Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux : critique du kamoulox Marvel

Simon Riaux | 1 juillet 2022 - MAJ : 16/02/2024 21:20
Simon Riaux | 1 juillet 2022 - MAJ : 16/02/2024 21:20

Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux de Destin Daniel Cretton déferlait sur le monde, après des mois de crise sanitaire, alors que l'exploitation des blockbusters en salles était à la peine. Sorties repoussées, synchronisées avec la SVOD, réservées à de grands écrans que le public n'a pas encore tout à fait réinvestis... Les grands studios peinaient à trouver un modèle de transition viable. En témoigne l'arrivée de ce nouveau héros, pensé à l'intention du marché asiatique, qui n'a pas soulever un enthousiasme à la hauteur de son audace.

Attention, légers spoilers.

PIÈCE (DÉ)MONTÉE

Passée une introduction qui détonne un tantinet du canon Marvel, le film s'impose comme une pure production issue de l'usine Disney, conçue pour s'insérer au sein de son toujours plus vaste MCU. Craignant sans doute de déstabiliser un public familier des vannes de Tony Stark et de la légèreté des Gardiens de la Galaxie, il introduit notre duo de héros, Shang-Chi et Katy, à coup de montages imbriqués, au gré de vannes et autres piques.

Procédé poussiéreux, mise en place épaisse, on redoute le pire, tant il semble évident que, si Awkwafina est à l'aise avec sa partition, Simu Liu ne jongle pas aussi volontiers avec l'humour Marvel. Pire, on a du mal à distinguer une quelconque forme de caractérisation, exception faite des cartes alignées lourdement pour bien nous faire comprendre combien les deux personnages sont ou devraient être complices, et combien ils sont sympas. Signe du grand chaos présidant à la conception de l'oeuvre, cette tentative de couple blagueur est éjectée du récit presque instantanément (pour n'être convoquée que lors de la conclusion).

 

photoTomber à bras raccourcis, allégorie

 

Et il en va ainsi de quantité d'éléments. Comme si le scénario d'Andrew Lanham, Dave Callaham et Destin Daniel Cretton n'était jamais certain de ce qu'il doit nous raconter, on a le sentiment d'assister à une série de scènes d'exposition. Après une ouverture qui se la joue petit Zhang Yimou illustré, on enchaine sur une préface située à San Francisco. Quelques hommages à Jack Burton dans les griffes du Mandarin plus tard, nous voilà expédiés dans le lendemain de gueule de bois de American Ninja, qui se serait curieusement pris pour Skyfall, avant de pousser les potards jusqu'à nous inoculer un générique de Tsui Hark. 

Des soubresauts qui impliquent une réelle variété dans les enjeux comme les situations, mais qui contraignent une narration rarement fluide à se redéployer toutes les vingt minutes, et nos héros à bavasser plus que de raison. La faute à un absurde ventre mou en milieu de métrage, qui aurait quasiment pu nous être épargné, et aurait permis au blockbuster de passer allègrement sous la barre des deux heures.

 

photo, Simu LiuUne bien belle poutre

 

MONTS ET MARVEL

Si les plus enamourés de la recette Disney ne s'en émouvront pas outre mesure, on retrouve ici et là plusieurs des faiblesses structurelles de l'entreprise. Ainsi, on espérait que le choix du brillant Bill Pope (Matrix, Spider-Man 2, Scott Pilgrim) grand compositeur d'images devenues autant de piliers plastiques de la pop culture, permettrait au blockbuster de se transformer en puissante proposition visuelle. Hélas, on a beau croiser régulièrement des plans somptueux, des compositions qui jouent avec éclat des couleurs, des textures et de mouvements inhabituellement amples chez Marvel, l'image est souvent terne.

 

photo, Tony Leung Chiu WaiLe saigneur des anneaux

 

Comme si, donnant tout dans une poignée d'idées impressionnantes ou de concepts malins, le film avait été produit dans des conditions finalement peu adaptées à un travail d'étalonnage pointu, ou à la construction d'une photographie complexe à même le plateau. En témoigne la quasi-intégralité des séquences à San Francisco, dont on peine à distinguer une quelconque intention visuelle, ou l'interminable segment se déroulant dans la base en papier crépon du Mandarin, manifestement décorée par une loutre en pleine descente de Prozac.

Un constat similaire d'entre-deux apparaît côté bande-originale. Joel P. West fait son possible pour proposer un semblant de thème musical identifiable et porteur d'un minimum d'émotions (ce qui tranche avec le cahier des charges habituel du studio), et ce dernier a pour lui d'être identifiable et pas fondamentalement déplaisant... À condition de se contenter des quatre misérables accords qui le composent, et des saillies gerbotroniques de pop frelatée qui le côtoient, notamment durant la première partie du métrage.

