Army of Thieves : critique de zombies un peu trop vivants sur Netflix

Mathieu Lapon | 29 octobre 2021 - MAJ : 13/12/2023 10:52
Mathieu Lapon | 29 octobre 2021 - MAJ : 13/12/2023 10:52

Vous n'en vouliez pas ? Vous l'aurez quand même ! Avec Zack Snyder's Justice League, le metteur en scène de Watchmen quittait le navire DC l'esprit tranquille. Il s'était alors consacré à Army of the Dead, film Netflix de braquage et de zombies censé être délirant, mais tout juste divertissant. Et puis vint dans l'esprit de quelques dérangés, les yeux pétillants face au succès colossal du film, d'en faire un spin-off (en vrai, il était même prévu avant le succès). Ainsi débarque Army of Thieves, film de braquage et de zombies, mais sans les zombies. Un petit calvaire réalisé par Matthias Schweighöfer. Attention mini-spoilers !

Zombie mais pas trop

Resituons. Vous finissez votre séance d'Army of the Dead, rassasié pour la journée de flingues, de zombies gogo-dancers et de mauvais accents latino, qu'est-ce qui vous vient à l'esprit ? Nous n'allons évidemment pas lister l'étendue des possibilités, mais on peut affirmer sans trop se mouiller que vouloir un spin-off à ce que vous venez de voir n'est même pas dans les 500 premières options de la liste. Et pourtant, Netflix en a jugé autrement.

Alors on soupire un peu d'ennui, mais on se dit que tout espoir n'est pas totalement perdu, qu'il peut encore y avoir des choses à raconter sur cet univers de zombies... jusqu'à ce qu'on voit qu'Army of Thieves n'a aucunement l'intention, de près ou de loin, de parler de zombies. On soupire encore plus fort en se demandant qui est le protagoniste de tout ça, dans la pléthore de clichés qui servaient de casting.

Et on constate que c'est Matthias Schweighöfer, aka Ludwig Dieter, aka le blondinet allemand qui écoute du Beethoven tout en forçant des coffres, qui va se la jouer Casa de Papel. Et là, on perd déjà toute foi en l'humanité en se posant la question : "À quoi bon ?". À quoi bon faire un spin-off/prequel autour de ce dandy foldingo dont on se fout totalement ?

 

photo, Matthias SchweighöferMessieurs-dames : l'univers étendu d'Army of the Dead

 

Et comme les producteurs et Netflix n'ont aucune réponse non plus à nous donner, ça restera un des grands mystères de l'univers. Alors on se lance les bras ballants jusqu'à son petit écran, avec ce frisson qui parcourt l'échine, celui qui nous alerte qu'on est prêt à troquer le peu d'estime de soi qu'il nous reste contre l'espoir d'un soubresaut de divertissement, sitôt évanoui à la fin du visionnage.

Et quelle n'est pas notre surprise en découvrant qu'Army of Thieves, c'est des bastons effrénées avec un simili-Dave Bautista (en la personne, cette fois, de Stuart Martin) ; des ralentis et des gros plans - non pas sur des zombies, mais sur des mécanismes de coffre -; et des montages alambiqués pour montrer un plan d'action avant son application. On l'aura compris : le film est exactement le même que son prédécesseur sauf que, faute d'excentricité dans le concept, rien des folies qui s'y trouvent ne fait jaillir ne serait-ce qu'un brin d'euphorie.

Et quand ce n'est pas simplement repompé sur Army of the Dead, ça l'est sur d'autres films. Lorsqu'on nous présente l'équipe qui accompagnera Ludwig, on n'est même pas épargné de ce volet de présentation avec le nom du personnage, des couleurs pétantes, et un flashback rigolo pour le caractériser (souvenir traumatique de Suicide Squad, dont la promotion d'Army of the Dead semblait déjà tirer une certaine inspiration, d'ailleurs). 

 

photoD'aucuns diraient qu'on retrouve les vives lumières Snyder

 

On suit les aventures de cette troupe de voleurs dans des couloirs de banque encore plus vides que ceux d'un bureau de poste après 17h et à des agents de sécurité trop bigleux pour ne pas voir des caricatures de bandits en plein braquage. Le film est aussi gratiné d'un Jonathan Cohen avec un trop gros déficit d'autorité pour être crédible, en officier d'Interpol.

