Jungle Cruise : critique la croisière s'amuse... ou pas

Antoine Desrues | 9 juin 2023 - MAJ : 27/06/2023 12:47
Antoine Desrues | 9 juin 2023 - MAJ : 27/06/2023 12:47

Bien qu'il ait été repoussé d'un an à cause de la Covid-19, on ne peut pas vraiment dire que Jungle Cruise faisait partie des blockbusters les plus attendus du moment. Après l'échec commercial d'À la poursuite de demain, on pouvait même s'étonner de voir Disney se risquer à adapter de nouveau les attractions de ses parcs. Mais la firme aux grandes oreilles, toujours à courir derrière la recette miracle de Pirates des Caraïbes, a retenté le coup avec une équation a priori imparable : une relecture d'Indiana Jones avec le très lucratif Dwayne Johnson, et avec pour twist un regard féminin et féministe porté par Emily Blunt.

Dwayne de la jungle

Dans un premier temps, on serait tenté de donner à Jungle Cruise le bénéfice du doute, quand bien même son concept est loin de briller par son originalité. En 1916, la doctoresse Lily Houghton (Blunt) débarque en Amazonie dans l'espoir d'y trouver un arbre mythique, dont les pouvoirs de guérison pourraient bouleverser à tout jamais la médecine. Elle embarque donc avec son frère sur le vieux rafiot de Frank Wolff (Johnson), un roublard invétéré qui va forcément trouver une forme de rédemption dans cette aventure.

Le problème, c'est que derrière cette écriture réglée comme du papier à musique, les coutures sont aussi visibles et prêtes à craquer que sur une chemise moulante de The Rock. Avec son introduction étonnamment molle, Jungle Cruise assume de vouloir retrouver l'entrain et la malice de La Momie de Stephen Sommers (on y retrouve même une blague à base d'échelle similaire à celle qui révèle le personnage de Rachel Weisz).

 

photo, Dwayne Johnson, Emily BluntRythme de croisière

 

Malheureusement pour lui, ce début peu engageant n'est que le point de départ pour un festival de référents dont le film ne peut supporter le poids. Structure éminemment calquée sur celle d'Indiana Jones et de ses ersatz, humour et méchants maudits tout droit sortis de Pirates des Caraïbes, protagoniste mythomane et bourré d'insécurités comme Dwayne Johnson le joue depuis Vaiana... tout est mis en œuvre pour éviter toute prise de risques. Mais là où l'ensemble aurait pu jouir d'une certaine solidité grâce à la conscience de ses modèles, le long-métrage n'enclenche que bien trop vite un ennui poli, une formule à l'algorithme tellement visible qu'on jurerait voir les lignes de code de la matrice.

Pourtant, ce n'est pas comme si Disney avait fait appel au dernier des manchots pour mettre en boîte un tel projet. Certes, Jaume Collet-Serra est loin d'être un auteur accompli, mais il a su dépasser par son savoir-faire technique le postulat de quelques high-concepts peu excitants, d'Esther à Instinct de survie en passant par Non-Stop. Or, avant Black Adam (avec Johnson justement) où il est aussi réalisateur, ce coup d'essai dans le giron du méga-blockbuster qu'est Jungle Cruise annonçait déjà la catastrophe DC.

La mise en scène, sans jamais être complètement indigente, est d'un normativisme qui n'ose ni retrouver le sens de la contemplation et de la composition de ses modèles, ni, à l'inverse, un montage moderne et plus vif qui aurait au moins le mérite de la nouveauté. Cet entre-deux anémique en vient à plomber le long-métrage à tous niveaux, qu'il s'agisse de l'énergie inexistante de ses scènes d'action à la rythmique de ses gags, qui semblent ne jamais faire mouche.

