Night Teeth : critique du Collatéral vampirique de Netflix

Maeva Antoni | 20 octobre 2021 - MAJ : 20/10/2021 10:40
Maeva Antoni | 20 octobre 2021 - MAJ : 20/10/2021 10:40

Netflix revient avec des vampires pour Night Teeth. Les créatures sanguinaires ultra-glamour du film réalisé par Adam Randall (iBoy, I See You) se sont transportées dans l’univers de Collatéral de Michael Mann avec une virée en voiture au bout de l’enfer. Reste à savoir si le retour des dents pointues sur la plateforme réussit à dépoussiérer un mythe usé jusqu’à la corde. 

Dommage Collatéral

Hollywood a planté il y a déjà longtemps ses crocs au plus profond du cou du vampire, s’emparant du mythe jusqu’à parfois la destruction. Le personnage du suceur de sang est passé en quelques décennies de monstre à l’affût de la carotide de femmes sans défense à jeune premier qui rend les lycéennes toutes choses. Et Netflix, cador du streaming, se retrouve un peu le cul entre deux cercueils avec le vampire.

Si la créature mythique reste le monstre pas très joli et avide de violence dans Blood Red Sky, le N rouge sait aussi jouer avec les nouveaux codes du genre vampirique qui vogue sur les eaux du teen-movie. Avec Night Teeth réalisé par Adam Randall, Netflix lance la saison d’Halloween avec un film qui au premier abord tient plus de Twilight que de Nosferatu. Si Bella Swan ne pointe pas le bout de son nez, les relents de Twilight sont arrivés jusqu’à Night Teeth.

 

photo, Debby Ryan, Jorge Lendeborg Jr.Attention, pas les dents

 

Si l'on vous dit que les vampires et une petite communauté d’humains ont un traité stipulant que les suceurs de sang n’ont pas le droit de pénétrer le quartier de là-dite communauté, vous pensez à Twilight ? Et bien, Night Teeth reprend le même concept en troquant la réserve autochtone pour un quartier populaire principalement habité par des personnes d’origine sud-américaine.

Et le pillage continue avec le récit d’un personnage timide qui tombe amoureux d’un vampire. Ici Debby Ryan se plonge dans le rôle de l’immortel tragique, mal dans sa peau et nostalgique de sa vie humaine. Et quand une recette est bonne, pourquoi changer les ingrédients ? Mais, qu’est-ce qui est meilleure qu’une bonne recette ? Deux bonnes recettes, pardi. 

 

photo, Debby Ryan, Jorge Lendeborg Jr.À toute Uber-zingue

 

Night Teeth nous offre un grand écart digne d’un JCVD en pleine forme en mélangeant Twilight avec Collateral de Michael Mann. Il suffit de remplacer le tueur à gages de Tom Cruise pour un duo de vampirettes super canon et le tour est joué. La balade macabre en cinq adresses menée par un chauffeur pris en otage dans un Los Angeles nocturne, la boîte de nuit, le changement d’identité, le chauffeur qui joue au héros pour sauver l’élément romantique du film, tout y est.

Cependant, le vampire n’a ici aucun intérêt particulier. Les suceurs de sang auraient pu être des serials-killers, des mafieux ou des pom-pom girls zombies que cela n’aurait pas changé grand-chose. Le mythe du vampire n’est pas construit et est expédié dans une introduction de quelques secondes. La créature fantastique paraît avoir été introduite dans le récit simplement pour son rôle classique d’appel de phare à l’attention des ados.

 

photo, Debby Ryan, Lucy Fry*sexy walk in slow motion*

 

Les dents de l'amer 

Avec l’arrivée à grands pas d’Halloween, Netflix se devait d’abreuver son catalogue de récits horrifiques. Un objectif malheureusement pas vraiment atteint par Night Teeth qui traite par-dessus la jambe la mythologie du vampire pour en faire l’objet phare d’une comédie romantique un peu musclée. À partir du moment où le film choisit de prendre cette route maintes fois arpentée, toutes les étapes clichées sont traversées à toute allure. En mode pilote automatique, Night Teeth ne nous épargne rien.

L'orphelin qui se découvre un cœur de héros jusqu’au classique « prenez-moi à sa place et laissez-lui la vie sauve ». Les vampires vêtus de cuir de la tête aux pieds, filmés avec force de ralentis et autre gros plan pour bien montrer comment ils sont beaux. La créature de la nuit qui se reconnecte avec son humanité (grâce à un être humain un peu paumé) et qui finit par se battre contre son espèce. Les grandes étapes de la comédie romantique vampirique sont si bien respectées que le vilain rodeur nocturne finit par ne plus remplir sa fonction première : faire peur.

 

photoLa scène la plus violente de tout le film, vue de loin

 

Pourtant, le récit très mafiosi avec une guerre de territoires avait tout pour nous plonger dans un bain de sang bien cramoisi. Hélas, quand les vampires s’énervent, cela se passe alors que la caméra détourne le regard. On découvre toujours le massacre après coup, la violence de l'exécution n'est jamais filmée. Comme lors du meurtre du jeune casse-croûte dans l’hôtel secret qui est dissimulé par un tour de passe-passe ou la grosse baston de Venice filmée depuis l’extérieur, dont toute la violence n’est présentée que par une petite explosion de sang sur la fenêtre.

C’est à se demander comment le film a reçu une classification R (et moins de 16 ans en France, mais les indications Netflix sont un peu différentes du reste de l'industrie généralement). Night Teeth est un attrape-couillon, mais pour en rajouter une couche, Netflix a fait appel à un large casting. Malheureusement, bien des interprètes ne sont jamais correctement utilisés. La pauvre Megan Fox n’apparaît qu’une poignée de scènes, de même que Sydney Sweeney qui a été extirpée de The White Lotus et d'Euphoria pour quelques lignes sans conséquence.

