Injustice : critique qui défonce Superman, Batman et l'univers DC

Arnold Petit | 20 octobre 2021 - MAJ : 22/10/2021 05:38
Arnold Petit | 20 octobre 2021 - MAJ : 22/10/2021 05:38

Après l'adaptation ratée d'Un Long Halloween en deux parties, Warner Bros. Animation s'éloigne de son univers étendu bancal et des œuvres cultes de DC pour adapter un autre classique inspiré d'un jeu lui-même inspiré par les comics de DC. Malheureusement, le film d'animation Injustice disponible en France depuis le 20 octobre est loin d'être aussi réjouissant ou efficace que le jeu vidéo ou les comics dont il est tiré et qu'il massacre sans aucune pitié, comme ses personnages.

CIVIL WAR

Injustice avait tout pour être une réussite. Avec sa réalité alternative, dans laquelle Superman règne tel un tyran, et sa violence décomplexée, le jeu vidéo Injustice : Les dieux sont parmi nous de NetherRealm Studios a logiquement connu un franc succès. Cet univers passionnant s'est ensuite étendu, d'abord sous forme de prequel dans les comics de Tom Taylor, puis avec une suite, Injustice 2, sur papier et sur console, devenant un phénomène vidéoludique et éditorial à travers le monde.

L'annonce d'une adaptation animée n'avait donc rien de surprenant et semblait même logique. Il paraissait évident que Warner Bros. et DC veuillent continuer de capitaliser sur la popularité de leur licence avec un long-métrage d'animation, franchissant ainsi une nouvelle étape vers le cinéma. Néanmoins, ce qui est étonnant, c'est à quel point un film basé sur une saga aussi géniale peut être aussi mauvais, à tout point de vue.

 

photoUne mauvaise blague de plus

 

Comme dans la plupart des films d'animation de DC, la déception n'arrive pas immédiatement. Injustice reprend plus ou moins les récits de Tom Taylor et Brian Buccellato et les premières minutes leur restent fidèles autant que possibles, avec un Superman qui bascule du côté obscur après avoir été manipulé par le Joker.

Motivé par le chagrin et la rage, le Kryptonien décide de tuer les criminels et installe un régime totalitaire pour préserver la paix dans le monde pendant que Batman organise la résistance avec d'autres héros et super-vilains. Et puis, alors que le film d'animation était parti pour rejoindre la collection des adaptations moyennes, mais relativement divertissantes de DC et Warner Bros. Animation, tout s'écroule.

 

photoSi Superman a une barbe de trois jours, c'est que ça va mal

 

Plutôt que de se restreindre aux premiers comics de la saga, qui dévoilaient les prémices de ce qui deviendra l'univers dystopique d'Injustice : Les dieux sont parmi nous, Ernie Altbacker a également puisé son inspiration dans Injustice 2 afin d'élaborer son propre scénario et d'y apporter une conclusion. Cependant, toute la caractérisation et l'évolution des personnages au fil de la saga se retrouvent ainsi sacrifiées au détriment d'une histoire totalement absurde et décousue, qui oublie tout ce qui donnait sa force et sa substance aux comics.

Pour des raisons totalement obscures, le film effectue des modifications conséquentes par rapport à son matériau d'origine, mais la plupart n'ont absolument aucun sens et ne servent véritablement qu'à condenser un récit dense et complexe étalé sur plusieurs œuvres à l'intérieur d'un film d'à peine plus d'une heure. Et puisque le format n'était apparemment pas assez court, certaines scènes du début sont inutilement rallongées pour poser la toile de fond et faire mourir encore plus de personnages, visiblement la seule ambition du long-métrage.

  

photoRéunion des actionnaires de Warner Bros. et DC

 

ON VEUT LA BAGARRE

Ed Boon et Tom Taylor n'étaient pas les premiers à imaginer que Superman puisse agir comme un dictateur au nom de la justice et d'un bien supérieur. Mark Millar l'avait déjà fait avec brio avec son Superman : Red Son - qui a lui aussi été adapté par Warner Bros. Animation, mais bien - et d'autres comics comme Kingdom Come ou Superman : King of the World avaient déjà abordé l'idée que l'Homme d'Acier puisse utiliser ses pouvoirs pour imposer sa vision du monde. 

