UFO Sweden : critique d'un E.T. en pleine crise d'adolescence

Judith Beauvallet | 27 mai 2023
Judith Beauvallet | 27 mai 2023

Victor Danell est un réalisateur suédois qui s’était fait modestement connaître en 2019 avec un étrange film catastrophe appelé The Unthinkable. Voilà qu’il continue sa route avec UFO Sweden, un petit OVNI qui mérite le coup d’œil, dans lequel une adolescente part à la recherche d’extra-terrestres et de son père.

UFO Suédé

Depuis la sortie de Super 8 en 2011 et la première saison de Stranger Things diffusée sur Netflix en 2016, les productions qui s’inspirent elles aussi d’un cinéma américain des années 80 à la Spielberg fleurissent de partout. Des bandes de gamins à vélo, des néons lumineux dans les coins et une menace extraterrestre ou fantastique, ça s’est vu dans Ça, Fear Street, Slash/Back... Et il y a un peu de ça dans UFO Sweden également.

Pourtant, ne s’agit-il que d’un énième ersatz de la série pour ado elle-même déjà épuisée ?

 

 

 

Pas exactement, parce que le film de Victor Danell, qui commence à imposer sa patte si particulière, pose un regard différent sur l’aventure qu’il raconte. Un regard qui ressemble d’ailleurs davantage à l’un des films originels ayant inspiré cette mode : le fameux E.T. de Spielberg sorti au cinéma en 1982. Il faut dire que, avec The Unthinkable, le réalisateur suédois avait déjà livré une œuvre au ton étrange, mêlant des séquences catastrophes impressionnantes à une mélancolie pesante, mais sans oublier d’y insérer de la poésie et de l’émotion.

Si UFO Sweden se permet beaucoup plus de moments d’humour et de second degré (ce qui le rend très accessible et agréable à suivre), il reste malgré tout empreint de mélancolie et de tristesse, lui aussi. Sa manière d’aborder les sujets difficiles est moins affectée et peut-être plus adulte que dans Stranger Things et ses succédanés, car moins gratuitement tire-larmes et plus sincère. Et si le film reste un peu bancal et fait parfois sentir une production indépendante pas totalement aboutie, il confirme le talent de son réalisateur dans cet équilibre entre émotion et spectacle.

 

UFO Sweden : photoRencontre du troisième type

 

E.T. deviendra grand

Si le regard du metteur en scène est davantage proche de l’E.T. originel que de ses descendants, c’est parce qu’il se frotte à la même thématique centrale : l’absence d’un parent et la difficulté à l’accepter pour l’enfant. Le film de Spielberg racontait l’histoire d’un petit garçon peinant à digérer le départ de son père après un divorce, et trouvant en l’extra-terrestre une figure de substitution. Dans UFO Sweden, le personnage principal est celui d’une adolescente appelée Denise, dont le père a disparu lorsqu’elle était enfant. Restée orpheline, Denise suppose (ou espère) que les extraterrestres que son père cherchait au moment de disparaître existent bien, et que le paternel se trouve toujours avec eux.

On pourrait croire, à la lecture de ce court synopsis, que le déroulé de l’histoire est prévisible de long en large et qu’un happy ending se trouve forcément à la clef. Sauf que Victor Danell est plus malin que ça, et que les développements du scénario ne cessent de dérouter. Si les relations entre personnages sont relativement convenues quoique plaisantes (notamment les chamailleries amicales entre Denise et les passionnés d’extraterrestres qui l’accompagnent), la tournure générale hisse UFO Sweden au-dessus du petit film d’aventure gentillet à la conclusion lisse et (trop) confortable.

 

UFO Sweden : photo"Ce soir, l'essentiel, c'est de regarder là-haut"

 

En dépeignant avec justesse les effets de l’abandon sur le personnage de Denise, le film repose sur les caprices et le mal-être d’une adolescente en pleine crise ; une crise décuplée par son besoin viscéral de trouver une réponse à la disparition de son père. Un personnage parfois pénible, oui, mais touchant de réalisme (et très bien interprété par Inez Dahl Torhaug).

