En avant : critique banlieusarde fantasy

Simon Riaux | 16 avril 2021 - MAJ : 16/04/2021 15:09
Simon Riaux | 16 avril 2021 - MAJ : 16/04/2021 15:09

En avant, ce soir à 20h50 sur Canal+ Family.

Presque deux ans après le départ précipité de son fondateur John Lasseter, Pixar a dû se réinventer pour survivre. Si le producteur, scénariste et metteur en scène était encore présent lors du lancement du projet, En avant est symptomatique des défis qui attendent la filiale de Disney mais aussi de ses cicatrices encore béantes.

Retrouvez notre critique en vidéo par ici.

LAISSER PARTIR LASSETER

Dans un monde où elfes, trolls et magiciens ont troqué la magie et son exigence pour le confort de la technologie, deux frères entament un long périple pour retrouver un artefact qui leur permettra de passer quelques heures avec leur père disparu des années plus tôt. Impossible de ne pas penser instantanément à la situation dans laquelle se retrouve Pixar, privé de sa figure tutélaire, mais nécessairement hanté par son souvenir, incarné ici par la moitié inférieure d’un paternel défunt, deux jambes dont la présence pathétique s’impose au spectateur, aux héros et aux artistes derrière le film.

Comment et pourquoi dire adieu ? Le présent était-il vraiment un âge d’or ? Si Coco traitait déjà du passé et de sa survivance, En avant va plus loin, abordant de front une thématique aussi complexe que passionnante : quand faut-il laisser mourir le passé et pourquoi ? Et pour explorer ces motifs, le scénario use tout le potentiel de son univers de fantasy banlieusarde, qui devient un bouillon de culture à allégorie psychanalytique. Qu’un personnage ait besoin de s’affirmer, et un rebondissement rendra son acolyte soudain minuscule, qu’il doive surmonter sa peur, et l’écueil qui se dresse sur sa route (ou plutôt le gouffre) lui offrira une métaphore parfaitement calibrée.

 

photoQuand deux adolescents jouent avec leur bâton magique et en foutent partout

 

Porté par des personnages simples, un ainé bravache par aveuglement et un cadet oppressé par une fiction familiale qui lui est étrangère, le film fait preuve d’une immense précision et d’une sophistication constante qui lui permettent, sitôt son premier acte passé, de nous embarquer au gré d’une épopée émotionnelle plutôt irrésistible. Et tant pis si Dan Scanlon se montre souvent trop timide lors de ses scènes de transition, ou quand il ronronne pendant les dialogues. Dès qu’un morceau de bravoure pointe le bout de ses crocs, il se transcende.

C’est ainsi qu’il emballe un des climax les plus déchirants vus de longue date dans un Pixar, où se combinent à merveille le spectacle, les jeux d’échelle, un enjeu émotionnel profond, mais aussi un sens de l’humour bienvenu. Car En avant renoue avec un amour de l’absurde et du comique de situation qui a fait les beaux jours de Pixar. À nouveau, sortilèges et bestiaire offrent au cinéaste une belle matière première, et de dragonnes domestiques surexcitées en licornes pigeonneuses sous kétamine, il compose un univers souvent hilarant.

 

PhotoLa belle bête

 

QUAND LES DRAGONS RONRONNENT

Pour autant, le long-métrage souffre manifestement des grands chambardements internes du studio. Désormais dirigé par Jennifer Lee et Pete Docter, il serait absurde et très prématuré d’y voir un quelconque vaisseau en déroute, mais l’entreprise cherche son identité, comme en témoigne En avant.

Preuve en est cette direction artistique étonnamment inégale, où des personnages géniaux (la manticore, les fées queers bikeuses) côtoient des protagonistes terriblement pâles (la mère de famille générique, ou le frère aîné, difficilement supportable une bonne demi-heure durant), au gré d’un design rarement réjouissant.

 

photoUne direction artistique qui part un peu dans tous les sens

 

En effet, malgré de bons concepts et d'excellentes idées, qui questionnent notamment combien la fiction enferme ou protège qui a besoin de s'y réfugier, l'oeuvre a le plus grand mal au cours de son premier mouvement a trouvé des points d'équilibre. Comme si, impressionné par un programme narratif et symbolique parmi les plus ambitieux entrepris ces dernières années par le studio, Dan Scanlon ne parvenait pas tout de suite à poser sa voix ni à soigner ses finitions.

Pour la première fois, un film Pixar ne porte nulle part la marque du studio. Tous les faciès paraissent familiers et ne tranchent jamais de ce que sont en mesure de produire Warner, Universal ou Illumination. Non pas que le film soit techniquement indigne, son animation et ses textures, bien qu’en deçà de Toy Story 4, sont très corrects, mais c’est bien la conception même, des décors comme des protagonistes, qui frappe par sa fadeur.

Trop souvent, En avant ronronne et ne sait comment s’affirmer, ce qui est d’autant plus regrettable que sa photographie s’impose comme un modèle du genre et ne demandait qu’à bénéficier d’un découpage à la hauteur.

