The Last Kingdom : Seven Kings Must Die - critique d'une fin de voyage sur Netflix

Lucas Jacqui | 23 avril 2023
Lucas Jacqui | 23 avril 2023

Après cinq saisons sur Netflix, la chronique d'Uhtred de Bebbanburg narrée dans The Last Kingdom, et tirée des romans Les Histoires saxonnes de l'écrivain Bernard Cornwell, touche à sa fin. A l'instar de nombreuses séries, cette conclusion prend la forme d’un long-métrage : The Last Kingdom : Sept rois doivent mourir de Edward Bazalgette. Mais était-ce une si bonne idée ?

Uhtred vs le reste

Pour The Last Kingdom : Sept rois doivent mourir (alias Seven Kings Must Die), le synopsis donne des impressions de déjà-vu par rapport à la série. Ainsi, on reprend la même formule et on recommence. Face à nous, c'est de nouveau un homme opportuniste qui influence un jeune prince, ainsi qu'une femme de caractère tenant tête à Uhtred.

Mais surtout, le valeureux héros est l'unique voix de la raison sur une île au bord de la guerre civile entre Anglais, Gallois, Écossais, Danois et autres tribus. Sauf que cette mise en place de nouveaux protagonistes et leurs relations conflictuelles se déroulent plusieurs années après la saison 5, ce qui requiert un temps d'adaptation à ce contexte inédit. Et tout ça arrive en même temps que le récit d'Uhtred !

 

The Last Kingdom : Seven Kings Must Die : photo"Bon, c'est quoi les derniers ragots ?"

 

Autant dire que les deux histoires se font la bagarre pour coexister et tout le monde en est victime. En effet, le long-métrage Netflix se transforme en bavardages entre seigneurs sur les derniers potins et manigances du royaume. Que ce soit les anciens personnages longuement développés dans la série, ou les derniers arrivants à peine caractérisés, tous sont des objets narratifs sans substance vitale.

Avec si peu de matière, les comédiens pataugent forcément. La moitié sont noyés dans des clichés, à l'image de Pekka Strang, bien en peine avec son grand méchant sans originalité. Pour les autres, ils jouent mécaniquement leurs partitions de la série, tels que Cavan Clerkin (Père Pyrlig) ou Mark Rowley (Finan).

 

The Last Kingdom : Seven Kings Must Die : photo, Cavan ClerkinPot de fleurs numéro 5

 

LE FILM QUI SE RÊVAIT SAISON

Mais encore, si tout ce traitement express avait profité à Uhtred, pourquoi pas ? Or, pris dans la hâte du récit, notre brave guerrier n’a pas plus le temps de briller. Et après cinq saisons, autant dire que c’est frustrant de ne pouvoir s'arrêter sur lui et méditer sur son parcours mouvementé. Ajoutons à ça qu’Uhtred est censé avoir atteint la cinquantaine, voire plus. Mais le maquillage du vieillissement d’Alexander Dreymon est trop peureux pour être visible, ce qui dessert complètement des scènes où son âge avancé aurait pu procurer une puissance dramatique fantastique.

Avec ça, Dreymon n'a pas perturbé son jeu pour nous faire croire à ce Conan devenu roi dont la longue vie barbare approche de la fin. Voir ce seigneur qui a tant donné pour l'Angleterre naissante s'écrouler sous le poids d'un corps trop vieux pour ces conneries est hautement tragique, malheureusement on n'en voit pas le moindre cheveu blanc.

L'ironie de Seven Kings Must Die est qu'il doit condenser en moins de deux heures un récit qu’une saison aurait dû raconter en dix heures. Ainsi, les trois quarts du long-métrage ressemblent à un marathon de scènes sans construction d'ambiance. À peine posé, un élément narratif est éclipsé pour laisser sa place encore chaude à une autre situation qui n'aura pas plus le temps d'exister. Pire, cela crée des absurdités, car tout défile sans temporalité claire, et l’ensemble en devient incohérent.

 

The Last Kingdom : Seven Kings Must Die : photo, Mark RowleyVite à l'autre bout du royaume pour la scène suivante

 

De fait, il est impossible de s’impliquer dans des événements à peine esquissés dont l'assemblage ressemble à une bande-annonce de deux heures (et c'est long), ou un documentaire BBC sur l’Angleterre du début du millénaire. C’est à se demander pourquoi The Last Kingdom a privilégié le format long pour conclure son récit tant Seven Kings Must Die n’en profite jamais, et en est même pénalisé puisqu'aucune tension dramatique ne laisse sa marque.

Pourtant, le métrage n'est pas exempt de moments à la portée tragique passionnante. En effet, plusieurs séquences présentent une balance des pouvoirs en plein déséquilibre, ce qui rapproche un peu plus l'heure de la guerre ouverte. Ces quelques situations suffisaient pour poser des enjeux clairs, et permettre à l'intrigue de se passer de nombreuses quêtes secondaires pour un récit plus aéré. D'autant que, passé l’introduction, Seven Kings Must Die trouve presque un rythme intéressant sous forme de prophétie inéluctable se tissant devant nous, comme une bombe à retardement nommée destinée – le fil rouge du film et de la vie entière d'Uhtred.

 

The Last Kingdom : Seven Kings Must Die : photo, Alexander Dreymon, Mark Rowley, Arnas FedaraviciusLe destin avant tout... et un bon scénario aussi

 

The least kingdom

Même dans les décors, Seven Kings Must Die manque d’ampleur, ce qui faisait déjà défaut à la série avec ses intrigues coincées dans des endroits étriqués. Ainsi, on retrouve les lieux de The Last Kingdom avec cette impression que tout est limité à la porte d'entrée et une unique place par cité. La limite des châteaux transparaît dans chaque plan, dont il ne ressort aucune profondeur. Heureusement, pour compenser, on retrouve cette sensation de crasse humide couvrant toutes les surfaces dans des environnements aussi détaillés que réalistes, à l'image des costumes impressionnants de véracité.

