Vikram Vedha : critique Vedha pour Vendetta

Clément Costa | 4 octobre 2022
Clément Costa | 4 octobre 2022

Les cinéastes Pushkar et Gayathri réinterprètent leur succès tamoul de 2017 avec un Vikram Vedha plus violent, plus spectaculaire et plus divertissant. À l’écran, Hrithik Roshan et Saif Ali Khan s’affrontent dans un duel impitoyable.

LE CHOC DES TITANS

En 2017, le couple de cinéastes Pushkar et Gayathri nous offrait une pépite du cinéma tamoul avec Vikram Vedha. Ce thriller psychologique s’illustrait par l’intelligence de son écriture et de sa mise en scène. Il est très commun de voir en Inde un succès récent avoir droit à un remake dans une autre industrie locale, souvent avec les mêmes réalisateurs aux commandes. On peut penser à Arjun Reddy devenu Kabir Singh, phénomène box-office tant chez le public télougou que chez le public hindi.

On assiste généralement à un simple décalque du film d’origine, avec pour seules réelles différences la langue utilisée et le casting. Fort heureusement, Vikram Vedha version 2022 évite brillamment ce piège. Pushkar et Gayathri profitent d’un budget largement plus conséquent pour offrir une relecture plus spectaculaire et plus violente de leur film. Du côté des performances, les acteurs sont dirigés très différemment. En particulier un Hrithik Roshan au sommet de son art, qui incarne Vedha comme un maniaque sanguinaire là où Vijay Sethupathi en faisait un être froid et mutique dans le film d’origine.

 

Vikram Vedha : photoSympathy for Mister Vedha

 

Dans la droite lignée de l’excellent Vikram de Lokesh Kanagaraj sorti il y a quelques mois, les cinéastes nous livrent un film qui mélange au moins trois genres. Tout d’abord un thriller psychologique nerveux et bien ficelé, qui utilise intelligemment ses twists. Le deuxième genre relève du pur film d’action bourrin et ultra-violent. Vikram Vedha ne lésine pas sur l’hémoglobine, offrant aux spectateurs des affrontements à la brutalité impressionnante. Enfin, le film se permet même un détour vers le whodunit en toute fin de récit le temps d’une séquence de révélation captivante.

Déjà présent sur le film d’origine, le directeur de la photographie P. S. Vinod réinvente l’univers esthétique du film. On quitte les tons grisâtres et les visuels anxiogènes de la version tamoule pour aller vers des couleurs chaudes flamboyantes. On a cette impression tenace d’assister à un incendie constant à l’écran, ce qui colle parfaitement avec l’ambition d’offrir un spectacle plus intense. Autre grande réussite technique, la bande-originale de Sam C. S. ne fait que décupler l’agressivité des séquences cruciales.

 

Vikram Vedha : photoTu la sens l'intensité ? 

 

VENGEANCE IS MINE

Pushkar et Gayathri viennent avant tout du cinéma indépendant. Pionniers d’un certain cinéma de genre à budget limité, ils se retrouvent pour la première fois aux commandes d’une vraie machine de guerre commerciale. Et ce manque d’expérience se ressent quelque peu sur certaines séquences d’action. On notera notamment des coupes excessives et une utilisation abusive des ralentis.

Globalement, ces rares travers n’empêchent pas le film d’être une grande réussite formelle. La séquence du marché par exemple est une véritable leçon de brutalité et de nervosité, prouvant que les cinéastes sont capables d’un montage fluide et bien plus efficace pour filmer l’action.

 

Vikram Vedha : photoMoins de coupes et plus de coups

 

L’écriture du scénario a été grandement remaniée et gagne de façon évidente en efficacité. Il faudra cependant aller au-delà d’une première demi-heure au rythme inégal. C’est seulement avec l’arrivée à l’écran du personnage de Vedha que le récit semble trouver son tempo et nous accroche pour ne plus nous lâcher grâce à un deuxième acte passionnant.