Il y incarne un antagoniste moins menaçant que la team Rocket de Pokémon, ayant toujours un cran de retard sur les braqueurs. C'est d'autant plus triste pour l'acteur et son rôle que les protagonistes forment une gigantesque bande de guignols que le scénario ne respecte pas (on y reviendra).

Avec de telles lacunes et de telles platitudes, on ne s'étonnera donc pas d'apprendre que l'acteur principal, bien plus comédien que metteur en scène (il n'a fait que co-réaliser d'autres films), soit le réalisateur de Army of Thieves. Prenant les miettes laissées par Army of the Dead, son film est en cabotinage constant, à faire le zouave dans l'espoir d'attirer l'œil d'un spectateur déjà bien désabusé par le premier film.

 

photo, Jonathan CohenL'efficacité à la française

 

Army of Meta 

Et encore, si ce n'était qu'affaires de repompage et de sujet inintéressant... Army of Thieves, c'est plus qu'une bande d'archétypes mal huilés qu'on peine à qualifier de "personnages". Ce sont des archétypes qui ont conscience d'en être, qui font de la psychanalyse et qui s'en gaussent. Pour ainsi dire, le film verse dans le méta les trois quarts du temps. Pas une seule séquence, comique comme (prétendument) sérieuse, n'est pas un puits à références gratuites d'autres films, ou des remarques qui surlignent les sentiments des personnages.

Avec un rythme aussi dysfonctionnel qu'un Venom : Let There Be Carnage, le film s'auto-parodie constamment. On étouffe de consternation sous les assauts de cet humour abrutissant. Et quand on croit que le film ne fera pas plus gênant, il nous démontre aussitôt le contraire. Plusieurs exemples peuvent nous traverser l'esprit quand on a eu le malheur de regarder le bousin, mais quelques-uns sont assez éloquents.

On pense à l'explication du nom du personnage campé par Stuart Martin, Brad Cage : "C'est comme si Brad Pitt et Nicolas Cage, deux grosses stars de films d'action, avaient conçu un enfant ensemble". Ou Ludwig qui déglutit d'angoisse en disant à voix haute "GLOUPS" pour être repris par son interlocutrice "Tu as vraiment dit GLOUPS en plus de déglutir ? Ne le fais plus, c'est vraiment gênant"... Et, sans surprise, il le refera plus tard (c'est sans doute le plus gros pay-off du film, d'ailleurs).

 

photo, Guz Khan, Stuart Martin, Nathalie Emmanuel, Ruby O. FeeNotre bande de champions

 

La mention spéciale "tuez-moi" revient à Brad Cage, tout conscient qu'il est d'être une parodie de héros de film d'action américain, dire : "Peut-être que je ne suis pas le héros de l'histoire... mais le méchant", avant de voir Ludwig hurler comme un teubé parce qu'il s'est cassé le poignet en tentant de lui mettre une pichenette sur le nez. Ajoutez à cela le gars nerveux parce que c'est un véritable fifou du volant et une hackeuse qui porte des couettes parce qu'elle est toute nerd dans sa tête, et votre cerveau est au bord de la liquéfaction.

Le pire, c'est que si tout cela était traité comme de la série Z bien assumée, on en rigolerait. Mais la colonne vertébrale du film se veut on ne peut plus sérieuse, avec ce blondinet en peine d'adrénaline avec sa petite vie de banquier, qui va être entraîné dans une aventure qui le dépasse pour "grandir". Enfin, autant que faire se peut, pour quelqu'un qui saute au plafond et se jette son café brûlant à la figure dès qu'il entend une mouche voler.

En somme, le film d'action se moque d'être un film d'action tout en tombant dans les poncifs du film d'action. C'est là que l'on comprend que les auteurs derrière cette soupape d'informations pour QI négatif se croient vraiment subversifs, capables de canaliser et de maîtriser le sarcasme de leur film. Spoiler : ils ne le sont pas. Il y a même plus de chances pour que des léopards sous LSD délivrent un film plus équilibré. On est presque tenté de croire qu'ils savaient l'étron qu'ils tenaient, mais qu'ils ont préféré faire de leur film l'allégorie du "plus c'est gros plus ça passe".