Autre point fort (il y en a quand même), lorsqu'il prend l'envie au film d'aller au grand air, on profite de magnifiques paysages rudes et froids. Pour cela, on peut saluer la photo désaturée et la volonté du réalisateur Edward Bazalgette d'utiliser des objectifs anamorphiques. En effet, les extérieurs sont sublimés par des plans larges dont la lumière nuancée de l'horizon tend vers le rouge, comme annonciatrice du sang à venir. Là, l’épique de l'aventure d’Uhtred peut enfin s’exprimer et gagner quelques belles images.

 

The Last Kingdom : Seven Kings Must Die : Photo Alexander DreymonLe final qui tâche

 

Finalement, c’est uniquement pour son dernier quart qu’existe le long-métrage. Car c’est dans ces quelques dizaines de minutes qu’on trouve les véritables intentions de mise en scène. Entre la peur mêlée d'ardeur guerrière dans les rangs d'une armée filmée de manière immersive, ou dans la poésie de ses dernières séquences, Seven Kings Must Die offre un final réussi à son film conclusif manqué. À ce moment-là, The Last Kingdom : The Movie commence à tutoyer le sentiment qu'une légende s'écrit devant nous. Problème, c'est déjà le générique.

Après tout ce que les spectateurs ont vécu avec Uhtred de Bebbanburg, passé de fils déshérité pour devenir seigneur de Northumbrie, la gestion netflixienne saxonne laisse un sentiment d’adieux pressés. The Last Kingdom échoue donc complètement son passage d’un format à l’autre, et passe à côté de la fin de son aventure.

The Last Kingdom : Seven Kings Must Die est disponible sur Netflix depuis le 14 avril 2023

 

The Last Kingdom : Seven Kings Must Die : affiche officielle

Résumé

Pour la fin du voyage d'Uhtred, Seven Kings Must Die se devait de mettre les petits plats dans les grands. Malheureusement, ça déborde, c'est indigeste et on ne se régale qu'un gros quart d'heure. Forcément, après une aventure de cinq saisons, on est amer.

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Lecteurs

(3.6)

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commentaires
Takeshi
30/04/2023 à 01:05

Un film sans le moindre intérêt et un scénario bancal. Le dernier épisode de la cinquième saison propose un épilogue beaucoup plus intéressant et fidèle à l'esprit de cette série.

bidusky
26/04/2023 à 11:41

Je ne partage pas entièrement cette critique. Alors oui, tout va un peu trop vite et une 3e heure n'aurait pas été de trop. Cependant, les personnages restent cohérents sans cette nécessité de les développer d'avantage (même les nouveaux sont assez simples à lire voire un peu caricaturaux). Les décors restent cohérents avec la série qui, pour certains, paraissent effectivement un peu limités mais la reconstitution médiévale reste elle assez fidèle avec qui est décrit dans les livres d'histoires. Enfin l'épilogue des aventures d'Uhtred est plutôt réussie et fidèle au personnage qui, à défaut de le voir vieux physiquement à l'écran, montre un personnage bien plus sage encore et moins emprunt au combat. J'ai trouvé la toute fin assez émouvante avec la vision contemporaine du château de Bebbanburg clôturant l'image de ce guerrier épique et surtout de son héritage. Cependant, cette bonne série aurait sans nul doute méritée une ultime saison plutôt qu'un film trop rapide. Cette alternative à la série Vikings restera cependant réussie avec de réels moments de bravoure et de luttes guerrières avec un héros charismatique et émouvant. Adieu Uhtref fils d'Uhtred

Mcness
25/04/2023 à 19:16

Tout juste la critique ! Dommage
Mais retenons les saisons passees

Ryu
24/04/2023 à 23:39

Critique dont je ne partage pas du tout le point de vue. C'est sur que le format de film pour conclure cette série mythique est un peu bof bof mais le film est vraiment bon meme si quelques longueur sur le début. La fin est vraiment masterclass en tout cas.

Lp69
23/04/2023 à 20:37

L'auteur a mis les mots sur mon ressenti après film. Cela aurait mérité une saison 6 complète. Cela restera malgré tout ma série préférée derrière games of Thrones, c'est même la seule série pour laquelle que j'ai revu les 4 saisons avant la 5e pour me remettre dans l'ambiance

Rozlina
23/04/2023 à 17:57

Je ne suis pas d’accord avec cette critique, j’ai suivi toute la série et le film final m’a beaucoup plu. C’est vrai que ce film est surtout pour les vrais fans!

Schtroumpfette
17/04/2023 à 19:27

Un final un peu trop vite expédié, sans doute... mais la bataille était tout de même très chouette.

Vividoh
17/04/2023 à 15:46

J'ai adoré la série. Le film est bien mais il manque quelque chose... des personnages (sa fille et son fils), j'aurai aimé savoir ce qu'ils sont devenus....

Jerome13004
17/04/2023 à 11:42

Je suis mitigé !
Le film n’est pas mauvais en soi, il est même plutôt largement au-dessus d’une bonne saison de Viking du moins les dernières moutures, mais il n’est pas bon non plus. C’est plus une BA de luxe où chaque moment fort pourrait faire l’objet d’un développement plus important, et le film en comporte pas mal…
C’est donc une vraie tristesse que ce final un peu expédié

Archange
17/04/2023 à 03:17

Moi, je n'ai pas vu la série et, au début du film, disons que l'on ne présente pas trop les personnages alors j'ai été rapidement dérouté. Mais, à mesure que le film progresse, les tensions montent rapidement et, au final, j'ai beaucoup aimé ce film.

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