Bros : critique qui bite rien à l'amour

Geoffrey Crété | 19 octobre 2022 - MAJ : 20/10/2022 11:29
Geoffrey Crété | 19 octobre 2022 - MAJ : 20/10/2022 11:29

C'est une comédie romantique, mais avec deux mecs. C'est l'idée toute simple et pourtant si forte de Bros, avec Billy Eichner en acteur et co-scénariste. C'est produit par Judd Apatow, réalisé par Nicholas Stoller (Sans Sarah rien ne va, American Trip, Nos pires voisins), et avec Luke MacFarlane pour créer l'étincelle. Et c'est à ne surtout pas manquer.

comédie bromantique

Le monde aurait-il autant peur des requins sans Les Dents de la mer ? La clope serait-elle si belle si elle n'était pas passée entre les mains de Lauren Bacall et James Dean ? L'imaginaire collectif est bercé, voire forgé, par la pop culture, et particulièrement le cinéma. C'est pour ça que l'armée américaine recrutait à la sortie des salles de Top Gun. C'est pour ça que des astronautes sont nés grâce à Star Wars. Et c'est pour ça que Bros compte. Pas parce qu'il vous rendra gay (sauf si Quand Harry rencontre Sally vous a rendu hétéro, et Pretty Woman vous a envoyé sur le trottoir), mais parce que la représentation compte.

L'idée d'une "comédie romantique avec deux mecs" a beau être simple, elle est importante. Tout comme le très tendre et malin Love, Simon dépoussiérait le teen movie, Bros dépoussière la sacro-sainte rom com avec une approche idéale : rien n'est réinventé, tout est réactualisé. Mêmes codes, mêmes ficelles, mêmes objectifs. La révolution passe par l'évolution, et par la réappropriation d'un genre qui a tellement infusé les consciences que plus personne ne sait si les clichés sont passés de la vie aux écrans, ou l'inverse.

Bros raconte ainsi la même histoire : deux célibataires qui ont un petit coup de foudre, et se débattent pour se chercher, se trouver, et surtout pas se perdre dans les tumultes des egos et autres casseroles que tout quadra traîne derrière lui. Tout y est, de la parenthèse enchantée à la plage au grand numéro musical de fin, en passant par la trahison. Sauf que : c'est très drôle et jamais bête, c'est très malin et jamais moralisateur, c'est moqueur, mais jamais méchant. Parce qu'en plus d'être important, c'est hautement divertissant.

 

Bros : photo, Luke MacFarlane, Billy EichnerLe club Babylon de Queer as Folk, en 2022

 

drôles de bros

Tout a commencé avec le réalisateur Nicholas Stoller, qui a été voir Billy Eichner (il l'avait dirigé pour un petit rôle dans Nos pires voisins 2) pour lui demander de co-écrire une comédie romantique gay, et interpréter le premier rôle. Et le film commence exactement ainsi : dans le rôle d'une petite star de podcast, Billy Eichner explique avoir été contacté par Hollywood pour réaliser une rom com gay, pour montrer que les gays sont des gens comme les hétéros, et que l'amour est le même. Ce à quoi il répond : absolument pas.

C'est le point d'entrée et la note d'intention de Bros qui respecte le cahier des charges sans jamais oublier une petite touche d'insolence, de malice et donc d'intelligence. Les collègues du héros forment quasiment tout l'arc-en-ciel LGBTQ+, mais tout le monde en prend pour son grade et son ego dès la première réunion. Debra Messing (alias l'un des queens du paradis queer) apparaît dans son propre rôle, mais hurle son ras-le-bol contre les pleurnicheries gay au bout de 30 secondes. Le film déborde de répliques savoureuses sur tous les clichés gay (mention spéciale à l'idée de l'appli de rencontre), balancées par les personnages dans un mélange de névroses existentielles et sarcasmes irrésistibles. Grâce à ces petits pas de côté, le scénario de Billy Eichner et Nicholas Stoller entretient un esprit de sale gosse qui empêche constamment la noyade niaise.
 

Bros : photo, Luke MacFarlane, Billy EichnerPlus on est de fous, plus on jouit (ou pas)

 

Car avant l'amour, il y a l'humour, et Bros ne l'oublie jamais. Il n'y a qu'à voir ce rencard faussement mignon qui cache une double pipe, grâce à une simple et irrésistible idée de mise en scène, pour le comprendre. Un autre plan à quatre particulièrement foireux confirme que, parfois, plus on est de fous, et plus on peine à jouir. Le traitement du sexe est d'ailleurs particulièrement malin, adoptant l'approche ridicule de la comédie romantique classique (le sexe existe dans les ellipses) sans pour autant renier la réalité homo avec quelques répliques et situations intelligentes. Billy Eichner voulait un film à la Nora Ephron (Nuits blanches à Seattle, Vous avez un mess@ge), mais avec quelques orgies, et le résultat est plutôt à la hauteur.

