X : critique du massacre sans tronçonneuse de Ti West
Départ sur les chapeaux de roues pour le très généreux Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, FEFFS de son petit nom. Quelques heures après la projection en ouverture de la nouvelle adaptation de Diabolik, quelques semaines après l'avant-première de son prequel Pearl à Venise et quelques jours après l'annonce de sa suite MaXXXine, le X de Ti West était présenté en séance de minuit à un public chauffé à blanc par sa réputation. Et on n'aurait pas rêvé meilleures conditions pour le découvrir enfin.
American History X
On nous avait reproché le qualificatif "Massacre à la tronçonneuse porno" à l'époque des premières bandes-annonces. Pourtant, comme à son habitude, l'homme-orchestre (réalisation, scénario, production, montage) Ti West refuse de dissimuler ses influences, et ce dès l'ouverture de son film. Prenant place au Texas, à la fin des années 1970, baignant dans une ambiance aride familière composée par le fidèle lieutenant Eliot Rockett, X emprunte évidemment au cinéma de Tobe Hooper, et pas uniquement à son célébrissime Texas Chainsaw Massacre.
Depuis quelques années, les festivals de fantastique débordent d'hommages plus ou moins assumés aux grands maitres du genre. Mais contrairement à ses congénères parfois imbuvables, X s'appuie moins sur des clins d'oeil forcés et sur des tics de mise en scène que sur une gestion habile et très progressive du suspens, ainsi que sur une brutalité que seul peut-être Rob Zombie avait réussi à retrouver le temps de quelques films.
Rassurez-vous : le long-métrage vire bien au slasher méchant, parcouru de saillies gores bouillonnantes. Toujours est-il que l'effet en lui-même compte moins que le coup de poing à l'estomac qu'il assène au spectateur, que ce soit grâce à un effet sonore bien placé, un détail morbide, un plan anormalement long ou une sensation de surprise parfaitement dosée.
Soit une science de l'horreur 70's encore rare, que West perfectionne en piochant dans les recoins moins exposés de la filmographie du maitre texan, notamment dans Le Crocodile de la mort pour son utilisation magistrale de la menace animale, complétant les vicissitudes humaines, et dans Massacre à la tronçonneuse 2 pour son humour noir autoparodique, qui explose lors d'un climax hilarant, contre toute attente.
Une belle bande de bras cassés
Il fallait de sacrées épaules pour réunir en moins d'une heure 50 les plus grandes qualités de Hooper et de ses descendants. Un exploit qu'il accomplit, une fois de plus, à l'aide d'une mise en scène d'une inventivité impressionnante, y compris lors des scènes de meurtres, et grâce à sa palette de personnages, chacun rattaché à un archétype qu'il finit par transgresser (le cinéphile finit par faire du bon porno, la prude passe devant la caméra, la bimbo autoproclamée pèche par excès de sollicitude...). À terme, il ne magnifie pas seulement les poncifs : il revient aux sources du red-neck movie et de son sens de sa provocation.
Ti West side story
Le premier plan est sans équivoque. Le temps de quelques secondes, on croirait être face à un film en super 8, avant qu'un travelling avant ne révèle la supercherie : ce qu'on tenait pour les bords du cadre était en fait les portes d'une grange. Une anticipation très maligne du jeu de parallélisme qui occupe les premières 40 minutes, où la fiction pornographique tournée par les personnages et les événements réels fusionnent, comme si l'équipe prédisait sa propre perte.
Déjà dans The Innkeepers, The House of the Devil et même certains épisodes de série, Ti West, par souci de minimalisme, mettait à nu la substantifique moelle de son genre de prédilection. Dans X, il passe le cap de l'explicite avec brio, s'attaque frontalement au prétendu désir libidinal qui motive le cinéma dit d'exploitation et relie, selon ses détracteurs, la pornographie et le cinéma d'horreur. Leur point commun, aux yeux de l'institution, étant le fameux classement... X, ultime symbole de luxure pour les garants du bon gout, ceux qui ont à coeur de séparer "les filles bien" des autres.
