We Have a Ghost : critique d'un Casper casse-pied sur Netflix

Judith Beauvallet | 24 février 2023 - MAJ : 24/02/2023 11:08
Judith Beauvallet | 24 février 2023 - MAJ : 24/02/2023 11:08

We Have a Ghost est la dernière comédie familiale de Netflix dans laquelle David Harbour – le Jim Hopper de Stranger Things – incarne un fantôme muet qui fait ami-ami avec ses nouveaux colocs. A l’écriture et à la mise en scène, Christopher Landon continue sur sa lancée de comédies gentiment horrifiques après Happy BirthdeadHappy Birthdead 2 You et Freaky. Le slasher, un genre qui s’est toujours bien marié à la comédie, laisse cette fois-ci sa place à une histoire de fantômes. Mais le résultat est-il à la hauteur de ses sympathiques prédécesseurs ?

FANTÔTOMATIQUE

We Have a Ghost démarre plutôt bien. La scène d’introduction, constituée d’un seul plan fixe face à une maison de laquelle s’échappe une famille terrorisée et derrière qui la porte se claque toute seule, explique la situation et donne le ton en quelques secondes. Efficace et amusant comme un Happy Birthdead. Et comme dans tout film de maison hantée qui se respecte, l’étape suivante est l’emménagement d’une nouvelle famille dans ladite baraque et la découverte de l’ectoplasme local. Recette tellement connue qu'il est étonnant qu'elle fonctionne encore, et pourtant on ne s'en lasse pas.

 

We Have a Ghost : photo, Erica Ash, Niles Fitch, Jahi Di’Allo WinstonChoqués, mais pas déçus

 

De manière prévisible, la mise en place prend le temps nécessaire pour présenter la famille et faire exister chaque personnage avant de faire intervenir le fantôme. C'est l'étalage de dynamiques ultra-classiques, entre ados qui boudent et parents qui essayent d'être cool, mais incarnées avec suffisamment de naturel pour que le spectateur achète et se sente un minimum concerné. Par-dessus ça, la photographie fait honnêtement son travail pour instaurer une atmosphère de maison mi-flippante mi-cosy. Pas de quoi frémir de rire ou de peur, mais juste assez de maîtrise pour faire attendre la suite sans déplaisir.

Une fois ce préambule bouclé, il est temps pour la star du film de faire son entrée en scène : un David Harbour translucide, avec une coiffure faite de quelques mèches gluantes collées sur le crâne et une chemise de bowling qui refoule à travers l’écran. Le fantôme qui respire le beauf ventripotent plutôt que le beau gosse victorien torturé, c’était la bonne idée du film pour singer le genre et proposer un style de revenant moderne. Et pourtant... c'est ici que les problèmes commencent, avec cette première apparition qui s'éternise sur une maigre blague (le fantôme essaye en vain de faire peur au héros) et qui annonce la manière dont We Have a Ghost va passer à côté de son but : faire rire.

 

We Have a Ghost : Photo David HarbourDavid à rebours

 

FANTÔME FANTOCHE

Car le vague plaisir provoqué par le premier quart du film se change vite en simple tolérance. Bien vite, le manque de gags et d’humour solide se fait cruellement sentir et les situations tournent en boucle sur la non-matérialité d’Ernest (niveau 0 de l’originalité comique quand on parle de fantôme).

À cela s’ajoute le traitement assez pauvre du rôle joué par les réseaux sociaux dans l’histoire, car si une séquence amusante et bien pensée montre tous les challenges Tiktok dérivés de la notoriété d’Ernest, la question est vite balayée sous le tapis : au lieu de faire du buzz internet la vraie menace du film, c’est la CIA qui va servir de méchant ultime anonyme et interchangeable. À la tête de l’opération de capture d’Ernest, Tig Notaro s’évertue à faire exister un personnage cliché et insignifiant, dont le seul mérite est de bénéficier du capital sympathie de son interprète. 

 

We Have a Ghost : photo, Erica Ash, David HarbourMort immortalisé

 

Question casting, il est tout de même à noter que les deux personnages d’adolescents (Jahi Di'Allo Winston et Isabella Russo), qui aident Ernest dans sa quête du repos éternel, réussissent l’exploit d’être un peu moins agaçant que les gamins lisses et tête à claques des comédies américaines habituelles, grâce à des dialogues décomplexés et une interprétation de qualité. Une Jennifer Coolidge égale à elle-même, mais sous-employée passe aussi faire coucou en fausse voyante de la télé, énième bonne idée sur laquelle le film se refuse à miser davantage.

Au milieu de ce scénario qui se déroule sans aucune surprise dans les clous lourdingues de son genre, une courte séquence se démarque néanmoins : celle au motel, dont quelques secondes font référence à Shining avec une absurdité tellement inattendue qu’elle fait mouche et parvient enfin à faire rire. Quelques instants bons à prendre dans cet océan de situations grotesques et de cascades attendues, que le talent de Christopher Landon empêche de tomber dans le ridicule, mais ne parvient pas à hisser très au-dessus.

