’a plus aucune velléité, comme le confirme le court combat qui s’ensuit, où se rejouent platement les acquis de ses prédécesseurs.

C’est d’autant plus dommage que le long-métrage assume une direction étonnante, en contraignant son héros vieillissant à la convalescence, voire à la retraite dans une petite bourgade italienne. Face à un personnage qui s’est toujours cherché une raison d’être dans la violence, Equalizer 3 tente un aparté paisible, qui donne l'espace d'un instant un charme inattendu à sa nature de vigilante movie gériatrique. Le flegme et la moue boudeuse de Denzel Washington nous feraient presque oublier qu’on est venus voir du sang, et pas un tueur se baladant en canne, si la dimension mélo de cette quête rédemptrice avait été vraiment assumée.

 

Equalizer 3 : Denzel WashingtonUne image qui reflète bien l'énergie du film

 

Man (pas très) on fire

Bien sûr, le naturel revient au trot (parce qu’au galop, ce n’est plus possible à 68 ans), et se contente de bouleverser ce coin de paradis par les pires clichetons possibles des films de mafia. A grands coups d’accents caricaturaux, de menaces très menaçantes et de mains coupées, les méchants interchangeables amènent McCall à jouer les sauveurs, sans jamais que ses actions de justicier n’engendrent de dilemmes, ou même une simple escalade de la violence.

Equalizer 3 se prive bien du moindre enjeu, et encore plus de scènes d’action un tant soit peu excitantes, puisque Denzel reste assis la moitié du film, avant de laisser sa doublure ou le hors-champ prendre le relais dans l’obscurité.

On en viendrait presque à regretter le final de jeu vidéo raté du deuxième opus, qui avait au moins le mérite de lâcher les chevaux. A l’inverse, ce troisième volet lâche l’affaire, trop heureux de jouer les poseurs avec quelques plans stylisés mais creux, et une architecture italienne à laquelle Robert Richardson (le chef opérateur fétiche de Scorsese et Tarantino !) essaie tant bien que mal de rendre justice.

 

Equalizer 3 : Denzel WashingtonDenzel accomplit sa plus grande performance d'acteur : devenir Steven Seagal

 

Forcément, Antoine Fuqua tente d’insuffler un minimum de rythme pour compenser cet encéphalogramme plat, quitte à tronçonner ses scènes par des trous béants de scénario, qui laissent au passage la plupart des personnages secondaires sur le bas-côté. La communauté dont se prend d’affection Robert McCall n’a finalement aucune importance dans l’échelle globale du récit, même si son charismatique interprète essaie de nous faire croire le contraire au travers de son jeu toujours aussi habité.

Mais au bout d’un moment, on n’est plus dupes, et le réalisateur ne peut plus prétendre qu’Equalizer renfermerait une émotion similaire à celle de son modèle évident : Man on Fire. Dès lors, en offrant à Dakota Fanning un second rôle lourd de sens pour marquer ce lien de filiation, Fuqua ne fait que confirmer à quel point il est loin d’être Tony Scott.

 

Equalizer 3 : Denzel Washington, Dakota FanningJ'ai la réf !

 

Pourtant, il y avait matière à aborder cette ultime aventure (supposée) avec une forme de mélancolie. En faisant de McCall un cow-boy mutique au grand cœur venu sauver une ville de méchants capitalistes sans foi ni loi, Equalizer 3 avait un potentiel de western moderne et crépusculaire, clairement inspiré par le cinéma de Clint Eastwood. Un terrain de jeu rêvé pour Denzel Washington, obligé de rester à l’état d’esquisse.

Et c’est peut-être ce qui définit le mieux ce dernier épisode. Il cherche moins à conclure la trilogie qu’à trouver la porte de sortie la plus proche. Au moins, Equalizer aura complété sa mue vers le direct-to-video honteux.

 

Equalizer 3 : affiche

Résumé

Malgré le charisme naturel de Denzel Washington, et l’idée d’une fausse retraite jamais pleinement assumée, Equalizer 3 est un actioner pour papys d’une rare fainéantise. Les fans d’ASMR apprécieront sans doute la voix apaisante de l’acteur et le rythme inexistant de l’ensemble, idéaux pour une petite sieste.

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Lecteurs

(2.9)

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commentaires
Lounes
06/04/2024 à 14:55

Nul a chier dernièrement comme tous ces films "revenge movies" avec ces vieux acteurs hollywoodiens qui sont recycles a deux balles. Je le trouve ridicule a jouer les tueurs, ça ne lui va pas.

Portos
19/10/2023 à 05:24

J’ai adoré ! Denzel the best

Yanndek
08/10/2023 à 01:04

C’est vrai que de belles images de la côte napolitaine et des gros plans sur des cadavres au crâne fendu ne font pas un bon film, ni même un film passable. Juste un très mauvais produit commercial sans lendemain.

Trock
06/10/2023 à 19:03

Long et pathétique, rien à sauver de cette bouse.

Telerama ?
04/09/2023 à 23:05

Mort de rire avec votre "critique". Je l'ai vu et j'ai passé un super moment. Et je n'ai absolument pas trouvé Denzel fatigué. Je dirais même que c'est le meilleur de la franchise. Faut aller voir les films et surtout les salles pleines. Les gens veulent du divertissement, pas du cinéma d'auteur où l'on dort au bout de 15 minutes.

Gacho
01/09/2023 à 20:36

Film dans la tendance actuelle du cinéma
Creux
Sans émotion
Une bande originale aseptisée
Le mec est assis tout le film
Une honte ce film

Osheridan
01/09/2023 à 17:06

Ce titre m'amène à penser que ça serait bien justement un film d'action avec un vieil héros qui est fatigué, usé qui n'a plus la force de se bouger mais qui remporte ses combats, les scènes d'action, par sa vivacité d'esprit en utilisant les éléments de décors ou la psychologie pour vaincre ses adversaires en utilisant à peine ou pas du tout ses muscles.
Ça changerait du vieux Navy seals ou agent de la CIA qui a encore beaucoup de force et de technique dans ses bras et son jeu de jambes.

Ghob_
01/09/2023 à 13:14

Cette information est précisée juste en-dessous du titre de la critique. Mais certains sont visiblement trop occupés à cracher leur fiel pour se donner la peine d'ouvrir un peu les yeux...

Je suis toujours surpris par la véhémence avec lesquels certains ou certaines réagissent ici : ce n'est QUE du cinéma et si le journaliste n'a pas aimé un film, c'est normal qu'il dise pourquoi et qu'il argumente un minimum son avis. Mais encore une fois, y'a pas mort d'homme, la personne en question n'a insulté personne, on a l'impression ici que certains se sont fait cracher à la gueule ou qu'on a insulté un membre de leur famille lol hey les gens, faut péter un coup et arrêter de se prendre la tête pour rien !

Giuseppe.ITA
01/09/2023 à 02:54

La grande classe ce film , le top du top

Daf
01/09/2023 à 02:27

C'est clair, vous êtes trop jeune pour comprendre...

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