Seulement, Injustice : Les dieux sont parmi nous s'était distingué par ses rebondissements inattendus et sa propension à décimer les héros iconiques de l'univers de DC, mais aussi et surtout pour son travail autour des personnages, en particulier Superman. Et quand les comics montraient un Kryptonien convaincu d'accomplir ce qui est juste et détaillaient sur plusieurs années son basculement et sa chute, physique, psychologique et morale, le super-héros passe désormais de gentil protecteur à tyran obsédé par la justice en quelques minutes à peine.

 

photoLe fameux multivers, solution universelle de tous les scénaristes en galère

 

Wonder Woman, qui soutenait Kal-El face aux autres héros et l'encourageait à user de la force pour se faire respecter, n'est plus qu'une potiche qui suit aveuglément Superman dans sa croisade, jusqu'à ce qu'elle se rappelle qu'elle est l'incarnation de l'amour et de la compassion et qu'elle doit servir à quelque chose. Totalement perdu, Batman subit les événements en essayant d'exister comme il peut, tandis que les autres héros de la Justice League sont tout bonnement remplacés, délaissés ou supprimés.

Les rares scènes qui fonctionnent comme l'attaque du Joker sur Metropolis, la mort de certains héros ou la rencontre entre Green Arrow et Harley Quinn sont justement celles calquées sur le comics à l'identique ou presque. Heureusement, le duo formé par l'archer et la super-vilaine est toujours aussi drôle et irrésistible, amenant une touche d'humour plus que bienvenue au milieu de cette ambiance morose et ennuyeuse.

 

photoOui, ils ont gardé la scène de l'Arrow Cave

 

Matt Peters (qui a pourtant co-réalisé le sensationnel Justice League Dark : Apokolips War) est parfaitement incapable d'injecter la moindre émotion dans son métrage. Quand Batman s'effondre dans les bras de Catwoman ou que Superman tombe dans la folie, le film passe aussitôt à la scène suivante et ne s'attarde jamais sur les motivations, les doutes ou les sentiments de ses personnages.

La gravité des événements est donc inexistante et l'atmosphère sombre et sérieuse n'en devient que plus gênante. Le rythme affolant empêche de s'attacher à n'importe lequel des personnages ou de ressentir quoi que ce soit lorsqu'ils meurent brutalement. Et à mesure qu'il déroule mécaniquement son intrigue, le long-métrage donne clairement l'impression que le réalisateur a paresseusement compilé plusieurs passages essentiels des comics, mais sans en conserver la richesse ou y apporter un tant soit peu de cohérence.

 

photoSalut, je me présente, je suis la facilité scénaristique en personne

 

QU'INJUSTICE SOIT FAITE

Et le spectateur ne peut même pas se consoler avec des combats féroces ou des mises à mort sanglantes. La violence, marque de fabrique de la saga et du jeu de NetherRealm Studios (qui ont récupéré et brillamment relancé la franchise Mortal Kombat), est loin d'être aussi gore ou frappante malgré un classement R Rated. Les confrontations entre les différents héros et super-vilains sont suffisamment dynamiques pour tenir en éveil et relancer l'intérêt quelques minutes, mais ne sont certainement pas aussi mémorables ou jouissives que dans le jeu vidéo ou les cases des comics.

D'autant que le scénario se débarrasse assez rapidement de la plupart de ses personnages et s'intéresse finalement plus au combat entre Superman et Batman qu'à l'opposition idéologique qu'il symbolise. Shazam, Green Lantern, Captain Atom, Hawkman et tout un tas d'autres héros sont donc relayés à un rôle de figuration et apparaissent à l'écran simplement pour servir les intérêts du scénario ou disparaître dans une giclée de sang faussement subversive qui éclabousse l'écran, comme un mauvais effet de 2007. 

 

photoProfitez, dans cinq minutes, il ne reste plus que Wonder Woman (ou le truc qui lui ressemble)

 

Et alors que l'animation est un peu plus correcte que ce que les productions de Warner Bros. Animation proposent habituellement et que le film profite de couleurs plutôt chatoyantes, malheureusement, le character design est sans aucun doute le plus immonde de tous les films d'animation DC.

