Haters : critique qui paie pour ses crimes sur Amazon

Simon Riaux | 3 décembre 2021 - MAJ : 24/12/2021 14:44
Simon Riaux | 3 décembre 2021 - MAJ : 24/12/2021 14:44

Haters est la nouvelle comédie française à trouver un chemin jusqu'à Amazon Prime Video. L'occasion pour Kev Adams de régler ses comptes avec la nature humaine, à la faveur d'une chanson de geste sensible, un récit choral qui emprunte avant tout à l'ineffable sensibilité du haïku. Ou pas.

MÊME JOUEUR PERD ENCORE

On aura beau jeu de rappeler les tragiques Amis publicsLes nouvelles aventures d'AladinAlad'2GangsterdamAll Inclusive et autres Les Profs 2 comme autant d'augures prédisant combien Haters s'annonçait moins drôle qu'une septicémie. Mais ce serait un peu hypocrite tant, sur le papier, le sujet et ses artisans auraient pu aboutir à une proposition intéressante, ou à tout le moins singulière. Mieux, le long-métrage aurait pu être parfaitement en phase avec son époque.

Les manifestations de haine, le cyber-harcèlement et autres joyeusetés fielleuses composent un phénomène complexe, qui fait régulièrement les gros titres de l'actualité. Kev Adams a été plus souvent qu'à son tour sujet de campagnes de détestation, tantôt motivées par un antisémitisme (pas du tout) voilé, par de la violence gratuite, ou le visionnage de ses précédents travaux.

 

Haters : photo, Kev AdamsSubversion

 

L'artiste appartient à une génération qui a vu croître puis exploser les plateformes de diffusion, à l'instar de YouTube, et n'a plus à démontrer sa maîtrise des réseaux sociaux en matière d'auto-promotion. Dès lors, le voir jouer un humoriste numérique partant à la recherche de ses "haters" et espérant que les humilier lui permettrait de faire oublier un cuisant bad buzz n'était pas si absurde.

On pouvait même se prêter à rêver qu'Amazon permette au récit de s'affranchir des codes plastiques de la comédie conçue pour le prime time télévisé, de son ton savonné, de sa structure corsetée, et nous amène vers les rives d'un rire plus acide, au contact de son temps, donnant à voir d'Adams autre chose qu'une figure de post-adolescent aussi aimable qu'un étui pénien en laine de verre. On pouvait y croire. L'espérer. Doucement. Follement. Au lieu de ça, on a préféré regarder le film.

 

Haters : photo, Kev AdamsLa coiffure, cet art dangereux

 

DOULEUR ET GLOIRE

Si vous n'avez jamais découpé un globicéphale à la disqueuse, alors sans doute ignorez-vous le sentiment de néant, de vanité stérile qui s'abat sur qui massacre un animal innocent. Ce mélange de honte, de poisseuse culpabilité s'accompagne généralement du fumet des entrailles déchirées, d'où s'élèvent en volutes des relents excrémentaires méphitiques. Voilà à peu de choses près l'interaction sensorielle que nous propose Haters. Le regarder c'est le détester, le détester pour son vide, et pour la démente constance avec laquelle il se tient à son programme radioactif.

L'écriture étant en pilote automatique, on aura du mal à pointer ce qui ne fonctionne pas dans cet empilement de saynètes, dont on se demande s'il vise à humilier son casting pléthorique, ou à nous rappeler que la vie de bohème est parfois plus amère que des ongles de lépreux gratinés au four.

 

Haters : photoOlive et Tom, version Wish

 

Nadia Farès, Elie Semoun, Sara Forestier, Jean-Claude Van Damme, Vincent Desagnat, Lucien Jean-Baptiste et Franck Dubosc ont la politesse minérale de ne jamais faire le moindre effort pour nous tromper sur la marchandise. L'effet sur le spectateur est particulier, inconfortable, en cela qu'il traverse cette "comédie" encadrée d'une galerie de personnages moins amicaux que des huissiers de justice. Ceux dont l'âme ne sera pas irrémédiablement broyée par cette expérimentation qui les confrontera aux limites de l'entendement atteindront un stade de conscience douloureux, mais inédit, lequel les ouvrira sur une troublante vérité.