L’héroïne trouvera-t-elle des extraterrestres ? Prouvera-t-elle leur existence ? Peut-être. Mais peut-être comprendra-t-elle surtout que cette quête n’est pas la plus importante. UFO Sweden est en quelque sorte le E.T. de Spielberg qui aurait grandi et serait désormais pétri de considérations plus angoissantes, de questions existentielles, et rempli des frustrations et du pessimisme de l'âge adulte.

 

UFO Sweden : photoLes vélos troqués contre une moto

 

Strangest Things

Pour autant, le film est loin d’être sombre et déprimant, au contraire. Pour contrebalancer le tourbillon dépressif et obsessionnel dans lequel Denise s’enfonce, la galerie de personnages secondaires et leurs dialogues piquants font passer la pilule avec humour, un peu à la manière d’un Pixar qui amuse pour mieux faire pleurer (et vice versa). Les ambiances à la Stephen King, pour revenir à l’inspiration Stranger Things, retrouvent un souffle nouveau grâce à la patte suédoise d’un réalisateur qui retire le meilleur de influences sans tomber dans le formatage Netflix.

Le soin apporté aux couleurs 80’s et à l’atmosphère si particulière d’un film qu’on pourrait croire pour enfants, et qui ne l’est finalement pas, fait de UFO Sweden un joli objet, dont les limites de production se font parfois sentir mais sans jamais entraver l'émotion. Et là où certaines limites sont parfois visibles, d’autres sont au contraire sans cesse repoussées. Comme avec The Unthinkable, le spectateur ne peut être que surpris devant le déploiement inattendu d’effets spéciaux d’une qualité surprenante, et d’images de pure science-fiction qui propulsent le film à un autre niveau dans sa dernière partie.

 

UFO Sweden : photo, Inez Dahl TorhaugInez Dahl Torhaug, actrice à suivre

 

Si ce ne sont pas ces effets spéciaux en eux-mêmes qui rendent le film bon, mais bien plus son scénario et la qualité de son interprétation, ils ont tout de même le mérite d’en mettre plein la vue, pour une œuvre de ce modeste calibre dans lesquels on ne les attend pas.

Si UFO Sweden n’est pas toujours d’une maîtrise parfaite, et s’il laisse une impression bâtarde de “presque” vrai bon film, il séduit et se fait une place dans la mémoire de son spectateur grâce à la manière dont il transcende et sublime les sujets et les esthétiques à la mode pour en faire cet OVNI d’originalité, dont il serait bête de se priver.

UFO Sweden, disponible en VOD chez Wild Side depuis le 25 mai

 

UFO Sweden : Affiche officielle

 

 

Résumé

L'une des propositions post-E.T. les plus intéressantes que le film de Spielberg ait pu inspirer. Si les finitions sont imparfaites, le charme du film dû à son originalité, à son casting et à sa conclusion mi-émouvante mi-angoissante en font une sucrerie amère dont le goût ne s'oublie pas.

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commentaires
Obi
15/06/2023 à 14:20

Une belle réussite ce petit film, tout comme The Unthinkable.
Le film beaucoup T2, l'ado en moto sans parents et son outil pour décoder les portes d'entrées, c'est vraiment John Connor. On rajoute l'attaque d'une grande compagnie par le swat et la poursuite en bagnole, ça fait vraiment plaisir.
Pour les amateurs de ET, X Files etc, c'est avoir absolument

kaamelott7
02/06/2023 à 22:45

Vu ce soir sur Netflix Suède (les joies de vivre là-bas :) ). Par contre, je n'ai pas compris la fin, si jamais Ecranlarge peut aider ...

SPOILERRR
Le Père est juste là à l'attendre après toutes ces années, ceci est-il expliqué ? Où alors c'est simplement du au fait que dans le trou noir le temps ne passe tout simplement pas. Mais alors, "quelle coincidence" que la fille arrive juste au moment de la destruction du trou noir...

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