Et si Bros fait rire, c'est parce qu'il ne rigole pas de ses personnages, pas même des petits. La galerie de seconds rôles utilitaires est là, mais tous et toutes ont une personnalité, une énergie et souvent quelques répliques bien senties pour exister. Personne n'est réduit au rang de mauvais et gênant bouffon, et la moquerie vaine n'est jamais un ressort comique. Le cadre est donc idéal pour permettre à Billy Eichner et Luke MacFarlane de briller, et ils brillent tellement qu'ils assurent à eux-seuls le spectacle à tous les niveaux.

 

Bros : photo, Luke MacFarlane, Billy Eichner2 Bros 1 Bed

 

MALE GAYS

Mais Bros ne serait qu'une autre sucrerie inutile s'il n'y avait que ça. Billy Eichner et Nicholas Stoller n'oublient pas de rire, mais ils n'oublient pas non plus de garder les pieds dans la réalité, pour tout simplement raconter quelque chose au-delà de la farce romantique. C'est le contraire absolu d'une mauvaise comédie romantique complètement hors-sol comme Ticket to Paradise, qui existait uniquement dans une bulle désuète parfaitement ringarde.

Bros ne donne (presque) jamais de leçon de morale, mais jongle toujours avec les bonnes questions, là encore sans oublier d'en rire. Luke MacFarlane ressemble à une parfaite égérie de Sean Cody (les vrais savent) ? L'obsession du corps et la prise de testostérone sont mis sur la table, et quand le personnage principal juge son copain, il se prend dans la tronche qu'il est le premier content de pouvoir tâter ces muscles. La question des fem et des masc est omniprésente parmi les gays ? Un sketch génial montre le héros se lancer dans un scénario de masc4masc aussi drôle que lourd de sens. Même le rapport du couple à la violence et aux rapports de force dans le sexe raconte quelque chose de fort.

 

Bros : photo, Luke MacFarlane, Billy EichnerLève la main si t'as déjà vu un porno qui commence comme ça

 

En toile de fond, il y a même plus grand encore, avec le spectre d'une longue et douloureuse histoire queer qui plane sur la romance, les décors et la ville. La petite histoire n'existe que grâce à la grande, et pour arriver à en rire dans Bros, il a fallu surmonter des océans de larmes depuis Stonewall notamment. La route a été longue pour arriver à une comédie romantique gay, soutenue par un studio hollywoodien comme Universal. Bros célèbre le chemin parcouru avec une légèreté euphorisante, et un regard doux, mais pas complaisant sur le joyeux bordel de toutes ces personnes unies – parfois malgré elle – dans la bataille.

Du début à la fin, cette douce révolution est là à l'écran, et explose dans l'inévitable happy end où le couple s'éloigne comme des bisounours poilus pour parler de mioches. C'est ça aussi, l'égalité : parader sur des milliers d'écrans à travers le monde avec sa niaiserie ordinaire.

 

Bros : Affiche française

Résumé

C'est très drôle, c'est très malin, c'est très tendre, et en plus, c'est très important. Bros est un parfait modèle de comédie romantique, et un petit classique instantané.

Autre avis Simon Riaux
On retrouve ici et là quelques tics et limites de la méthode Apatow, mais Nicolas Stoller les dépasse presque toujours pour livrer une véritable comédie, authentiquement romantique.
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Lecteurs

(3.8)

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commentaires
Karine
27/10/2022 à 22:41

J'ai pas aimé.

Weezy
22/10/2022 à 02:50

Bonne petite romcom gay dans l'ensemble. Certes, dans les grandes lignes, ça reste dans sur les rails de la romcom classique, notamment en terme de structure. Néanmoins, il a un côté sale gosse plaisant, un humour qui fait régulièrement mouche et une certaine sincérité dans son discours. Les clichés côtoient certains sujets davantage profonds (sans mauvais jeu de mot) et Billy Eichner et Luke Macfarlane sont tops.

Nathan Lane
21/10/2022 à 14:46

Geoffrey : "Je parle d'une représentation, tout court. Parce que Bros est un film unique. Qu'on le trouve bien ou pas bien, c'est encore autre chose. Moi je parle d'une représentation, d'une existence, ce qui a déjà une grande valeur.
Et je parle surtout d'un regard plein d'humour et autodérision, qui se moque de tout un tas de clichés sans pour autant nier qu'ils existent. Sans toujours m'y reconnaître (mais qui se reconnaît à 100% dans une rom com ? et est-ce un problème, au fond ?)"