 

photo, Simu LiuIl a changé Spirou

 

PITRE ET DRAGON

Pour autant, Shang-Chi étonne, et divertit. Pour la première fois depuis les débuts du MCU avec Iron Man en 2008, voici un film qui jouit d'un coordinateur de cascades plus que capable (Andy Cheng), d'une caméra désireuse de capturer avec malice des chorégraphies réussies, d'un casting capable d'accomplir une part non négligeable de ses cascades, et dont l'investissement physique est manifeste. Le numérique est-il toujours là pour faire tache ? Sans doute, mais il sert désormais à hybrider deux plans réussis, à décupler l'effet d'un mouvement d'appareil furieux, ou à doper une castagne excitante, comme lors du dézingage en bus, et sa série d'hommages tant à Jackie Chan qu'à Opération Dragon.

Cette équation autorise le film à faire durer ses affrontements, plus que dans l'essentiel de la production Marvel, et il suffit de voir comme la première baston en bus écrase en termes de précision et de vélocité tout ce qui a précédé dans le MCU, pour sentir combien le film a des airs de vent de fraîcheur au sein de cet univers balisé. On évoquait plus haut la dimension pièce montée du scénario, le rythme un peu bégayant de la narration, mais ces réels défauts permettent au film d'assumer une forme de décomplexion inattendue, tant dans l'agencement de ses rebondissements que dans la présentation de sa mythologie, parmi les plus riches et visuellement incarnées proposées par tonton Mickey ces dernières années.

 

photo, Meng'er ZhangUne frangine maltraitée par une sous-intrigue familiale aux fraises

 

Pour le coup, voir Michelle Yeoh et Tony Leung prendre les manettes d'un récit initiatique qui ose jouer des poings et des grands sentiments, pour superficiels qu'ils soient, est suffisamment rare pour être apprécié. Et à condition de supporter les éructations d'un Ben Kingsley qui nous rappelle avec courage que la dignité est une de ces choses dont on se passe aisément, le spectateur pourra profiter d'un climax qui, pour une fois, lâche un peu les chiens.

En l'occurrence, un bestiaire démentiel et démesuré, qui assume totalement sa dimension Detective Dee cloné par des manchots. C'est à la fois peu et beaucoup, mais curieusement sympathique. Bien sûr, la volonté de draguer frontalement le marché asiatique est manifeste, souvent maladroite, parfois absurde, mais elle se transforme ici en occasion de faire dévisser un peu la prescription hollywoodienne en matière de divertissement. Et en prenant le public par la main, Shang-Chi se paie même le luxe de constituer une porte d'entrée pas déshonorante sur un cinéma auquel le grand public n'est que très rarement confronté.

 

Affiche française

Résumé

Au sein de Shang-Chi s'affrontent une recette Marvel toujours aussi pauvre et un récit d'aventures bastonnantes plus décomplexé qu'à l'accoutumée. C'est le second qui l'emporte, d'une courte tête.

Autre avis Mathieu Jaborska
La mythologie bourrine et les excellentes bastons sont gangrénées par la traditionnelle intrigue familiale, plus bête, lourde et mécanique que jamais. On en sort donc à la fois surpris et résigné.
Autre avis Antoine Desrues
Si Shang-Chi souffre des travers de la recette Marvel (enjeux précipités, photo dégueu), Destin Daniel Cretton a le mérite de s'être bien entouré, autant par son casting que sa seconde équipe. Pour une fois, on a droit à de vraies belles scènes d'action, lisibles et inventives. Et à force, c'est presque assez pour nous contenter...
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Lecteurs

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commentaires
Faurefrc
01/07/2022 à 23:11

J’ai cherché à insérer l’emoji caca ou vomi, mais malheureusement je n’y suis pas parvenu.
Marvel, je trouve ça sympa même si ce n’est pas du grand cinéma, mais là, franchement… la baston de fin au milieu de dragons en CGI dignes d’une série Scientifique Fi, c’était trop : j’en ai rendu mon Magnum.
Et Tony Leung… tellement de peine pour lui de le voir se débattre avec des dialogues écrits par des mecs en fin de cure chez les AA.

