Brahmāstra : critique du Marvel indien

Clément Costa | 12 septembre 2022 - MAJ : 12/09/2022 11:09
Clément Costa | 12 septembre 2022 - MAJ : 12/09/2022 11:09

Événement colossal en Inde, Brahmāstra Part One : Shiva est censé poser les bases de l’Astraverse, un univers étendu super-héroïque faisant office de réponse locale au MCU. Avec le cinéaste Ayan Mukerji aux commandes et la superstar Ranbir Kapoor en tête d’affiche, le film était extrêmement attendu. Promesse tenue ou déception cosmique ?

A(stres)vengers

Au risque de le répéter une énième fois, nous vivons un nouvel âge d’or du blockbuster indien. Une époque parsemée de grands films spectaculaires, violents et inventifs. Mais s’il y a bien un genre qu’aucune industrie indienne n’est réellement parvenue à maîtriser, c’est clairement le film de super-héros. On peut penser à Voltage signé Anubhav Sinha ou dans une certaine mesure 2.0 réalisé par le talentueux Shankar, des films généreux et pétris de bonnes intentions, mais trop inégaux pour être de vraies réussites.

Avec ce premier volet de Brahmāstra, on nous promettait un immense spectacle comme on n’en avait jamais vu à Bollywood. Le cinéaste Ayan Mukerji a passé près de 10 ans à travailler son univers étendu, l’Astraverse. Et la promesse est tenue en grande partie. Dès la séquence d’ouverture mettant en scène le légendaire Shahrukh Khan, le film cherche à nous en mettre plein la vue. Ce combat est annonciateur de tout ce que le film vise à offrir : une débauche d’effets numériques, de l’action épique et des personnages mythologiques.

 

Brahmāstra Part One : Shiva : photoDes transformations flamboyantes

 

Évidemment, on n’évitera pas des effets franchement laids. Dans ses toutes dernières minutes, après un final qui enchaîne les moments de bravoure, le film sombre même dans une bouillie numérique digne du DCEU. Cela dit, dans sa grande majorité Brahmastra est une réussite technique indéniable. D’autant plus quand on se rappelle que le film a coûté cinq fois moins cher que l’immonde Thor : Love and Thunder.

On pouvait craindre qu’un cinéaste réputé pour des films aux budgets modérés ait de la peine à gérer un tel projet. Ayan Mukerji parvient cependant à effacer tous nos doutes en quelques séquences à peine. Son film déborde d’idées de mise en scène. Mieux encore, il tente de toujours filmer l’action à hauteur d’homme afin de rendre le spectacle plus tangible et impressionnant. Le cinéaste s’amuse avec les échelles de plan et nous permet de naviguer avec émerveillement au milieu des divinités.

Pour parachever sa réussite technique, Brahmāstra dispose d’une bande-originale somptueuse. Le compositeur Simon Franglen (qu’on retrouvera bientôt pour Avatar 2, excusez du peu) livre une partition épique, qui capte à merveille les racines indiennes du récit. En accompagnement, les chansons de Pritam sont aussi efficaces que mélodieuses.

 

Brahmāstra Part One : Shiva : photoUn tout petit Kamé Hamé Ha

 

Shiva : le défi

Toutes ces belles promesses sont cependant à relativiser. La faute à un problème non négligeable, à savoir l’écriture des personnages. Le réalisateur Ayan Mukerji a pourtant construit toute sa réputation sur le fait d’écrire des personnages complexes et faillibles, auxquels il est facile de s’identifier, comme c’était le cas pour l’excellent Wake Up Sid. Cette fois-ci, Brahmāstra met en scène des coquilles vides que même les talents conjugués de Ranbir Kapoor et Alia Bhatt ne peuvent pas sauver.

En une poignée de séquences convenues et maladroites, le cinéaste veut nous faire croire à une histoire d’amour qui défierait le destin et la mort. Dans les faits, on se trouve face à une romance superficielle, à laquelle on ne croit jamais et qui empiète beaucoup trop sur le spectacle de fantasy que tout le monde réclame. Le défi de rendre le couple ne serait-ce que crédible n'était pourtant pas démesuré, Ranbir Kapoor et Alia Bhatt étant mariés depuis peu.

 

Brahmāstra Part One : Shiva : photoMoi je n'étais rien et voilà qu'aujourd'hui...

 

Ayan Mukerji peine également à donner de la consistance à ses méchants. Mis à part peut-être la machiavélique Junoon, incarnée par une Mouni Roy qui en fait des caisses pour notre plus grand plaisir. Mais ses deux hommes de main sortent tout droit d’une mauvaise série B ou d’une secte à la Dan Brown, ce qui revient plus ou moins à la même chose.

