Slalom : critique tout schuss
Comme beaucoup d'autres films, Slalom aurait dû sortir au cinéma il y a des mois (en novembre 2020) après avoir reçu le label Cannes 2020. La réouverture des cinémas sera l'occasion d'enfin le découvrir, puisque le premier film réalisé Charlène Favier sortira le 19 mai. Et tant mieux, car ce drame avec Noée Abita et Jérémie Renier vaut le détour.
HORS-PISTE
Il est particulièrement intéressant de noter que, ces dernières années, si l'on veut voir des films français qui accaparent de vrais sujets de société et n'hésitent pas à explorer leurs zones d'ombres, c'est vers le jeune cinéma qu'il faut se tourner. Comme si, en réaction à un cinéma plus mainstream doté de gros budgets et astreint à des impératifs commerciaux étouffants, les premières oeuvres (parfois faites avec des bouts de ficelles) utilisaient leurs grosses contraintes pour apporter un vent nouveau, une réflexion profonde, n'ayant pas peur de verser dans les zones de gris. Slalom fait évidemment partie de cette catégorie.
Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Charlène Favier (également co-scénariste avec Marie Talon) choisit de s'attaquer à un sujet délicat : celui du consentement. Mais, à un moment où tout le monde semble se replier dans un esprit communautaire potentiellement dangereux et clairement binaire, la jeune femme, à travers son film, nous rappelle que la réalité n'est jamais aussi simple et que, malgré nos envies de repères clairement définis, elle restera toujours ambigüe.
Noée Abita, révélée par Ava
À travers cette histoire d'adolescente qui se destine à devenir championne de ski et son entraineur qui la tient sous son emprise, le risque était grand de tomber dans des écueils moraux et bien-pensants, en phase avec ce que notre époque aimerait installer dans nos cerveaux. Pourtant, il n'en est rien, tant Charlène Favier, dès les premières minutes de métrage, pose clairement ses enjeux et nous plonge en pleine ambivalence. Si l'on peut déplorer que le parallèle avec Le petit chaperon rouge soit parfois trop appuyé, il faut bien reconnaitre à Charlène Favier et Marie Talon une grande maitrise du propos, qui n'hésite jamais à pousser le spectateur à se remettre lui-même en question par rapport à ce qui lui est montré.
Il n'est pas tant question ici de dépeindre une situation terrible, de compter les points ou encore d'emprunter des raccourcis idéologiques. Slalom nous bouscule sans cesse, maltraite nos idées préconçues et choisit de faire le pari, risqué mais réussi, de ne jamais prendre parti. Point de "gentil", point de "méchant" dans cette histoire : chacun à sa part de responsabilité, chacun est mu par des problématiques inconscientes et refoulées que la situation permet de révéler.
Chacun se prend à son propre piège, mais jamais le "coupable" ou la "victime" n'est figuré en ces termes, stigmatisé, condamné. C'est au spectateur de se faire sa propre opinion en fonction de son baromètre moral personnel. Ce qui fait que l'on sort de Slalom dans un état assez étrange, rempli de questions et de doutes sur ce qui vient de nous être raconté. Ça tombe bien, c'est le but du film.
PREMIÈRE ÉTOILE
Évidemment, pareil exercice d'équilibriste ne saurait fonctionner si, sur le plan formel, le film ne tenait pas la route. Là encore, Charlène Favier impressionne par la maitrise de son langage cinématographique. Entre ses ambiances envoûtantes, sa photographie hypnotique (mais parfois un peu trop didactique) et ses cadres, Slalom propose surtout un exercice de style passionnant sur le traitement du corps et du mouvement.
Ce qui nous offre des séquences de ski parfaitement marquantes et efficaces, dans un découpage qui trouve un écho dans des scènes plus intimes. En restant dans le point de vue de Lyz, son personnage principal, le film entraine dans un tourbillon émotionnel et sensoriel, et propose un univers qui nous happe dès ses premières secondes. Il faut dire aussi que le traitement sonore est en parfaite adéquation avec le reste, résultat d'un gros travail sur les ambiances, les bruitages et leur harmonie (ou leur dissonance) avec la partition électro/synth-wave du collectif LoW Entertainment.
