La Dernière vie de Simon : critique homonyme
Nombreux sont ceux qui maudissent un cinéma français qu’on dit gangrené par les projets ternes, peu ambitieux ou incapable de s’extraire de l’ornière de la comédie basse du front. On conseille vivement à tous ceux-là de se ruer sur La dernière vie de Simon de Léo Karmann, vibrant exemple des pépites que délivre chaque année le cinéma Hexagonal.
MAGIC IS IN THE AIR
Simon est un orphelin qui fait la connaissance de Thomas et Madeleine, frères et sœur unis, grandissant dans une famille soudée. Le jeune garçon leur révèle un incroyable secret, qui va modeler leur futur. Voilà pour le point de départ de la rêverie surnaturelle, qui constitue le premier long-métrage de Léo Karmann. Il en tirera un récit atypique, qui s’avance sur le terrain passionnant, mais complexe du réalisme magique. Et si ses ambitions l’amènent thématiquement du côté d'Emir Kusturica ou Guillermo del Toro, le metteur en scène français ne dispose pas de leurs moyens.
C’est donc sur l'écriture de Sabrina B. Karine, scénariste qui porta le projet dès ses origines et sur sa mise en scène que peut s’appuyer Karmann. Une situation qui a d’abord pour conséquence de le faire tout appréhender en termes d’efficacité et de construction. La dernière vie de Simon n’a pas les moyens de se permettre des scories, pas le temps de laisser quoi que ce soit au hasard. Ainsi, chaque dialogue, toutes les caractérisations, ainsi que l’établissement des enjeux dramatiques sont établis afin de s’imbriquer avec évidence.
Transformer les objets du quotidien en espaces fantasmatiques
Alors que les émotions pointent, que le scénario s’autorise une brutale ellipse et un changement de genre au beau milieu de son déroulé, le film est déjà fort d’une architecture impeccable, soutenue par des personnages aux arcs d’une pureté dramatique évidente. Entamé comme un conte candide et inquiétant, l’ensemble peut dès lors naviguer dans les eaux impétueuses, mais splendides, de la tragédie romantique.
Et alors que l’intrigue s’envole vers des conflits émotionnels ou moraux particulièrement corsés, chaque protagoniste bénéficie d’une finesse d’écriture remarquable, qui préserve toujours l’intégrité des personnages, tout en veillant à pousser chacun dans ses derniers retranchements.
Camille Claris et Benjamin Voisin
CAMÉRAMORPH
Cet accomplissement narratif se retrouve également dans la mise en scène. Parce qu’il n’a pas le loisir de proposer un récit qui s’attarde, parce qu’à l’évidence son budget le contraint à l’efficacité, Léo Karmann appréhende toutes les scènes en se questionnant sur une donnée essentielle, trop souvent oubliée : que raconte l’image ? De son ouverture évoquant La Foire des Ténèbres de Ray Bradbury à un climax palpitant, tous les photogrammes s’efforcent de revenir à la force première du médium cinéma.
Des personnages qui cherchent à voir au-delà du miroir
Pas une ligne de fuite qui ne soit pas exploitée, pas une image dont les mouvements ne témoignent pas des tourments des personnages, la mise en scène comme art de la perpétuelle métaphore est un principe évident, mais qu’on n’avait pas vu incarnée avec tant d’évidence depuis longtemps. Conscient de la moindre inflexion de sa grammaire filmique, le réalisateur fait aussi preuve d’une inventivité constante. Avec malice, il transforme chaque défi en exercice ludique, maniant ici les ombres, là le hors-champ, quand il ne s’autorise pas tout simplement à faire passer la puissance d’une terrible révélation par un jeu de regard dévastateur.
Au final, La dernière vie de Simon parvient même à composer avec ses faiblesses, notamment un récit contraint d’accélérer un peu trop vite durant son dernier mouvement, ou des comédiens qui n’ont pas toujours le temps de trouver leur propre tempo quand le scénario sort de son chapeau un rebondissement ambitieux. Mais l’amour sincère du fantastique qui s’y déploie, l’intelligence de son écriture et l’artisanat stimulant qui préside à sa mise en scène en font une des plus touchantes surprises de ce début d’année.
Lecteurs
(4.3)28/01/2021 à 17:13
@Ar Brezeler
Canal Play, Google Play, Youtube VOD, Orange, FilmoTV, Rakuten... Y a l'embarras du choix.
28/01/2021 à 16:47
Bah oui mais on le regarde où ? =(
27/01/2021 à 19:36
Un film francais qui fait du bien !... Presque une erreur tellement l'on était habitué à rien, et depuis si longtemps....
27/01/2021 à 10:43
Vu sans rien en savoir et ce fût une jolie surprise. Je recommande fortement.
26/01/2021 à 20:40
Bien joué Léo!
Je sais que tu liras ces commentaires ;)
26/01/2021 à 20:27
Grand film ! L'un des meilleurs de 2020 ! Exploitation pas à la hauteur de cette grande oeuvre.
10/05/2020 à 15:10
Ah que c'était beau ! Une vraie pépite ce film.
05/05/2020 à 22:49
Top top
14/02/2020 à 16:23
Un film français à encourager. Dommage que ça manque un peu de cruauté. Tout est un peu trop gentil. Le personnage principal aurait pu être plus ambigu.
04/02/2020 à 22:50
@Gushy,
Peut-être mais l'essentiel est dévoilé. Le commentaire de Julian n'est pas une vue de l'esprit. Les commentaires sur youtube, à la vue de la bande annonce, expriment la même chose.