Ne parlons même pas d’Alfie Allen (Games of Thrones) pas crédible pour un sou dans son rôle de super-méchant. C’est regrettable, étant donné qu’aucun n’est vraiment mauvais. Cependant, la volonté d’avoir un casting attractif a été plus forte que celle d’en avoir un cohérent.

 

photo, Sydney Sweeney, Megan Fox, Alfie AllenQuand tu est casté juste pour ton nom

 

Neon Demons 

Si Night Teeth n’a rien de révolutionnaire, il serait malhonnête de ne pas lui trouver quelques attraits. Car si l’histoire est un peu laissée à la dérive, l’écrin cinématographique qui la porte à, lui, le mérite d’être suffisamment esthétique et léché pour captiver l’œil. Bien sûr, le style néon constant peut être également rangé dans la case « pot de miel pour ados », mais il faut reconnaître que cette explosion de fluo très boîte de nuit de zone industrielle est maîtrisée. Et c’est probablement l'atout principal du film.

Pourtant, c’était mal parti avec la séquence d’introduction nous servant la recette du résumé de toute la mythologie nécessaire (non) pour comprendre l’histoire. Un petit récapitulatif affreux composé de dessins fluorescents sans le moindre intérêt et agressant la rétine. Finalement, cette diarrhée visuelle lancée dès l’ouverture du film aura peut-être permis d’immuniser le spectateur et ainsi, quand les néons redeviennent, sinon subtils, du moins plus modérés, on finit par les trouver plaisants.

 

photoÇa pique l'oeil

 

La force de cette esthétique visuelle assez forte est d’être sans interruption, se substituant aux éclairages toujours clairs obscurs des films de vampires. Ces néons deviennent la signature visuelle moderne des suceurs de sang. Une lumière artificielle très froide qui offre du poids aux vampires là où le récit les délaisse. La luminosité et le montage dynamique paraissent être les seuls éléments où le réalisateur a eu un peu de liberté tant le récit prémâché hurle la commande.

Le vampire moderne ne peut décemment plus être plongé dans une obscurité de bougies digne de l’époque victorienne. Avec son esthétique assumée, Night Teeth tente de se placer dans la lignée de Les Prédateurs de Tony Scott ou encore de Byzantium de Neil Jordan, qui offrent aux vampires une luminosité contemporaine vive et contrastée. Si Netflix reprend cet esthétisme en n'y allant pas avec le dos de la cuillère, il continue cette nouvelle tradition d'éclairage froid et étrangement coloré pour sublimer le monstre devenu davantage un objet de fantasmes que d’effroi.

 

photo, Debby Ryan, Jorge Lendeborg Jr.La vie en rose Stabilo

 

Mais il fallait tout de même que le N rouge sang pousse le bouchon trop loin. À vouloir trop faire dans le modernisme Night Teeth flirte avec la caricature. C’est principalement dans la bande-son que ce jusqu’au-boutisme s’offre en pâture. Avec constamment le même fond de musique électronique, la bande originale devient rapidement dérangeante, comme le grésillement d’un réfrigérateur mal réglé.

Cette ritournelle n’est entrecoupée que de morceaux de rap posés là comme une perruque dans un potage. À l’instar de l'altercation avec les chasseurs de vampires dont toute la tension est noyée dans une musique sortie du Top Streaming de la semaine, la bande originale s’apparente à un juke-box capricieux qui nous balance n’importe quoi n’importe quand. Le plus fou dans cette histoire, c'est que Night Teeth s'en sort presque bien quand on considère que le film donne l'impression d'avoir été conçu par une intelligence artificielle tant tout y est téléphoné. 

Night Teeth est disponible sur Netflix depuis le 20 octobre 2021 en France 

 

Affiche

Résumé

Netflix ne prend aucun risque avec Night Teeth et suit à la lettre une recette cent fois éculée. Les vampires sont ici un prétexte pour attirer les plus jeunes tout en recrachant sans trop de vergogne une relecture bancale de Collateral signé Michael Mann. Cependant, l'esthétique néon très poussée a le mérite d'apporter du corps et du fun à cette histoire cousue de fil blanc. 

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commentaires
Kyle Reese
20/10/2021 à 23:36

Alors comment dire c'est light, light, ultra light. Le pitch est bon mais faute de moyens de ses ambitions ça donne pas grand chose. Le bon ? les images très léchés, les lumières artificiels chatoyantes de LA et de sa vie nocturne très attirantes, belle photo chic. L'effet néon me fascine toujours autant et heureusement car il n'y a que cela qui m'a tenu éveillé jusqu'au bout. Le reste est boring à souhait. On est loin très loin très loin d'un Collateral, loin si loin d'un Near Dark 2.0 . Pas de frissons, pas d'horreur, même pas de l'épouvante, une légère romance cliché mignonne mais par dessus tout le perso de Benny que l'on croyait un minimum intelligent avec un plan d'avenir artistique est d'une incohérence la plus totale, son attitude quand il comprend à qui il a à faire n'est pas crédible pour un sou. Et puis y a tellement peu d'action. Bref aussi vite oublié que vu.

Kyle Reese
20/10/2021 à 14:12

"le style néon constant peut être également rangé dans la case « pot de miel pour ados »

Argh, je suis donc encore dans la tranche ados (attardé !) Merci EL ! :)
Dommage tout de même que le thème vampirique ne semble être au final qu'un prétexte.
J'aimerai bien voir un film façon Les prédateurs mais à notre époque, il y a vraiment matière, genre des vampires qui bossent dans des startup dans la tech.

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