Bien dit, effectivement. Je le voyait pas de cette manière (pour ce film, ou TOUTES les autres proposition dans le même genre). Sauf qu'ici, j'ai l'impression que le film "n'avait" pas le droit a l'erreur. Ce que je trouve stupide a souhait.

Geoffrey Crété - Rédaction
21/10/2022 à 14:03

@Nickdabaro

"Vous parlez d'une meilleure représentation... en tous cas, pour ma part, je ne m'y retrouve pas."

Je parle d'une représentation, tout court. Parce que Bros est un film unique. Qu'on le trouve bien ou pas bien, c'est encore autre chose. Moi je parle d'une représentation, d'une existence, ce qui a déjà une grande valeur.
Et je parle surtout d'un regard plein d'humour et autodérision, qui se moque de tout un tas de clichés sans pour autant nier qu'ils existent. Sans toujours m'y reconnaître (mais qui se reconnaît à 100% dans une rom com ? et est-ce un problème, au fond ?), je ne peux nier que ces clichés existent, très clairement. C'est aussi pour ça que dès le début, le personnage (et co-scénariste) déclare que plein de gay sont clichés et bêtes. Avant de montrer ces clichés, et le rapport mi-amusé mi-blasé du héros à tout ça (sa tête en boîte, sa tête pendant le plan à 4, etc). Il y a le même rapport aux clichés "classiques" (Noël, la famille etc). C'est, au fond, le rapport au romantisme, au sexe, aux codes, aux attentes.

Le film dit que les gay sont différents... pour répondre à ce cliché de "love is love", comme si être hétéro et être gay était la même chose. C'est précisément le contraire que le film explique, et démontre. Notamment avec ces éléments que vous citez (boîte torse nul, partouze, etc), qu'on ne voit jamais dans les rom com hétéros, justement.

"que leurs amis sont exclusivement membres de la communauté LGBT (excepté le mari de la soeur mais est-ce que ça compte du coup?)"
Pour moi, c'est une réponse très claire au cliché "une rom com avec que des gens hétéros et un pote gay". Pour moi, c'est totalement logique et intentionnel. Là encore, la question de la représentation (sans parler du fait que le sujet du film est bien la communauté queer, d'où le musée et ce groupe autour de lui, qui a un autre sens que juste son groupe de potes... d'ailleurs, ils sont collègues et pas amis, c'est pas anodin).

Au passage, je trouve ça étonnant de pointer du doigts les faux raccords. Il y en a dans tous les films, et jamais ça n'a fait/défait un bon film je pense.

Après, pour le "Je vous trouve assez gentil"... on nous trouve trop gentil ou trop méchant tous les jours, selon le sens du vent et des avis. C'est normal et sain ! C'est tout l'espace du débat qu'on aime.

Nathan Lane
21/10/2022 à 05:43

J'ai écrit trop vite. Et je peux pas modifier. Damn.

Désolée pour les fautes (revouler au lieu de refouler, ou monter au lieu de montré).

J'espère que tu me décryptera.
^^

Nathan Lane
21/10/2022 à 05:38

Nickdabaro :

Je comprends mieux ;)

Ensuite perso, ça ne me gêne pas tant que ça, et faut aussi montrer cette part de l'homosexualité (que le grand public on tendance a revouler, peux importe ceux que sa veut dire ^^.

Ensuite je suis d'accord avec toi concernant le perso de Eichner. Et y'a des gens comme ça d'ailleurs (côté gay ou hétéro pour le coup).

Mais j'en vois pas le soucis. Je comprends que ça agace. Mais il reste honnête avec lui même, même si ça peut être égoïste (mais peu t'on parler vraiment d'égoïsme la au vu de ce qu'il essaye de défendre).

Par contre, ça me fait un peu marrer de voir que certains ne sont pas d'accord avec le fait que le film nous montre et dit un autre discours que "on est tous pareil" ect.

Car dans le fond oui bien sûr. Mais en vrai on des différents, sur tellement d'aspect de notre vie. Et le dire et le même monter EST important. Ensuite le film se permet aussi de se moquer de lui même, ce qui est une excellente chose. Car si ta jamais été dans ce monde (moi oui), ça peut être la guerre avec tellement de nos membres.

Notamment (un jour j'espère qu'on en parlera vraiment). Sur les plus sexagénaire gay ou plus qui sont oublié dans leur propre communauté..

Bref, je l'ai trouvé vraiment bon. Malgré des failles, c'est intention sont sincères et fait avec beaucoup d'amour. Sans compter la rareté du projet. Provenant d'un gros studio. C'est assez ossez.

Belle surprise donc. Et y'a encore a faire ou a dire. A l'heure où des qu'un perso important gay apparaissent dans une série, les gens cri au wok truc... Pas envie de dire cette bêtise crasse.