Rastan
01/07/2022 à 22:31

Le film est tellement loin du personnage dans les comics. Un traitement à la David Carradine dans Kung-fu aurait été beaucoup plus approprié que cette comédie d’action burlesque forcé avec des gags bien annoncés et franchement convenus. Quant aux scènes de combat, ça n’arrive pas à la cheville de films comme Tigres et Dragons ou encore de Matrix. Bref, rien à a sauvé dans ce film.

andarioch1
20/12/2021 à 12:52

Bonne surprise que ce film. On ne dépasse pas le stade d'honnête divertissement bien sûr, mais on est globalement sur quelque chose qui tient à peu près la route. Déjà j'avais de gros a priori sur Simu liu, que je trouvais un peu trop empâté dans les BA pour prétendre être un clone de Bruce Lee convaincant. Bon, certes, il n'a pas maigri mais il passe plutôt bien, tant d'un point de vue du jeu que de la baston.
Les bastons justement sont d'un bon niveau avec juste ce qu'il faut de vrais gens qui font de vraies cascades dedans pour nous rappeler que les exploit 100% CGI ça commence à devenir barbant.
Enfin, ne serait-ce que pour la beauté et la poésie de la scène de la rencontre entre le mandarin et sa (future) femme, le film vaut le coup.
Bon, c'est sûr que de nos jours il faut savoir se contenter de peu...

PS: Continue Simon. Tout le monde ne comprend pas l'esprit Christophe Lemaire qui t'habite mais c'est pas grave, faut tenir


03/12/2021 à 21:51

Tout à fait d'accord avec l'avis de mrjulot. C 'est ridicule et ennuyeux. Quand je lis que c'est "le haut du panier du MCU" au secours!

Simon Riaux
12/11/2021 à 14:59

@Enfin !

Difficilement, puisqu'une critique objective, ça n'existe pas.

D'ailleurs celle-ci l'est pas du tout.

Enfin !
12/11/2021 à 14:58

Enfin une critique un minimum constructive que je retrouve sur votre site ! Pour une fois, vous mettez en avant les points positifs / négatifs du film ! J’espère que vous allez continuer dans ce sens, un faisant des critiques plus objectives !

Flo
14/09/2021 à 14:37

..."Alors prends toi en main,
C'est ton Destin !"


Un pas après l'autre... le cheminement le plus intelligent pour toutes démarches artistico-commerciales, pour un artiste comme pour un studio accompli. On creuse le même sillon, et on regarde un peu plus large, au fur et à mesure.
Ici, plutôt que de retenir de force les acteurs stars (ou les recaster à volonté en laissant trop de prestige aux personnages), et de nous proposer un énième "Iron Man" ou autre, comme si on était trop dans un comic book...
On en lance un nouveau, en toute cohérence avec l'idée que le Monde n'est pas si petit, ni standardisé sur un même modèle (américain caucasien). Tout en prouvant que d'un continent à un autre, il y a aussi évidemment des points communs.
Même pas sorti de nulle part, Shang-Chi étant actif régulièrement dans les comics depuis presque 50 ans, plutôt sous un modèle Cool pour ado et jeunes adultes - super combattant assez solitaire et violent, au delà de Bruce Lee, il est descendant direct des pistoleros de Westerns et des sabreurs japonais déjà très "Funky".
Un peu caricatural aussi, mais c'était pas si facile à importer jadis. Un travail de densification, plus que d'actualisation, était nécessaire.

Un pas après l'autre...
Tout aussi exotique, mais moins "menaçant" était le combattant à la Jackie Chan, plus rond de visage, plus amusant, plus exportable, plus Tout Public pour Hollywood.
On retrouve cela chez l'acteur Simu Liu, une absence d'arrogance, assez de talent pour être sympatique Et grave Et physique. Crédible et donc l'idéal pour ce genre de (super-) héros. C'est à dire avec une identité marquée d'homme-enfant, l'impossibilité de prendre bien trop au sérieux des histoires trop fantasques pour ça (encore et toujours sauver le monde en costumes flashy etc).
Le seul critère devant être respecté au maximum possible étant le folklore visuel traditionnel, et surtout les combats, pièce maîtresse de ce genre de film. Rien à redire ici, ces moments sont excitants et faits pour être divers et plus lisibles... le sérieux de l'entreprise est connu depuis belle lurette, et ne faiblit pas trop. Bien sûr, le contexte de production a aidé à prendre le temps de besogner les choses, et les moments plus fantaisistes en restent surchargés, jusqu'à un combat final surréaliste qui semble ne jamais en finir.
Mais ce côté "Mieux vaut Trop que pas assez", y compris dans les goûts un peu douteux (au delà des gags obligatoires) n'est même pas typiquement américain, des exemples de films d'action asiatiques en étant la preuve baroque.