 

photo, Emily Blunt, Dwayne JohnsonQuand tu vois ce que le scénario réserve

 

Radeau de la méduse

À vrai dire, au-delà de son statut de vague adaptation d'une attraction de Disneyland, Jungle Cruise se révèle presque fascinant dans sa manière de donner corps à la fameuse critique de Martin Scorsese à propos des films Marvel, et de leur nature plus proche des montagnes russes que du cinéma. Entre une scène prévisible dans les rapides, une confrontation avec un sous-marin et la découverte attendue d'un temple caché, le film ne fait même plus mine de chercher un liant entre ses passages obligés censés provoquer un semblant de frisson.

Dès lors, l'absence d'enjeux et de consistance narrative ne fait que précipiter le wagon sur les rails du déjà-vu. Cet aveu d'échec désolant pourrait néanmoins confirmer le succès de la stratégie de Disney ces dernières années, toujours plus à même de penser ses films comme des "rides" confortables, supprimant la spécificité du médium abordé pour mieux l'interconnecter aux autres. Mais c'est oublier que l'attraction Jungle Cruise a au moins la jugeote de ne pas durer deux heures (sauf si vous comptez la queue...).

 

Capture d'écranAttention, une idée cool !

 

Le plus triste dans cette formule, c'est qu'elle ne pouvait que faire rater le coche à cette proposition de film d'aventure revisité. Car ce que Jungle Cruise ne semble jamais comprendre, c'est que le genre investi est justement fondé sur le pas de côté, sur l'attente de l'inattendu, capable à la fois de faire rêver et de surprendre les spectateurs, parfois même au travers d'images volontairement traumatiques. Après tout, les séquences à la limite du gore de la saga Indiana Jones ont contribué à son aura, à ses jeux de textures vibrants, parfois même sales.

Alors certes, Jaume Collet-Serra a encore l'occasion de s'amuser ici et là, notamment avec ses conquistadors maudits et mutants, dont les designs hybrides un peu crados renvoient aux hommes-poissons de Pirates des Caraïbes. Mais pour le reste, Jungle Cruise ne sort jamais de ce cadre aseptisé, de ce surréel trop propre de parc d'attractions plongé dans une peinture de CGI sans âme. À ce titre, le long-métrage fait d'ailleurs peine à voir, tant ses décors et animaux numériques sont loin d'atteindre les standards de photoréalisme de l'industrie, pourtant posés par Disney avec Le Livre de la Jungle et Le Roi Lion de Jon Favreau.

 

photo, Jesse PlemonsHeureusement que Jesse Plemons est là...

 

Ainsi, dans ce néant où chaque intrigue secondaire (les dettes de Frank, la place du frère de Lily dans le scénario) ou chaque idée intéressante (la conscience du massacre des populations autochtones par les conquérants, la misogynie de la communauté scientifique à l'égard de Lily) se voit bazardée n'importe comment, il ne reste plus grand-chose si ce n'est les comédiens. Le charisme évident de Dwayne Johnson et d'Emily Blunt aide à quelque peu ranimer le film de sa léthargie, mais c'est surtout dans les rôles secondaires qu'on ressent un amusement certain.

De ce projet faisandé, Jesse Plemons (définitivement l'un des meilleurs acteurs du moment) réussit l'exploit de transcender un exercice de cabotinage pourtant casse-gueule, en incarnant un énième méchant prince allemand, ici jubilatoire de désinvolture. C'est dire le peu auquel on peut se raccrocher dans ce Jungle Cruise, dont le soufflet n'est pas retombé suite à son report d'un an, mais à cause de son retard considérable sur les cinquante ans de films d'aventure qu'il souille comme le pire des pilleurs de tombes.

 

affiche française

Résumé

Aseptisé et dépassé, Jungle Cruise n'a pour lui que ses acteurs attachants pour sauver ce radeau à la dérive. Sans jamais être totalement horrible, le film de Jaume Collet-Serra fait presque pire, en s'imposant comme un triste blockbuster sans âme, oubliable et algorithmique.