 

We Have a Ghost : photo, Jennifer CoolidgeUne voyante voyante

 

SAUVEZ ERNEST

We Have a Ghost s'inscrit dans la lignée d’E.T., Mrs. Doubtfire, Casper, Sauvez Willy et tous ces films familiaux de qualité variable au sein desquels un individu étrange et étranger va servir de medium pour rétablir le contact entre les enfants et leurs parents. L’individu en question sera libéré de sa situation grâce à l’enfant, et par cette libération métaphorique, l’enfant parviendra à faire son deuil (d’un parent ou d’une situation familiale perdue). Une bien belle idée, et qui a fait ses preuves

.Seulement, dans We Have a Ghost, la pertinence de ce modèle interroge. Non pas simplement parce qu’il a déjà été usé jusqu’à la moelle, mais parce que le personnage de Kevin ne semble traverser aucune épreuve traumatisante (si ce n’est une crise d’adolescence extrêmement banale), ce qui met à mal le concept de cette narration

 

We Have a Ghost : photo, Jahi Di’Allo Winston, Isabella Russo, David HarbourErnest of the dead

 

C’est au contraire le personnage d’Ernest le fantôme qui doit faire face à son passé et en faire son deuil pour être libéré. Or, étant muet et amnésique, il sert davantage d’accessoire comique que de colonne vertébrale émotionnelle au récit, et la résolution de son histoire en sera rendue inconsistante, rapidement pliée en quelques flashbacks.

La séquence émotion obligatoire y perd toute possibilité de charme et c’est bien dommage, car Christopher Landon avait fait des merveilles au détour d’une séquence d’Happy Birthdead lorsque l’héroïne se retrouvait par surprise à discuter avec sa mère normalement décédée. Ici, s’il retrouve ses thèmes de prédilection, il néglige bien trop les enjeux et les rapports entre Ernest et Kevin pour que la sauce puisse prendre, et le film échoue donc à émouvoir autant qu’à faire rire. Un aimable ratage qui ne fera pas date dans la carrière de son réalisateur, et qui prouve que Landon est davantage à son aise quand il joue avec le slasher plutôt qu'avec les fantômes. Une prochaine fois, peut-être !

We Have a Ghost est disponible sur Netflix depuis le 24 février 2023 en France

 

We Have a Ghost : Affiche officielle

Résumé

Une comédie pas passée loin d'être sympathique, mais qui manque tous ses objectifs à force d'étouffer ses propositions sous les clichés du genre. Sans être infamant, We Have a Ghost démérite par rapport aux précédentes comédies d'horreur du réalisateur. L'effet Netflix ?

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.5)

Votre note ?

commentaires
Ibicus
18/03/2023 à 23:51

Je vous trouve un peu injustes, j’ai trouvé le film sincère et bien écrit, les personnages bien caractérisés et l’émotion au rendez-vous. Ce n’est pas un chef d’œuvre mais une œuvre à part entière, bien au-dessus de la mêlée Netflix.

Neji
28/02/2023 à 00:18

C'est pour les enfants, film familiale, j'ai pas réussi à finir, j'ai trouvé ça tellement con....
Une fois de plus je suis pas la sible de ce téléfilm

Pegg
26/02/2023 à 19:12

Sympa la critique
Regarde toi un peu tête de noeud

Tom33
25/02/2023 à 19:21

On a aimé. Film sympa

Flash
25/02/2023 à 08:55

Le film me tentait pas vraiment à la base, en plus Harbour et Mackie, c’est pas vraiment le top comme acteurs.
Je vais m’abstenir et plutôt revoir fantôme contre fantôme.

Exodus
24/02/2023 à 23:12

Après avoir vu le film je comprend pas trop tout ces mécontentements ! Harbour joue aussi bien en parlant qu’en silence, avec ses manières et sa façon d’être il rend le personnage du fantôme très attachant ! J’en ai vu énormément des films, et j’en voit des mauvais bien noter et des comme celui ci mal noter alors qu’il est encourageant et sentimental. Pour ceux qui parle de prévisible, tout les films le sont ! La vie est une suite logique tout comme un film. Retournez regarder les remakes des remakes, comme nos films des années 80 qu’ils refont maintenant uniquement pour remplir des salles et laisser nous tranquille avec nos bons films et nos avis.

Franken
24/02/2023 à 15:58

Bah, on ne prétendra pas être surpris, Freaky et les Happy Birthdead étaient déjà gentiment nuls.
Christopher Landon poursuit sa trajectoire mollassonne.
Comme David Harbour.

Obi
24/02/2023 à 14:54

@GTB C'est toi le pénible. Laisse les très sympa Happy Birthdead tranquille. Et Freaky avec.

Pakkun
24/02/2023 à 14:54

J'ai vu la bande-annonce et j'ai fui.

GTB
24/02/2023 à 14:19

@Obi> C'est donc complètement raccord et attendu, compte tenu du fait que Happy Birthdead était déjà sacrément pénible à regarder. Tout était raccord qualitativement d'ailleurs, y compris le département marketing fr qui a décidé de changer Happy Deathday (une touche humoristique qui a du sens et est parfaitement compréhensible par le quidam moyen français) par Happy Birthdead (ce qui ne veut strictement rien dire ni en français, ni en anglais; tout ça pour un jeu de mot phonétique moisi).

Bref! c'était largement à prévoir et les trailers confirmaient déjà le truc.

Plus
votre commentaire