Enfin, Brahmāstra souffre de dialogues au mieux maladroits, au pire risibles. Le dialoguiste Hussain Dalal avait pourtant fait des merveilles pour Yeh Jawaani Hai Deewani, sa dernière collaboration avec Ayan Mukerji. Cette fois-ci, son niveau est embarrassant. Impossible de ne pas transformer l’exercice en jeu à boire pour compter toutes les fois où Isha demande à son amant sur un air faussement dramatique "Qui es-tu Shiva ?".

 

Brahmāstra Part One : Shiva : photoMais qui es-tu Shiva ?

 

Guru ex machina

Malgré ces défauts évidents et après une première partie plombée par cette romance forcée, Brahmāstra est sauvé par un deuxième acte qui assume enfin d’être un pur spectacle de fantasy. L’arrivée du gourou, incarné par le vétéran Amitabh Bachchan, change totalement la donne et relance le film sur de bien meilleures bases. Comme toujours, l’acteur dispose à l’écran d’une aura quasiment inexplicable tant elle relève de la magie du cinéma.

On découvre alors une sorte d’école secrète servant de refuge aux élus des astres. Ils y apprennent à maîtriser leurs pouvoirs à l’abri des regards, quelque part entre les X-Men et Poudlard, le tout assaisonné de mythologie indienne. À ce moment-là, le film capte à nouveau notre attention et ne la lâche plus jusqu'à la fin.

 

Brahmāstra Part One : Shiva : photoGods of India

 

L’autre gros point fort du film, c’est sa capacité à créer un univers immense et intemporel, qui semble s’étendre bien au-delà de ce qui nous est montré à l’écran. À de nombreuses reprises, il est évident que le réalisateur travaille son Astraverse depuis de longues années et le connaît sur le bout des doigts.

Paradoxalement, cette force fragilise le récit puisque Mukerji semble bien plus enthousiaste à l’idée de réciter sa mythologie qu’à celle de créer de vrais enjeux narratifs. Et c’est sûrement en grande partie ce qui peut expliquer ses failles d’écriture. Mais l’univers de Brahmāstra finit irrémédiablement par nous transmettre son enthousiasme contagieux. Et maintenant que les bases (parfois laborieuses) sont enfin posées, reste l’espoir d’avoir droit à un spectacle mieux maîtrisé et totalement captivant pour le prochain opus.

 

Brahmāstra Part One : Shiva : photo

Résumé

Sans être la réussite miraculeuse qu'on espérait, Brahmāstra Part One : Shiva déborde tout de même de générosité et d'inventivité. Ayan Mukerji utilise chaque centime de son budget pour nous offrir un spectacle impressionnant. Espérons que le cinéaste corrige le tir du côté de l'écriture et des dialogues si le second opus promis en fin de film voit le jour.

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commentaires
Serievore
14/09/2022 à 02:23

Ha Brahmastra Alors, je m y attendais pas du tout. Je pensais que le film serait drahmastratique de nullite.

Je dois avouer mon etonnement, qu il recoive autant d eloges, les brahmastra m en tombent.

Natani nez
12/09/2022 à 19:35

Ok c’est noté merci bien

Clément Costa - Rédaction
12/09/2022 à 16:44

Sur le site on a déjà parlé de l'excellent blockbuster tamoul Vikram réalisé par Lokesh Kanagaraj un peu plus tôt cette année, et de la saga K.G.F également (il faut adhérer au montage très brutal mais si on adhère c'est assez fou). On avait aussi parlé de Minnal Murali, pas vraiment un blockbuster vu le petit budget mais justement une vision très stimulante du film de super-héros à l'indienne.

Sinon je conseille la filmographie de Shankar (I, 2.0, Robot), mais aussi Tiger Zinda Hai, WAR, Pushpa : The Rise, Master, Vikram Vedha, AndhaDhun, Bajirao Mastani... La liste est globalement axée blockbuster d'action/thriller. Évidemment, tout ne va pas forcément vous plaire, mais ça donne une idée assez variée de ce qui cartonne côté grand spectacle dans les différentes industries indiennes ces dernières années.

Natani nez
12/09/2022 à 15:53

Vous conseillez quoi comme blockbuster indien mis a part les Rajamouli ?

Atlantis
12/09/2022 à 13:10

Merci Clément

Clément Costa - Rédaction
12/09/2022 à 12:52

@Atlantis : toutes les séances sont indiquées sur les réseaux du distributeur Night Ed Films. La distribution est assez conséquente en région parisienne, en revanche en province on est souvent sur des séances uniques malheureusement (comme trop souvent pour le cinéma indien en France).

Atlantis
12/09/2022 à 12:32

Et on peux le voir ou ?

Fabikarp
12/09/2022 à 12:16

Dommage que le cinéma indien soit pas plus valoririsé en France et donc qu'il n'y a pas beaucoup de séances sur le territoire. Mais merci à des sociétés comme night ed films ou encore Desi entertemnent de permettre une petite diffusion et des découvertes toujours sympa.

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