Meurtrie : critique Halle of fame sur Netflix

Mathieu Jaborska | 26 novembre 2021 - MAJ : 26/11/2021 17:04
Mathieu Jaborska | 26 novembre 2021 - MAJ : 26/11/2021 17:04

Halle Berry fait ses débuts derrière la caméra avec Bruised (Meurtrie en VF), classique récit social et sportif dans le milieu de la MMA, échoué sur Netflix chez nous. L'exercice impose certes le respect, la réalisatrice s'octroyant un rôle principal très physique, mais parvient-il à se démarquer des autres productions du genre ?

Strong Berry

Tandis que le premier Rocky se réinvite dans les salles en 4K et que Sylvester Stallone présente en parallèle son nouveau montage de Rocky IV, les héritiers de la saga n'en finissent plus d'apparaître. Ils constituent souvent de bons véhicules pour les comédiens en pleine possession de leurs moyens, forcés, dans les traces du grand Sly, d'interpréter à la fois la force brute et l'émotion, et - plus complexe encore - de lier les deux performances entre elles, comme le faisait habilement Jake Gyllenhaal dans le très rafraichissant La Rage au ventre il y a de ça quelques années.

Meurtrie a donc des airs de défi, que Halle Berry compte bien relever en jouant, comme le veut la tradition, sur les tableaux sociaux et martiaux. Ancienne gloire de la MMA humiliée, son personnage est intimé à reprendre sa carrière. Mais un entourage toxique lui colle en plus dans les bras son propre marmot mutique, auquel elle va devoir consacrer un peu de son temps. Non seulement l'actrice doit concilier performance sportive intense et sensibilité maternelle en construction, mais elle est en plus en charge de la réalisation (exercice réputé difficile) et de la gestion d'un très jeune collègue (exercice réputé très difficile).

 

Meurtrie : photo, Halle Berry, Danny Boyd Jr. Pas exactement la mère de l'année

 

Et en définitive, compte tenu de son inexpérience à ce poste, elle s'en sort très bien. La mise en scène a beau souffrir d'un véritable académisme (défaut récurent chez les films d'acteurs), elle rend justice à son interprétation, assez juste en dehors du ring, plutôt impressionnante en plein combat, normalement lors d'un final à la hauteur. Alors évidemment, l'auteur de ces lignes ne pratique les sports de combat qu'en cinéphile et le culte qu'il voue à Raging Bull ne lui permet pas de juger de la plausibilité des corps à corps, et encore moins des violentes empoignades de MMA. Il laisse donc aux amateurs du sport l'appréciation de sa technique. Reste que pour les néophytes, les chorégraphies sont assez précises pour faire mouche.

Le défi est donc relevé. Et ça suffira à beaucoup de spectateurs, intrigués par le geste de la comédienne. Il est en effet assez tentant d'appréhender le film par le prisme de sa carrière. En pleine ascension dans les années 1990 et au début des années 2000, Halle Berry a vu sa réputation entachée par l'échec critique et économique cinglant de son film de super-héros Catwoman. Échec dont elle a eu du mal à se relever, aux vues de la suite de sa filmographie, du moins jusqu'à récemment, puisqu'elle s'est refait une santé avec les excellents blockbusters Kingsman : Le Cercle d'orJohn Wick : Parabellum et bientôt le très attendu Moonfall.

 

Meurtrie : photo, Halle Berry, Sheila Atim, Shamier AndersonHalle Berry vs Hollywood

 

Le parallèle coule de source, mais s'arrête là. D'une part, on en oublierait presque que le scénario a été écrit par Michelle Rosenfarb, inconnue au bataillon. D'autre part, encore récemment, Berry disait ne pas regretter l'expérience Catwoman, encore moins le très beau chèque qui est venu avec. Tout le contraire de son héroïne, qui galère sérieusement depuis sa défaite fatidique. Une fois évacuée cette lecture personnelle, que reste-t-il à Bruised ? Pas grand-chose.