Kev Adams est un petit machin fragile, qui, non content d'être un des comédiens les plus suivis et appréciés de sa génération, a encore besoin de nous raconter combien ceux qui ne peuvent pas l'encadrer sont avant tout des médiocres aux prises avec leur propre malheur. Quand ils n'agissent pas de la sorte pour masquer leur admiration. À moins qu'à la manière d'un célèbre footballeur, ils ne le vomissent que pour trouver en eux la force de se dépasser, et de briller ? La vie est étonnante parfois.

Haters est disponible sur Amazon Prime Video en France depuis le 3 décembre 2021

 

Haters : Affiche officielle

Résumé

Quand, dans quelques siècles, des archéologues extraterrestres fouilleront la surface calcinée de notre planète, peut-être trouveront-ils, dans les décombres, ce vibrant témoignage de dégénérescence satisfaite. Pas dit qu'ils y survivent.

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commentaires
Ded
05/12/2021 à 16:27

"La grosse tête est la silicose des gens du spectacle" (Guy Bedos, qui n'a pas dit que des conneries). Tout est dit. Tous ces Clavier, Boon, Kev et consorts sont pénétrés d'un fait indiscutable : "ce qu'ils font est bon". Partant de là.. Moi je les en remercie car je m'amuse beaucoup à lire les envolées métaphoriquement vachardes de S. Riaux. Sans eux, plus d'articles de ce tonneau ! Finie la rigolade ! Donc, longue carrière à tous ces branques et merci encore !...

Jason Bourne
05/12/2021 à 14:08

@ Simon, le problème, vu ta prose, est qu'on a envie de voir le film pr le mépriser... Sois plus direct, qu'on ne perde pas autant de minutes de notre vie. À l'occaz', tu me diras pourquoi Assassin's Creed n'a qu'une demi-étoile de plus que ce... truc.

Liojen
05/12/2021 à 13:45

Quand la critique est meilleure que le film lui-même!
Un jour on érigera une statue à la gloire verbeuse de Simon Riaux.
KingSimon

Hunter Arrow
04/12/2021 à 18:29

Le truc cool avec Simon Riaux, c'est qu'une fois que vous avez compris son goût pour les métaphores toujours plus aléatoires, alors il n'y a limite plus besoin qu'il signe ses critiques...

raff8
04/12/2021 à 18:16

@la rédaction: j'ai une vraie question,
est ce que ces films sont rentables? je parle en prenant en compte salle/SVOD/DVD. j'ai l'impression qu'il arrive à en sortir encore plein alors que les critiques sont toutes mauvaise et les résultats artistiques "mitigés" (pour être très poli avec ces daubes) Est ce qu'il a vraiment autant de fans que ça??

Monsieur vide
04/12/2021 à 14:12

Au lieu de dépenser de l'argent dans ces bouses , ils auraient pu les donner pour la faim ou autre cause..on marche sur la tête

Pi
04/12/2021 à 10:00

La critique du vide. Et encore le vide est un signifiant. Alors que Kev Adams...

acteur pas populaire et communautaire
04/12/2021 à 09:52

je crois me souvenir qu'en plein lockdown l'an dernier, kev adams faisait des sketchs ou petits post- en ligne et c'était tellement naze qu'il se faisait defoncer en direct ,peu de temps apres il arrêtait ses live..
donc pas populaire et sans talent aucun

#diez
04/12/2021 à 09:20

Le film troll par excellence. Tout sonne faux hormis l'extrême lucidité de son générique d'introduction méta tellement idiot.

Pourquoi ? Pourquoi ? Sans déconner pourquoi ? Gâcher autant de ressources pour rater un sujet qui avait un vrai potentiel comique et dramatique. Tout sonne faux... tout... Mépriser le spectateur pour se prouver je ne sais quoi... une belle leçon de moral.

Il ne faut pas confondre le hater abruti et le gars lucide qui repère la merde là où il y en a le plus. Un peu d'humilité.

Méta jusqu'au bout qui plus est. Haters, le film qui fabrique des haters.

John Spartan
04/12/2021 à 08:15

J'aurais dû lire la critique avant de voir cette purge...

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