Mais le plus gros point négatif du film viendra de l’écriture des personnages féminins. La talentueuse Radhika Apte est totalement gâchée dans un rôle aussi vague que figuratif. Les cinéastes ne parviennent jamais à utiliser son alchimie avec Saif Ali Khan, qui crevait l’écran dans la superbe série Le Seigneur de Bombay. Pire encore, le personnage de Chanda incarné par Yogita Bihani est encore moins développé. C’est par son biais qu’on assistera à la pire séquence du film, une tentative de donner à un acte de violence conjugale une dimension romantique.

 

Vikram Vedha : photoLes hommes qui n'aimaient pas les femmes 

 

ENTRE GRIS CLAIR ET GRIS FONCÉ

Malgré ces quelques failles d’écriture, le scénario de Vikram Vedha reste admirablement ficelé. Toute l’histoire est construite autour d’une ambition risquée, celle de réécrire la mythologie indienne sous un prisme moderne. Et plutôt que de le faire de manière très littérale comme Brahmāstra ou même RRR, Pushkar et Gayathri choisissent un parti-pris métaphorique extrêmement stimulant. Le film devient alors une quête de vengeance intemporelle, dont la violence radicale n’est qu’une réflexion portée sur la nature humaine.

Toute la structure narrative est construite autour de la narration orale. À chaque étape du scénario, le personnage de Vedha va raconter une nouvelle histoire permettant de démêler le mystère. Le procédé pourrait sembler artificiel s’il n’était pas maîtrisé à ce point. Fort heureusement, on se retrouve avec un jeu particulièrement ludique sur la puissance des histoires et des mythes. Cela ouvre au passage une réflexion évidente sur le rôle du cinéma dans l’imaginaire collectif en tant que vecteur d’émotions, mais aussi de moralité.

 

Vikram Vedha : photoPère Vedha, raconte-nous une histoire 

 

En effet, toute la puissance de Vikram Vedha réside dans cette interrogation morale. Le film nous présente un monde dans lequel la distinction entre Bien et Mal s’avère bien plus traître et complexe qu’il n’y paraît. L’entame du récit pourrait nous faire penser qu’on assiste à un vigilante classiquement réactionnaire, notamment cette séquence de bavure policière tournée comme une action citoyenne jovialement héroïque.

Mais cette apparence trompeuse prépare le terrain pour un deuxième acte qui va remettre en question toutes nos certitudes. Dans l’univers du long-métrage, tout le monde est coupable. Tout le monde agit par intérêt personnel, que ce soit pour l’argent, la carrière ou la vengeance. Cette zone grise morale, refusant catégoriquement un manichéisme souvent inhérent au film de vengeance, rend Vikram Vedha absolument passionnant. Ce qui n’aurait pu être qu’un simple divertissement à l’efficacité redoutable se transforme alors en grand film métaphorique.

 

Vikram Vedha : photo

Résumé

Relecture explosive qui parvient à surpasser son illustre modèle, Vikram Vedha est une réussite technique et scénaristique. Sans le moindre doute un des films de vengeance les plus complexes et passionnants de ces dernières années.

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commentaires
Clément Costa - Rédaction
05/10/2022 à 00:33

@Jean jean : c'est malheureusement un des gros problèmes de la distribution française pour le cinéma indien - beaucoup de séances parisiennes et très peu de séances en province. Cela dit, il y a encore des séances prévues dans pas mal de villes ce week-end (Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nice, etc). On peut trouver plus de détails sur les réseaux du distributeur Friday Entertainment.

Pour l'annulation de Ponniyin Selvan, beaucoup de villes ont déjà annoncé une re-programmation pour ce week-end ou le prochain. Espérons que Montpellier fera partie du lot...


04/10/2022 à 21:56

La séance de dimanche prochain à Montpellier vient d'être annulée tout comme l'a été Ponniyan dimanche dernier.... Frustration quand tu nous tiens !

Jean jean
04/10/2022 à 21:03

Bonjour
Vous êtes bien gentils avec le cinéma indien.... mais plus je cherche et moins je trouve Où LE VOIR!!!!!
Merci

BlackAdaube
04/10/2022 à 14:41

Vu dimanche par hasard et vraie bonne surprise ! Je conseille +++

Fabikarp
04/10/2022 à 14:24

Dommage encore un rendez vous manqué, vivement le moment où on pourra voir des films indien en dehors de Paris.

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