Un pas après l'autre...
Quoi de mieux aussi pour lancer cette franchise qu'une histoire (d'origine) qui soit simple à comprendre ?
En l'occurrence, tout le film semble se positionner aisément sur une opposition à la "Yin et Yang".
Deux films s'y passent en parallèle, l'un dans un monde exotique très attirant, très beau et ancestral...
L'autre dans un monde moderne plus enfantin et un peu laid, mais c'est le seul qu'on puisse avoir, il faut l'accepter.
L'un nous raconte l'histoire d'un homme puissant et mauvais, qui a été touché par la Bonté mais ne réussira jamais à la retenir...
L'autre nous raconte l'histoire d'un jeune homme modeste et bon, qui a été touché par la violence mais ne réussira jamais à y succomber.
Et dans leur pas, les précédant, les accompagnant ou les suivant, d'autres personnages dont la destinée devra les mener sur des chemins communs, cohabitant.
Le réalisateur Destin Daniel Cretton prenant au pied de la lettre son premier prénom pour nous donner une autre de ses histoires de héros devant trouver leur voie, malgré une généalogie compliquée (voir sa filmographie). Tout en traçant un pont personnel entre Orient (racines) et Occident (vie), en allant vers une sorte de réconciliation idéale.

Efficace sans avoir besoin d'être complètement inédit, surtout en étant portée un casting de stars confirmées impressionnantes, de visages familiers qui font plaisir, et de jeunes pousses finalement attachantes. Ainsi qu'une petite réflexion bonus sur l'identité traitée sur un mode méta médiatique et humoristique, une continuation du court métrage Marvel "Longue vie au roi".

Contrat rempli avec le spectateur, avec une confiance toujours renouvelée...
Un bon pas supplémentaire pour l'histoire du Divertissement.

Madrox
13/09/2021 à 11:18

Les scènes d'action dans la première partie sont vraiment sympa (le bus et les échafaudages). Et les clins d’œil au reste de l'univers Marvel cinématographique plus subtils que d'habitude; et aussi l'humour Marvel très casse-pieds d'habitude, est moins présent (même si je vois des avis différents ici).

Ensuite, le film est un peu long, surtout sur la fin. Les scènes d'action avec des créatures dans tous les sens sont assez peu lisibles.
Mais j'ai limité ma note à 3 étoiles à cause des habituels défauts du cahier des charges social de Disney, qui empirent à chaque film: on voit bien que les scénaristes sont sur la corde raide pour n'offenser personne... à part les hommes hétéros. J'allais dire "blancs", mais il semble que les asiatiques soient considérés comme tels dans les fictions américaines.
La violence gratuite sur les hommes par des femmes devient un ressort comique régulier. Tout comme Gamora dans Endgame qui balance son genou dans l'entrejambe de Starlord alors que celui-ci essaie de lui expliquer qui il est, là on a la sœur du héros qui le tabasse alors qu'il essaie de la prévenir du danger. Et le tout est très chorégraphié, avec l'homme de plus en plus considéré comme un sac à patate.
Et bien entendu, je laisse les spectateurs compter le nombre de baisers dans le film. Apparemment, "c'est mal" quand 2 personnes s'embrassent, tandis que les coups pleuvent sans soucis tout le long du film. Curieuse évolution de Disney !

Nico33
12/09/2021 à 09:18

Le film en général est plutôt bon, mais je trouve qu'il a quelques défauts redondants. L'intrigue familiale un peu cheap, le méchant papa mandarin pas si méchant et un humour emprunté à iron-man trop pesant au bout d'un moment. J'aurais préféré un film un peu plus sombre et surtout un méchant qui soit un vrai méchant un peu comme avec thanos. Disney cherche à faire des films qui soit regardable par tous et que sa ne froisse personne. Au bout d'un moment sa devient un peu gnan gnan.

Pseudo1
09/09/2021 à 00:33

J'en sors.
Assez d'accord avec la conclusion de la critique: il y a des vrais moments forts qu'on ne s'attend plus à voir dans un Marvel, mais c'est parasité par les soucis habituels, avec en prime une baston finale qui lorgne sur Pacific Rim sans jamais atteindre la maestria d'un Del Toro.
La dernière partie est d'ailleurs la partie la plus ratée du film pour moi, dès qu'on sort de la forêt. Ca se veut un hommage à la culture asiat, mais comme Black Panther, ça fait faux, carton-pâte, à milles lieux du reste du film où clairement, on se surprend à se dire parfois "ah ouais quand même !".
Rien que les bastons dans le bus et l'échafaudage méritent le détour. Ces scènes restent du Marvel, mais clairement du bon, dans la veine de la baston centrale du Soldat de l'Hiver ou de l'évasion des Gardiens ! Par contre, énorme déception que ce duel Tony Leung / Shang-Chi que tu attends pendant tout le film... Profitez bien de celles au début du film, Leung est clairement sous-exploité sur la fin.

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