Mais le film, aussi beau et techniquement abouti soit-il, ne serait rien sans ses comédiens. Là encore, c'est un sans faute. Noée Abita (déjà superbe dans Ava) est parfaite dans le rôle de Lyz, adolescente perturbée en quête insatiable de reconnaissance, qui ne maitrise pas sa sexualité et ses codes, et s'enfonce dans une spirale dont elle ne pourra sortir indemne.
Face à elle, Jérémie Renier compose un entraineur charismatique et meurtri, pris au piège de ses schémas intérieurs. Il y parvient avec beaucoup de subtilité et d'humanité, dépassant immédiatement le cadre du simple bourreau, mais révélant, par la même occasion, qu'il s'agit avant tout d'un individu pétri de doutes et de regrets. Alimentant ainsi encore davantage le propos du film : rien n'est jamais aussi simple qu'on le pense. Ils sont entourés de seconds rôles solides, mais parfois trop discrets, et l'on déplore parfois que l'impact de la situation à un niveau plus global ne soit pas plus mis en avant.
Cela dit, qu'on ne s'y trompe pas. Pour un premier film, Slalom est une très belle réussite et annonciateur d'une carrière très prometteuse pour sa réalisatrice.
Lecteurs
(2.5)30/09/2021 à 06:50
@Marre des critiques aveugles
D'accord à 100% avec votre commentaire. Sinon, un excellent premier film. Une réalisatrice et une actrice à suivre...
23/05/2021 à 19:13
Si vous comme moi vous vous ennuyez pendant le premier quart d'heure, partez à pied redécouvrir votre ville en slalomant dans ses quartiers.
22/05/2021 à 22:38
Je n'ai pas du tout eu le même ressenti que vous à la fin du film et concernant cet entraîneur dont l'autorité et l'emprise sur Liz se referment comme un étau de plus en plus serré à mesure qu'elle progresse. Je ne vois pas les 'regrets' de cet homme qui profite de moments de vulnérabilité (en plus de sa jeunesse etc.) (célèbration de victoire) ou entraînement (très) particulier pour assouvir ses pulsions en la rendant insidieusement responsable de son désir... D'ailleurs de son plaisir à elle, il n'en est aucunement question. Et alors même qu'il lui fait en amont une tirade 'feministe' sur la force de son cycle menstruel, il ne s'inquiète absolument pas de son absence totale d'expérience sexuelle qu'il sait... Et encore moins de protections etc. L'abus est mat.
C'est juste un pauvre type aigri, skieur pro frustré, manipulateur, petit chefaillon gueulard des cimes qui cherche à rattraper ses échecs et à gagner en reconnaissance à travers elle, 'sa pouliche' esseulée et en manque de structure ou de soutien familial... Il est violent de façon doucereuse, cynique et opportuniste. Il ne s'excuse jamais-même si ça n'excuserait rien- c'est ski (très vite) ou creve.La fin est très claire, après un moment de lâcher prise et de réalisation partielle dans les bras de sa mère, Liz a la niaque, skie pour sa vie, gagne et se reapproprie sa victoire (et son corps ?) en arrivant enfin à verbaliser ce 'non' qu'elle n'était pas en mesure d'articuler face à ce faux modèle charmeur-oppresseur paternel qui 'croyait en elle'. On sent bien néanmoins que la route vers le discernement total sera longue et tortueuse...
19/05/2021 à 15:30
Moi je suis deg y a rien dans le ciné près de chez moi à Neuchâtel en Suisse. J'ai trop envie d'y retourner mais rien qui m'intéresse :-(.
En tout cas chaud pour celui-là !
19/05/2021 à 15:27
Ouai bof, manque d’action comparé à Avengers 2