Perdus dans l'Arctique : critique du The Revenant de Netflix

Matthias Mertz | 4 mars 2022 - MAJ : 07/03/2022 10:15
Matthias Mertz | 4 mars 2022 - MAJ : 07/03/2022 10:15

Vou aimez les films de survie ? Vous aimez la couleur blanche ? Vous avez Netflix ? Vous aimez Game of Thrones (ou au moins ses acteurs) ? Perdus dans l'Arctique, réalisé par Peter Flinth, avec Joe Cole et Nikolaj Coster-Waldau (qui n'est d'ailleurs pas le seul membre du casting de la série Game of Thrones à l'écran) est peut-être pour vous. Nikolaj Coster-Waldau est d'ailleurs co-scénariste du récit, contant l'aventure d'une expédition danoise au Groenland en 1909, dont le but est d'empêcher les États-Unis de réclamer des terres (les vieux réflexes) sous souveraineté danoises.

The revenants

Perdus dans l'Arctique est une histoire de survie. Inspiré par des faits réels bien évidemment incroyables (voir les quelques photos lors du générique de fin), le film raconte le voyage d'un équipage danois vers le Groenland, au début du XXème siècle. Le capitaine chevronné Ejnar Mikkelsen (Nikolaj Coster-Waldau) emmène dans une mission suicide le jeune mécanicien Iver Iversen (Joe Cole), après qu'aucun des autres membres de l'équipage ne se soit porté volontaire. L'expédition débute en 1909, mais l'issue n'aura lieu que deux ans plus tard environ, après un long cauchemar.

L'immersion dans l'enfer blanc, c'est la principale réussite de Perdus dans l'Arctique, qui a été tourné entre l'Islande et le Groenland. On s'attendait à avoir des plans larges de la banquise, qu'elle soit ludique ou suffocante, et c'est un pari largement tenu par le réalisateur Peter Flinth. Exception faite d'un ours blanc qui porte une pancarte "imagerie numérique", Perdus dans l'Arctique bénéficie ainsi d'un vrai soin et savoir-faire, notamment du côté des costumes et des décors (certains sont simples et lumineux, à l'image de la banquise, là où d'autres parviennent à illustrer le caractère sinueux de l'expédition).

 

Perdus dans l'Arctique : photoDes plans larges pour la dimension Man VS Wild du récit

 

À l'image de la dynamique de The Lighthouse (mais dans une version plus légère), Perdus dans l'Arctique parvient à forger une relation puissante entre ses deux protagonistes, livrés à l'isolement. D'un côté, le capitaine chevronné est si désespéré dans sa quête de succès qu'il en a oublié la valeur de sa propre vie. De l'autre, le jeune mécanicien parvient à tenir bon et être la boussole de son ainé, malgré sa relative inexpérience. Leurs interactions sont le coeur du film, et les dialogues entre les deux hommes sont parfois percutants (à l'image des mots prophétiques du capitaine, prévenant le mécanicien de ne pas trop s'attacher aux chiens qui guident le convoi).

La première partie du film, avec ses expéditions en traineau, oscille avec brio entre la joie décomplexée du jeune mécanicien, qui s'élance à toute vitesse sur la banquise, et les péripéties racontées de façon dantesque. C'est la musique de Volker Bertelmann qui permet cette versatilité, en servant notamment au récit des thèmes épiques (lorsqu'il faut secourir une partie du convoi d'une chute dans une crevasse).

Autre force de cette première partie : la présence des chiens, qui sont un personnage important. D'abord montrés comme une distraction ludique à travers les yeux du mécanicien, qui gigote avec plaisir lors des parties en traineau, ils permettent de saisir la cruauté inhérente du récit de survie.

 

Perdus dans l'Arctique : photo, Joe ColeSans ironie, les chiens sont un gros point fort du film

 

28 semaines plus tard

Mais le plus gros défaut de Perdus dans l'Arctique, c'est l'inégalité criante entre les deux parties. Si la première raconte le voyage des deux hommes (et de leurs chiens) en quête d'une preuve du caractère indivisible du Groenland, la seconde ne raconte rien d'autre que l'attente du secours. Toute l'urgence de la survie est alors dissolue dans la possibilité pour les deux explorateurs d'attendre de l'aide. Et ce durant plus de deux ans.

Une idée qui ne fonctionne pas, principalement parce qu'il n'y a plus de tension : les deux hommes ont le temps, la nourriture, et l'abri nécessaire pour survivre. Le spectateur n'a donc plus qu'à attendre, comme eux. C'est d'autant plus gênant que l'écriture est bancale, comme lorsque le duo rate les secours (qui ne sont restés que quelques heures sur place ?), suite à un rêve du capitaine qui les pousse à sortir sans laisser la moindre note ou preuve de leur présence.

L'autre gros problème est la distorsion du temps. Si les premiers mois de l'expédition montrent une avalanche de péripéties, la seconde partie du film retrace les plus de 700 jours suivants durant lesquels il ne se passe rien ou presque.

 

Perdus dans l'Arctique : photo, Joe ColeQuitte à regarder un ersatz de The Revenant et The Lighthouse, autant regarder ces films

 

Pour ne rien arranger, les séquences aux côtés des autres membres de l'équipage de retour au Danemark, qui montent une nouvelle expédition de secours, ralentissent le récit. D'une part parce qu'elles brisent l'atmosphère suffocante de huis clos de leurs camarades, mais aussi parce qu'elles nous privent de l'interrogation fondamentale (leurs camarades viendront-ils les chercher ?).