 

photo, Stuart Martin, Nathalie EmmanuelUn film qui transpire l'intelligence rien que par les regards

 

étendre avec du vide

Army of Thieves, c'est l'histoire d'un homme dont on croyait que le nom est Ludwig Dieter, mais en fait ce n'est qu'un "pseudonyme d'artiste" dissimulant les peines de Sebastian Schlencht-Wöhnert, un banquier qui rêve de percer des coffres plutôt que de les ouvrir à ses clients. En se faisant recruter par Gwendoline (Nathalie Emmanuel), il doit se mesurer à trois des quatre coffres conçus par un génie dont on ne retiendra jamais le nom.

Et le quatrième coffre, il est dans le Las Vegas zombifié de Army of the Dead. Non, ce n'est pas un spoiler, le nom du quatrième coffre était déjà cité dans la scène de recrutement de Ludwig dans Army of the Dead, et est répété au début de Army of Thieves. Pourquoi on ne s'en souvient pas ? Sûrement parce qu'on s'en fiche un peu beaucoup de ce non-twist. Ce qui est censé faire la jonction entre les deux films ne sera jamais traité comme la suite du combat existentiel de Ludwig.

 

photo, Matthias Schweighöfer, Nathalie EmmanuelLes Avengers n'ont qu'à bien se tenir

 

Vous trouviez certaines connexions du MCU ridicules et gratuites ? Préparez-vous à revoir à la baisse votre jugementArmy of Thieves est là pour vous rappeler que Marvel, malgré tout ce qu'on peut lui reprocher, a des scénaristes. Comme quoi, ce n'est pas donné à tout le monde, et certainement pas à des productions qui doivent coûter la centaine de millions de dollars sur Netflix.

Le film essaye désespérément de rappeler qu'on est dans un univers de zombies, par des postes de télévision ou des cauchemars (de Ludwig) injectés à la truelle dans le montage (et qui sont ensuite décortiqués dans toute l'introspection-méta abjecte de miss Geek à couettes). Sans doute parce qu'il sait que, sans ces rappels, on n'aurait même pas pris la peine de regarder ce film, qui ne se suffit pas à lui-même. Et la fiesta n'est même pas finie après ça, quand on sait qu'un autre spin-off, Army of the Dead : Lost Vegas, est dans les cartons tout autant que la suite Planet of the Dead. Joie.

Army of Thieves est disponible depuis le 29 octobre 2021 sur Netflix en France

 

Affiche

Résumé

Army of Thieves est le spin-off inutile d'un univers qu'on ne voyait déjà pas s'étendre. Sans aucun équilibre entre le premier et le second degré, le film est une annihilation neuronale, capable de nous rendre nostalgique de Army of the Dead.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.9)

Votre note ?

commentaires
ToxicAlex
14/11/2021 à 22:35

Effectivement ce film n est pas bon. Incapable de mettre le moindre suspense. Rien n est crédible ( surtout J Cohen que j adore normalement). Et tout est prévisible. Bref un film sans grand intérêt et dont le rapport avec army of dead est plus que limité Netflix cherche sûrement a faire une sorte de mcu a leur sauce mais c est pas encore ca

Emynoduesp
08/11/2021 à 20:38

Vu.

Que dire, ben je l ai bien aime ce film. Alors qu il se prenne 1*, je ne comprends pas, mais les gouts et les couleurs, ca ne se discute pas.

Les flics d interpol par contre, je me suis cru devant Taxi, dommage de ce cote la.

Que l on montre peu de zombies ne m a pas derange, on explique bien qu il y a une epidemie aux US, l action se situant en Europe, je ne vois pas ou est le probleme, c est un prequel dans un monde de zombies en devenir.

Film de braquage sympathique pour ma part.

Mr V
08/11/2021 à 09:06

Je suis raccord avec ceux pour qui la critique sonne faux voire est haineuse. J ai beaucoup apprécié l ambiance dans laquelle nous plonge le réalisateur. Je trouve les acteurs attachants et je suis consterné par la négativité du commentaire.

elvacilon
07/11/2021 à 08:07

N'ayant pas vu army of the dead, je me demandais ce que venaient faire les zombies là dedans et suis tombé sur cette critique.
À cette lecture je me suis dit que cela manquait d'objectivité puis j'ai compris. Contrairement au film, je n'ai pas pu aller au bout de cette lecture car il s'agit probablement plus d'une autocritique ego centrée.

Mathieu Lapon
05/11/2021 à 14:34

@Moi6244444

Tout d'abord, merci pour le plan de carrière que vous me suggérez.