Autre avis Geoffrey Crété
Pendant une heure, la petite magie opère, grâce à un léger parfum de comédie old school, et une aventure qui démarre sur les chapeaux de roue. Puis, le Dwayne Johnson show reprend le dessus, et engloutit le film avec un tunnel de clichés laids et pompeux.
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Lecteurs

(2.5)

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commentaires
Pierre Oh
27/12/2023 à 22:51

En vrai, tout générique qu'il soit, il reste fun et se regarde, et est surtout porté par la parfaite Emily Blunt.

Garm
10/06/2023 à 18:07

J'ai revu Indiana Jones et le temple maudit il y a quelque jours, et jungle cruise hier soir.... Eh bin un film vieux de 40 ans met la misère à ce truc generique à tous les niveau, mise en scene, humour, inventivité, spectacle, etc...

C.
09/06/2023 à 21:21

Un grand Bravo pour la magnifique casquette de Dwayne qui lui va super bien.

Loozap
09/06/2023 à 20:51

Tout ce que j'aime voir . C'est tellement captivant

Critique sans vraiment avoir vu le film ????
10/09/2022 à 22:44

Je suis un peu étonné: malgré les très nombreuses références à la première guerre mondiale (en particulier le méchant principal), le critique situe le film dans les années 30... Soit les lacunes en histoire sont énormes, soit il a dormi la moitié du temps... Mais ça se comprend.
Bon, le film n'est pas totalement nul (j'ai quand même réussi à le visionner d'une seule traite), mais qu'il est long, et parfois très lent (vraiment trop lent pour ce style de film). Pourquoi ne pas avoir fait un montage un peu plus nerveux de 1h30 ou 1h40 ?

William
21/05/2022 à 19:07

Au début, ça commence comme un film d'aventure assez prévisible mais correcte avec quelques scènes retravaillées déjà vu dans d'autres films d'aventure de références. Le bateau tient l'eau.
Et d'un coup, voilà qu'on se retrouve avec les copains échappées de pâtes des Caraïbes avec une histoire qui commence à sentir le pâté. Oula ! le bateau commence à prendre l'eau de partout.
Et c'est notre pauvre ami Dwayne (en tout cas son personnage) qui met un dernier bon coup de hache dans la coque histoire d'être sûr que le bateau coule complétement en expliquant sa présence et son histoire complétement farfelu.
Ensuite, le scénario cherchant une place dans le sous marin du film pour survivre tente de nous emmener jusqu'à bon port avec du grand n'importe quoi.
Pas de chance, je me suis déjà noyé depuis une bonne heure quand le film s'achève.

zetagundam
14/05/2022 à 09:31

Curieusementet à ma grande surprise, le film fait le travail quand on s'ennuie un dimanche après-midi ou un soir.
Le film vole au ras des pâquerettes, on y sent entre autre son énorme inspiration qu'est "la Momie" de Stephen Sommers et il est noyé sous des CGI immondes, mais il reste divertissant sur l'instant bien qu'il soit immédiatement oublié dès le film terminé

Marc
13/08/2021 à 18:24

J'étais encore une fois seul dans une petite salle, Jungle Cruise un Disney avec l'excellente Émilie Blunt Une aventure à la Indiana John's et Pirates des Caraïbe , pas vu le temps passé plein d'action et d'humour une bonne surprise .

Tom M
07/08/2021 à 15:11

Honnêtement malgré ses quelques défauts (scénario pas toujours crédible et surtout très prévisible, effets spéciaux un peu daté) j'ai réussi à faire abstraction de tout ça grâce à son casting au top. Le duo principal formé par la so british Emily Blunt et par Dwayne Johnson, l'un des rois du box-office américain fonctionne parfaitement. Idem pour les rôles secondaires à l'instar de Jesse Plemons qui s'en sort haut la main en tant que principal antagoniste ou encore Jack Whitehall qui tombe jamais dans la caricature facile. Pour moi ce film a le mérite d'être drôle et divertissant et c'es déjà pas mal du tout.

Da Costa
06/08/2021 à 15:17

Il est bon ce Film.. On peut le noter 7/10..pour les jeux des acteurs Johnson 8 /10..Emily 8,50/10..plemons 8/10...Edgar 7/10..jack 7/10

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