Pire : ces séquences ressemblent à un prétexte pour montrer Charles Dance, qui avait déjà collaboré avec Nikolaj Coster-Waldau au sein de la série d'HBO Game of Thrones (où il incarnait Tywin Lannister), dans son costume de ministre danois.

 

Perdus dans l'Arctique : photoDommage que le récit ne parvienne pas à se remettre de sa première moitié convaincante

 

Et en parlant de Danemark, c'est probablement l'un des plus lourds regrets. Mis à part la mention pertinente du Titanic (au contraire d'une expédition qui n'avait aucune chance sur le papier d'aboutir et qui y est pourtant parvenue, le navire réputé insubmersible et onéreux n'aura pas vu la conclusion de son voyage), le film manque de contexte historique et culturel ; a fortiori dans la mesure où il s'agit d'une expédition ne comprenant que des explorateurs danois, commandée par le gouvernement lui-même.

Où est donc la mythologie danoise ? Ou encore Les chants de marin qui nous avaient conquis dans The Lighthouse ? Le récit apparaît si peu référencé qu'on pourrait tout à fait l'imaginer se tenir avec des protagonistes d'une nationalité et d'une culture différente, ou encore des centaines d'années après ou avant sans que ça ne perturbe sa maigre diégèse. Aussi lisse que la banquise, on vous dit.

Perdus dans l'Arctique est disponible depuis le 02 mars 2022 sur Netflix.

 

Perdus dans l'Arctique : Affiche

Résumé

Perdus dans l'Arctique est un bien bel écrin pour un récit qui manque d'enjeux. Bien loin des ténors du genre, le récit trouve quelques fulgurances dans son très bon premier acte. La suite réserve le même sort aux explorateurs qu'aux spectateurs : l'attente.

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commentaires
Iros
04/04/2022 à 09:46

Absolument pas d'accord avec la chronique en ce qui concerne le manque de tension dans la seconde partie. Bien au contraire, elle consiste en un glissement progressif vers la folie qui crée justement une ambiance des plus lourdes. En ce qui concerne "l'équipe de secours qui reste que quelques heures", j'ai pas compris non plus le chroniqueur. Etant donné que l'aller retour au cairn prend plusieurs semaines, l'équipe de secours a pu rester sur place plusieurs jours avant de repartir. Bref. J'ai passé un très bon moment devant ce film en tout cas. Je conseille !

Kimfist
11/03/2022 à 19:11

Bon je suis devant à l'instant même :

Le montage : téléfilm (mais premium) trop rapide, mal entrecoupé, certain plan trop court, on dirait un montage de publicité. Mais ça passe quand même on est loin du montage désastreux de la première saison de The witcher.

L'éclairage : film. Parfait, comme toute la partie technique du film, on est bien. L'étalonnage est très bien millimètre. Impossible de faire la différence entre les lumières réel et celle retravaillé.

Les acteurs : téléfilm, difficiles de ne pas apercevoir un léger surjeux dès le début, bon on a vue pire mais quand même, n'est pas Agnès Soral qui veux.

Les effets spéciaux : téléfilm, limite il aurait fallu ne rien faire.

Les décors : film. C'est de toute beauté, jamais le grand nord n'aura été aussi sublime.

L'histoire : téléfilm, elle est bien mais pas dramaturé façon cinéma, plutôt docu arte, vous savez, ce type de programme entrecoupé d'intervention d'historiens.

Pour conclure : encore une fois, Netflix a le derrière entre deux chaises, leurs films sont des faux films, car il n'ont pas la finition attendu pour le cinéma (même les films de Anderson sont mieux fini). Il faudrait que Netflix développe ou rachète des studios, surtout des studios de post prod.

Bon film 3,5/5

kimfist
07/03/2022 à 13:51

Mais est-ce que c'est un film où un téléfilm ?

J'arrive pas à deviner avec la bande-annonce, car si c'est un téléfilm je vais pas regarder.

J'aimerais bien savoir si le film a les moyens de ses ambitions, ou si c'est juste un téléfilm du câble, façon HBO.

Tompak
06/03/2022 à 08:21

1909, c'est le début du XXe siècle, pas du XIXe.

Cléa93
05/03/2022 à 15:43

Mouais... On est très très loin de l'intelligence de mise en scène de The Revenant. Petit divertissement correct et gentillet pour qui aime les grands espaces glacés et les chiens de traineau mais rien de viscéral là-dedans. Réalisation sans fièvre ni vrai talent. Moyen plus.

justMe
05/03/2022 à 09:56

La tension de la seconde partie se déplace vers la capacité des deux protagonistes à se supporter, résister à la folie etc.. Elle est juste différente.
Et quand aux secours 'qui ne sont restés que quelques heures sur place ?', le périple des deux hommes à duré éx300km.. donc il a pris ...un certain temps (peut-être mal rendu à l'écran, il est vrai)
Excellent film.

Mark
05/03/2022 à 09:21

Très bon film ou l’on perçoit effectivement l’attente comme décrit dans l’article mais dans l’objectif de la faire vivre aux spectateurs comme pour leur faire sentir l’angoisse et la folie qui s’empare des protagonistes

Ken
04/03/2022 à 21:50

J’ai trouver sa pas mal

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