 

Bruised : photoHollywood wins

 

zero tracas, zero blabla, mma

Certes, l'implication de l'actrice est remarquable, mais elle surnage dans une narration pétrie de conventions, inutilement étalée sur 2h10 et jonglant entre quantité d'arcs narratifs éculés. Quiconque s'est intéressé, ne serait-ce que de loin, au cinéma social hollywoodien de ces 20 dernières années pourra deviner le dénouement de chacune des trajectoires, la résolution de chacun des conflits, si bien qu'on traverse le long-métrage avec nonchalance, et trois scènes d'avance. Même la bande originale, toute en violons mélancoliques, accumule les poncifs, jusqu'à nous ressortir la reprise de Alleluia.

C'est d'autant plus frustrant que le film avait quelques atouts dans sa manche, à commencer par un casting secondaire plus que solide, mené par une Sheila Atim (vue dans The Underground Railroad) magnétique. Pourtant, l'intrigue l'écarte progressivement, se privant de quelques-unes de ses plus belles idées, afin de se consacrer plus librement au déballage d'archétypes qui occupe la majorité du temps de projection, quitte à traiter sa romance principale par dessus la jambe.

 

Meurtrie : photo, Sheila AtimUn protagoniste remarquablement interprété, mais un peu gaspillé

 

Outre le personnage incarné par Stephen McKinley Henderson, décidément à l'aise dans les rôles sous-exploités après Dune, le manager tout puissant campé par Shamier Anderson incarne toutes les occasions manquées du film. Lorsqu'il s'implique dans les entrainements de la combattante, il choisit de la provoquer pour déchainer sa rage. Un classique du film de boxe, ici traité avec plus de subtilité : en puisant dans sa fragilité, il l'affaiblit psychologiquement. L'idée serait intéressante, presque tragique tant elle est à rebours des clichés à l'américaine... si le film ne lui donnait pas raison dans le dernier acte.

Une décision malheureuse et un lissage des personnages qui empoisonne le projet en entier. Chaque sortie de route ne dure pas, et tout converge pour aligner les prérequis de la conclusion hollywoodienne toute faite. Difficile d'être dépaysé lors du traditionnel montage d'entrainement, des étapes clés de la reconstruction de l'héroïne, de la révélation de la toxicité des boulets qui l'entourent ou du climax émotionnel. Incapables de jeter la pierre à la comédienne, on traverse le film un peu frustré, plus victimes d'un ennui respectueux que d'un ennui poli.

Meurtrie est disponible sur Netflix depuis le 24 novembre 2021

 

Meurtrie : Affiche France

Résumé

En dehors du parallèle avec la carrière de son autrice, Bruised ne propose pas grand-chose dès lors qu'il maltraite son cheptel de personnages secondaires.

Autre avis Alexandre Janowiak
Dénué d'identité, Meurtrie coche toutes les cases des œuvres narrant la renaissance d'une ancienne gloire déchue. Ennuyeux.
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Lecteurs

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commentaires
Tout à ton honneur halle.
28/11/2021 à 16:36

Très bon film j'ai adoré. Surprise par ses performances et adoré le parcours de Jackie. Bravo halle.

Matrix R
27/11/2021 à 18:19

Ce n'est pas un grand film. Mais sa performance mérite d'être saluée par ses pairs

amds
27/11/2021 à 15:16

essai louable mais pas vraiment réussi

Kyle Reese
27/11/2021 à 13:12

55 ans !!! Mais comment elle ne les fait pas du tout. Y a pas a dire le sport y a rien de tel pour conserver la forme et la jeunesse. Respect. En puis on n’est jamais mieux servit que par soit même. Elle a eu raison de prendre les devant, de montrer qu’elle a la niaque et qu’elle sait réaliser. Netflix est tout de même une sacré belle alternative avec de belles opportunités pour bcq.

Halle Berry à 55 ans ...
27/11/2021 à 08:21

Nous prouve qu'elle est une actrice pouvant jouer dans la plupart des registres des émotions, et qu'elle a encore la forme.

Ce film n'est qu'une carte de visite à mon avis.

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