Jusqu'à encore très récemment – il faut rappeler que le torture-porn doit son nom à un journaliste réac' –, porno et horreur faisaient partie de la même lie aux yeux du monde. Une confusion due à leurs modes de production parfois similaires, aux hybrides qui ont fait les grandes heures du bis international, mais surtout au mépris qu'on leur a toujours porté, usant de l'un pour discréditer l'autre. À la fois conscient du passif de la tradition qu'il perpétue et amoureux des subtilités des codes qui lui sont propres, West s'amuse à entrelacer les deux genres... avant de les séparer violemment dans la deuxième partie.
Dans X, plutôt que le sexe, c'est l'abstinence qui tue. Ou alors la frustration psychosociale qui découle d'un trempage de biscuit trop rare ou complexé. Non seulement cela crée des antagonistes passionnants, car en position de faiblesse (l'un d'entre eux a donc eu droit à son propre long-métrage), mais cela raille aussi la jalousie viscérale prêtée aux prédicateurs du petit écran. Comme Massacre à la tronçonneuse, le film déplace le curseur du mal de sa propre nature aux contradictions mortifères de la culture occidentale, celles-là mêmes qui l'accusent de tous les maux.
Facettes de la pièce américaine
Malgré les jets de sang improbables et le cours d'anatomie, il fait donc preuve d'une lucidité désarmante et enrichit la filmographie du cinéaste d'un nouveau panégyrique du cinéma d'horreur. En effet, le genre, seul assez dédaigné pour révéler les biais malsains de ceux qui nient sa beauté, en ressort grandi. Son ambivalence s'incarne finalement dans le double personnage de l'excellente Mia Goth, encapsulant après l'ultime twist toutes les thématiques du film. Et de ce qui se dit ici et là à propos de Pearl, Ti West persiste à louer la force de transgression du cinoche qui nous fait tant rêver et cauchemarder, en festival ou ailleurs. Pourvu qu'il ne s'arrête pas de sitôt.
X sortira le 2 novembre en salles, puis sur OCS.
Lecteurs
(3.4)08/07/2023 à 19:24
Décevant.
07/11/2022 à 10:32
Une excellente série B classique dans son déroulement mais atypique dans sa réalisation. Ti West reste à mes yeux un vrai passionné qui réussit ce qu'il entreprend. Tout le contraire d'un Mike Flanagan.
04/11/2022 à 07:47
Non désolé j'ai pas adhéré, pas de réelles surprises, pas de vrais horreurs/gore, j'ai largement plus apprécié Barbare
04/11/2022 à 00:27
Perso j'ai adoré, on a juste trop comparé ce film à "Massacre..." pour la famille déglingué, la sutation dans une ferme reculée au plein milieu des années 70, etc... Je comprends que l'on aime pas, mais le personnage de Pearl est un boogeyman à part entière et le préquel du même nom, ne fait que le confirmer... D'ailleurs à la fin de Pearl on sent bien que Ti West savait déjà à quel film il allait être comparé pour X et rend un petit hommage pas piqué des hannetons à Tobe Hopper. Mia Goth crève l'écran dans les deux films (Surtout dans Pearl d'ailleurs) et j'attends impatiemment de voir ce que va donner MaXXXine!
03/11/2022 à 19:08
Pas pour moi, l'horreur sans fantastique ne m'intéresse pas.
03/11/2022 à 17:11
EL je vous adore, vous faites un super taf depuis si longtemps, mais je dois avouer que l'époque où je pouvais aller au ciné yeux fermés suite à une critique élogieuse de votre part est malheureusement révolue.
03/11/2022 à 11:21
ni film de boule, ni film d'horreur, ni rien du tout, on se demande du début à la fin où ça veut aller, le film le plus sur-côté de l'année
02/11/2022 à 22:20
Bien déçu aussi.. et perso les (très) (mauvais) maquillages m'ont sortis du film direct. Je ne pouvais pas voir autre chose que 2 "jeunes" en train de sur-cabotiner (on allait pas embaucher des "vieux" en plus, encore moi de vrais "gueules", mettons les bombasses à tous les rôles :))
02/11/2022 à 22:14
Petite question pour ceux qui l'ont vu officiellement. Est-ce une version québécoise au niveau doublage. Il est sorti en Vod en Belgique mais la BA est québécoise. Merci pour vos retours. :)
02/11/2022 à 17:58
X et pearl vus et c'est pas terrible, Ti west real bien surestimé (un peu comme mike flanagan). Barbarian est bien plus sympa