Je n'ai pas fait que juger le film sur la quasi-absence de zombies, mais j'ai néanmoins soulevé à quel point cela rendait impertinent de faire de ce film l'extension du premier. Ça fait partie d'un tout je-m'en-foutiste et gagesque qui n'est pas passé, pour moi.

"Ce n'est qu'un divertissement" n'est pas un bouclier magique qui interdit d'avoir un regard critique et analytique sur un film. Il s'avère que je n'ai pas adhéré à l'un des effets comiques les plus récurrents du film, à savoir tout surligner et expliquer avec sarcasme. On ne vit plus l'émotion, on l'explique avec un air faussement cool et extraverti. Si vous ou les autres commentateurs mécontents y adhérez, grand bien vous fasse.

Du reste, j'adore les James Bond, dont le format anthologique a permis beaucoup de diversité stylistique. J'adore Le Seigneur des Anneaux, qui reste - sans surprise - l'une des plus œuvres cinématographiques les plus marquantes de ma vie. Et j'ai même une grande affection pour le MCU,

D'ailleurs, sans vouloir parler à la place de mes collègues, je pense faire partie de ceux qui adhèrent le plus au concept d'univers cinématographiques étendus. Néanmoins, j'estime qu'il faut savoir mettre un curseur dans la manière d'étendre un univers, tant en terme scénaristique que stylistique.
À mon sens, Army of Thieves n'y parvient pas (alors que ce n'est que le deuxième opus d'une franchise), et donne donc la sensation que le projet s'est fait à la va-vite, sans la moindre ambition, avec le tag "Army of the Dead" pour se raccrocher aux branches.

@Filip

Non seulement je le savais, pour Wagner ou la saga de Nibelungen, mais en plus le film le répète à tout va sans aucun subtilité. Donc même si je baignais dans l'inculture la plus totale, j'aurais été en mesure de les citer. Pourquoi je ne l'ai pas fait ? Parce que le film ne se sert jamais de cette mythologie pour servir son film.
Il n'y a aucun parallélisme concret à tirer entre cette histoire et celle d'Army of Thieves. C'est même moqué dans le dernier casse du film, en avouant qu'elle n'a rien à voir avec l'aventure en cours (la discussion entre Gwendoline et Ludwig, dans le fourgon).

Eh oui, Beethoven n'était mentionné que pour souligner la caricature qu'on peut faire d'un allemand apprêté : blondinet, dandy et un peu pincé. Tout ce qu'est Ludwig Dieter, en fait.

Moi6244444
05/11/2021 à 09:06

Qui a écrit cette critique. Il devrait soit démissionné soit être viré
Ce n est qu un film de divertissement.
Certe il n y a pas de zombies mais il y a autre chose. Ce petit truc qui fait que j ai aimé ce film avec ses défauts.
J aimerais connaître l avis de ce critique sur les James bond. Le seigneur des anneaux ou d autres films ayant eu des suites ou spin off.

Dretre
02/11/2021 à 13:34

J'ai arrêté de lire après "(...) le blondinet allemand qui écoute du Beethoven (...)".

Bübüle
01/11/2021 à 21:50

Film chiant. Bonne critique.

Mln95
01/11/2021 à 16:24

A croire que l'auteur de cette critique aurait voulu jouer dans le film. C un film de divertissement et ça remplis son rôle. Je sais s'attendre à des choses concrètes et réels pour un film qui a juste l'ambition de nous divertir c'est une critique bidon

Filip
01/11/2021 à 11:24

Critique sidérante de négativité. Je n'ai pas vu "army of the dead" mais j'ai beaucoup apprécié ce film ci. Très drôle, les personnages très attachant, très bonne narration. Je n'ai pas décroché une seconde du film. Le critique d'écran large le semble un peu à côté de la plaque :
Il ne se rappelle pas le nom du créateur des coffres? C'est Nicolas Wagner. Il dit que le personnage principal écoute du Beethoven au moment d'ouvrir les coffres. Aïe! Non, c'est du Wagner. Visiblement il ne connaît pas la référence du film à la tétralogie de Wagner " l'anneau du Nibelungen ".
Quand on fait des critiques, il faut commencer par faire son auto-critique. Juste taper sur un film sans se dire à soi-même : " Bon, ce n'est que mon avis...", est à mon sens dommageable. La lecture de votre critique m'a rappelé qu'il ne faut pas croire tout ce qui s'écrit sur le net et ailleurs.

Plus
votre commentaire