Donc, oui beaucoup a faire encore. Dans tous les genres.

Nickdabaro
21/10/2022 à 00:07

@Nathan Lane

merci pour ton retour
C'est intéressant de lire ça parce que je suis d'accord avec toi en terme d'intentions du film mais moins sur l'exécution

"Chacun d'eux doivent apprendre l'un de l'autre."
C'est ce à quoi je m'attendais excepté qu'à la fin seul McFarlane a évolué, pas Eichner. Il est toujours cet extra militant (gentiment) agaçant. A aucun moment le scénario ne lui fait sentir qu'il doit changer y compris quand il a tort (son comportement lors du repas avec la belle famille entre autre). Ce qui laisse sous entendre qu'il n'a pas à changer et donc qu'il a raison.
Là où McFarlane est de toute façon montré comme malheureux parce qu'il n'a jamais vraiment assumé son "côté gay" (si ça veut dire quelque chose ^^ )

"ceux par quoi tant ce sont battues"
C'est peut-être le truc qui m'agace le plus justement. Billy est supposé perpétué le combat contre l'homophobie. Et comment il fait ça?
En disant dès les 5 premières minutes que les gays sont différents et le répète tout le film (pas seulement lui), là où il y a 20 ans le but était justement de montrer que hétéro ou gay, nous sommes tous pareil et qu'on s'en fout de qui on aime.
Et en critiquant le mariage parce que "c'est un truc hétéro". Merci à ceux qui se battent encore pour ce droit partout dans le monde.
(et pour le coup, c'est une remarque que j'ai déjà vu passer dans la presse gay donc on n'est pas dans de l'exagération et du pastiche)

Dans l'absolu, le film est juste... meh
mais quand je vois des personnes s'extasier d'enfin voir un film avec une vraie bonne représentation des gays et que je vois ça... ben ouai, je ne suis pas vraiment content ^^

Nathan Lane
20/10/2022 à 22:45

Très bon film. Pas dénué de défaut (finalement quelques stéréotype gays appuyer, et Billy Eichner pas toujours très subtil).

Autrement une vrai bonne comédie romantique a l'ancienne mais jamais fixé dans le passé. Et Luke McFarlane, vraiment excellent (sous côté, génial dans les séries Killjoys ou Brother and Sisters).

Le reste du casting est top. Belle surprise.
4/5

Nickdabaro :

Je te trouve dur. Le film n'a pas dit tout le même devoir (ou plutôt intention), d'aller dans les films que tu cite (excellent je l'admet).

Et je pense que le but n'est pas de faire passer le personnage de McFarlane comme étant le mauvais gay. Mais plutôt d'interroger justement ceux qui ignore leur passé et ceux par quoi tant ce sont battues (encore aujourd'hui).

Mais ce n'est jamais dans le jugement, a l'inverse le perso de Billy est lui aussi paumer a sa manière. Chacun d'eux doivent apprendre l'un de l'autre. Comme tout les couples.

Pour la photographie du film, je l'ai trouvé très plaisante. Et on a de beaux plans de la ville je trouve.

Nickdabaro
20/10/2022 à 19:07

Je vous trouve assez gentil.
Au-delà qu'en temps que romcom c'est assez classique et moche en terme de mise en scène,... (le nombre de faux raccords).

On a quand même un film, fait par des gays pour supposément une meilleure représentation, qui dit dès ses premières minutes que les gays sont différents et ne cessera de le répéter ("Nous les gays sommmes...", "Non mais nous les hétéros sommes... tandis que vous les gays...."), qu'ils vont tous dans des boîtes où on se déhanche torse poil, qu'ils s'envoient en l'air avec tout ce qui bouge et enchainent les partouzes, que leurs amis sont exclusivement membres de la communauté LGBT (excepté le mari de la soeur mais est-ce que ça compte du coup?).
Sans parler de la différence de traitement entre les deux persos principaux, Billy Eichner étant toujours représenté comme ayant raison me donnant une impression de "bon gay" (militant, assumé) et de "mauvais gay"(plus discret, plus hétéronormé).
Vous parlez d'une meilleure représentation... en tous cas, pour ma part, je ne m'y retrouve pas.

Love Simon que vous citez était déjà bien moins cliché. Même l'excellent Pride, qui pourtant embrasse le côté communautaire et militant, l'est moins et offre un panel plus complet de l'homosexualité.

Reste un couple d'acteurs très bon à l'alchimie certaine.
Ce n'est pas suffisant pour moi.

Madolic
20/10/2022 à 07:53

Plutôt sympa et l'apparition de Messing est en effet énorme Luke MFarlane est parfait dans le rôle du ken hétéronormé Plus de mal à l'égard de Billy Eichner en surjeu et donnant le sentiment de faire un sketch plus qu'autre hose

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