Entre les traits épais et disgracieux pour dessiner les visages, les ombres superflues censées apporter du relief et les pointillés gras et ridicules en guise de phalanges, les personnages sont tout simplement plus laids les uns que les autres. Superman a l'air d'un super-héros rachitique, Batman n'ôte pas une seule fois son masque et conserve la même expression éteinte dans toutes les situations et Wonder Woman ne ressemble plus à rien à cause de ses muscles grossièrement tracés.

Reste quelques magnifiques décors et images de coupes qui semblent directement extraites d'une bande-dessinée. De quoi rappeler que le film aurait pu être sensationnel s'il n'avait pas gâché son potentiel.

 

photoMessage du film pour les fans d'Injustice

 

Aussi bien en tant qu'adaptation qu'en tant que film à part entière, Injustice est une terrible catastrophe et ressemble à un énième long-métrage destiné à combler les fans peu regardants pour remplir le calendrier de sorties de Warner Bros. Animation en attendant le prochain.

Un projet qui méritait assurément plus, plus d'inventivité et d'investissement de la part des équipes créatives, mais surtout plus de temps, à tous les niveaux, voire une série sur plusieurs saisons, ce qui aurait permis de proposer une adaptation digne de ce nom plutôt que cet assemblage bête et affreux de l'univers d'Injustice. Au lieu de s'infliger un tel supplice pendant un peu plus d'une heure, mieux vaut (re)lire les comics ou allumer sa console.

Injustice est disponible en France depuis le 20 octobre 2021 en DVD, Blu-ray et VOD

 

Affiche officielle

Résumé

Aussi moche qu'absurde, Injustice n'essaie même pas de raconter un semblant d'histoire et ne se sert de son matériau d'origine que pour que les personnages de DC s'entre-tuent bêtement. Et même ça, il le fait mal.

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Lecteurs

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commentaires
Fridrich
27/10/2021 à 18:40

We live in a society

Antares
22/10/2021 à 03:58

Les animes DC sont toujours édulcorés, et y'en a qui s'attendaient encore à voir la même violence qu'un comic DC, ou celle du jeu vidéo. (naïveté, quand tu nous tiens...)

Tant pis pour les déçus, j'ai passé un très bon moment devant cet anime.

carlo645
21/10/2021 à 21:52

je regrette d'avoir cette merde, je vais relire les 39 tomes...

Flo
21/10/2021 à 14:15

... déjà que Injustice est lui-même une sorte de sous Kingdom Come.

Numberz
21/10/2021 à 09:41

Vu hier soir. Je confirme. Bel étron qui ratisse sur les 2 injustice pour livrer une seule et même histoire. 5 bonnes premières minutes et après les yeux écarquillés tout le film de whhaaaaat. Les décors sont pour une fois assez bien colorisé mais les personnages my god. Il n'y a que Harley que j'ai trouvé sympa. Le film est creux, il se passe rien, c'est débile, totalement incohérent.... Non vraiment, l'un des pire animés de DC. Et pourtant y a compèt

Numberz
20/10/2021 à 21:04

J'ai encore mon SteelBook emballé. Je le garde pour la collection mais purée, a part apokolips War, rien de bon n'est sorti depuis 5 6 ans. Et encore.

T.
20/10/2021 à 19:20

Pour moi le meilleur comics de chez DC.
J'arrive pas à croire qu'ils arrivent à foirer une adaptation, il suffit juste de copié coller tellement le matériau de base est sympa, ça doit vraiment être des incapables qui ont bossé dessus...

Pi
20/10/2021 à 19:19

Mais d'où ce charadesign anguleux et moche qu'on retrouve dans toutes ces prods produites au kilomètre. Mais que c'est laid. Et les couleurs...Mon dieu...

zetagundam
20/10/2021 à 19:10

Comment DC a pu tomber si bas au niveau de ces "films" d'animation ?
Comme quoi le monopole n'est franchement pas bon

Mega City One
20/10/2021 à 18:26

Ah zut je l'attendais tellement

J'ai commencé par le jeu qui était sympa.

Puis j'ai lu le comics qui est une prequelle au jeu et qui est juste genialissime

Du coup là le film d'animation ça reprend quoi, le comics, le jeu, une adaptation ?

En même temps vu la critique ça ne me donne même plus envie de le voir au risque de dénaturer l'oeuvre originale

C'est quand même pénible toutes ces mauvaises adaptations.

Ça ne va pas donner envie aux gens de lire des comics qui restent un marché de niche

Quel dommage

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