 

Affiche française

Résumé

D'une rare puissance émotionnelle, cette épopée psychanalytique témoigne aussi des cicatrices béantes laissées chez Pixar par la disgrâce de John Lasseter.

Autre avis Elliot Amor
Les studios Pixar signent une aventure à la fois épique et intimiste ancrée dans son époque. Bien que long à démarrer, le scénario propose des personnages et des péripéties à la hauteur de ce que le studio a pu produire par le passé. Avec Onward, la filiale de Disney prouve qu'elle conserve encore sa propre identité.
Autre avis Geoffrey Crété
Non seulement c'est terriblement pauvre (voire laid) dans son imaginaire et sa direction artistique, mais c'est en plus désespérément bloqué sur les rails du film d'animation classique, entre petite aventure dans les prairies et grande leçon de vie. A ranger parmi les productions les plus banales et sans âme de Disney-Pixar.
Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.3)

Votre note ?

commentaires
Oldskool
16/04/2021 à 21:51

Jamais drôle, parfois gênant (la moitié du père), graphisme et personnages laids, scène d'actions toutes pétées... et soudain 20 dernières minutes grandioses, épiques, avant un climax qui nous tire des larmes... pas compris comment on peut gâcher 3/4 d'un film et se transcender aussi brillamment sur la fin...

rientintinchti
16/04/2021 à 19:19

Super film à mon sens. Je recommande.

Kyle Reese
16/04/2021 à 15:47

Assez d’accord avec la critique. Pas grand chose à rajouter. Film un peu impersonnel dans son graphisme mais personnages attachant et aventure exaltante avec un thème bien traité qui vise juste au cœur. Et ça c’est l’essentiel. Sur que la BA ne révèle pas suffisamment les qualités profondes du film.
J’ai été très agréablement surpris.

Nonoo
10/03/2020 à 13:40

@Gregdevil Il a fait un premier week-end moins bon que les autres Pixar oui :/ Actuellement c'est pas la meilleure période, des cinémas sont fermés, les gens ont peur du coronamachin, le film a l'air bien mais sans plus et il ne sortira pas dans certains pays (Italie, Chine...) avant quelques mois en plus, ce qui peut expliquer son faible score mondial. Ce n'est pas non plus le film Pixar le plus attendu il faut le dire, même Disney savait qu'il ne se ferait pas un énorme succès, et beaucoup de gens n'ont pas prévu d'aller le voir (mais bon, c'était pareil pour Coco au début et finalement il s'en est super bien sorti).
Par contre, point positif il a eu de bonnes critiques et il y a un bon bouche à oreilles, donc je pense que le film peut encore remonter dans les chiffres, sachant qu'il me semble que des vacances arrivent bientôt aux US, ce qui va peut-être encourager les familles et enfants a aller le voir. A voir donc!

On verra aussi comment le second Pixar original de cette année "Soul" se débrouillera en juin (je pense qu'il s'en sortira) ^^ Par contre, si ces deux films Pixar originaux font un flop, et que le prochain film d'animation original "Raya" de Disney en novembre ne fait pas un bon score j'ai bien peur que les studios privilégient les suites/remakes et laissent de côté les films originaux :/

mikegyver
10/03/2020 à 11:06

@alexalex

"Le "déclin" de Pixar a commencé lorsque Disney a racheté le studio vers 2005"

quelle brillante analyse !!! digne d'une redaction de college......autant ne rien dire que pondre un commentaire aussi affligeant.

pour info le monde de nemo c'etait nase, wall-e une purge mievre incomprehensible, toy story 2, les cars & cie, .......... A l'inverse depuis le rachat y'a de bons trucs aussi, et meme chez disney (zootopie,nouveaux heros...). donc grosso modo rien n'a changé, y'a du bon et du mauvais des 2 cotés, forcement c'est les memes aux manettes.

bref va falloir pousser le decyptage, parce que la ca veut rien dire.

une piste : peut-etre a-t-on surevalué les pixar ?

Gregdevil
09/03/2020 à 09:00

La BA ne m'avais pas emballé, l'affiche non plus.
Mais j'ai aimé le film, très émouvant.
Le film na pas marché ce WE au USA, a t il été mal vendu ? Car les critique dont très positives dans l'ensemble.

Chris11
07/03/2020 à 17:20

Première fois qu'une bande annonce d'un Pixar ne m'emballe pas. J'ai cru à un banal Dreamworks jusqu'à ce que je voie bien Pixar à la fin. J'irai le voir si vraiment je m'ennuie.

Deny
07/03/2020 à 16:42

Ouf! Il reste des parties du site "non-payante" parce que l'abonnement à 2,50 c'est vraiment abuser!

DjFab
06/03/2020 à 22:44

Je suis assez d'accord avec CH, Pixar s'est dégradé ces dix dernières années. Cependant, j'ai quand même trouvé Les Indestructibles 2 excellent, je le mets avec Coco et Vice-Versa au côté des grands classiques du studio. Par contre je viens de voir En Avant, celui-là je le mets avec Le Voyage d'Arlo...

Gp
06/03/2020 à 09:02

CH, je trouve aussi que Rebelle peut trôner fièrement au côté des autres films Pixar que tu as cités.

Plus
votre commentaire