Underwater : critique 20 000 yeux sous les mers

Geoffrey Crété | 22 janvier 2021 - MAJ : 20/12/2023 11:10
Geoffrey Crété | 22 janvier 2021 - MAJ : 20/12/2023 11:10

Une série B horrifique à 60 millions de dollars, où Kristen Stewart affronte de gros monstres des abysses, aux côtés de Vincent CasselJessica HenwickJohn Gallagher Jr. ou encore T.J. Miller : ça n'arrive pas tous les jours, et ça s'appelle Underwater. Sorti de nulle part et plusieurs fois repoussé, le premier film longtemps mystérieux de William Eubank arrive dans les salles françaises cette semaine. Et pour tout amateur d'Alien, Un cri dans l'océan et autres films d'horreur visqueux, c'est un petit plaisir irrésistible.

DANS L'OCÉAN, PERSONNE NE VOUS ENTENDRA COULER

Pas le temps de parler, pas le temps de niaiser. Explosions, décompression, morts : en quelques minutes, c'est le chaos. L'urgence et la survie sont les premiers moteurs d'Underwater, qui a l'intelligence d'épargner les habituelles scènes de présentations attendues et artificielles. Hormis un générique qui flirte bon la série B et une courte voix off encombrante (et certainement posée de force), l'aventure commence sans plus attendre, et c'est un plaisir trop rare pour ne pas créer un immédiat sentiment d'euphorie.

Underwater est un film de monstre, un film d'angoisse, un film d'horreur, et ce sera bien le programme assumé de ces 90 minutes serrées et diablement efficaces. Repéré par les amateurs de genre avec The Signal (arrivé directement en vidéo chez nous, en 2015), William Eubank n'y va pas par quatre chemins, et maintient son histoire sous haute tension, à plus de 10 000 mètres sous la surface. Entre une immense station sous-marine installée près de la célèbre fosse des Mariannes, point le plus profond des océans, et des escapades anxiogènes à l'extérieur, Underwater prend vite des allures de train fantôme réjouissant - à condition d'en accepter les grosses ficelles et étapes inévitables.

 

photo, Kristen Stewart, Vincent CasselVincent Cassel est là, et il s'appelle Lucien

 

UN CRI DANS L'ABYSSE

AlienAbyss, Un cri dans l'océan, The Descent, M.A.L : Mutant aquatique en liberté, Leviathan... Inutile de nager après les références plus ou moins évidentes et assumées. Underwater ne cherche d'ailleurs pas à dynamiter ces codes ou réinventer le genre. Le dispositif horrifique mis en place par William Eubank est simple, presque pur dans sa mécanique, dénuée des plus gros et désagréables morceaux de gras. Les héros doivent survivre, avancer étape par étape, le long d'une trajectoire digne d'un jeu vidéo expliquée très vite. Il y aura des victimes, des sacrifices, des surprises et des affrontements inévitables à mesure que la nature de la menace se précise, et que le visage de l'adversaire sort des profondeurs. La question ne sera pas où le film va, mais comment et jusqu'où.

Avec un impressionnant budget de 60 millions de dollars (similaire à Life : Origine Inconnue, récente grosse série B à la sauce spatiale), Eubank a eu les moyens de ses ambitions. Il multiplie les décors, alterne les intérieurs métalliques et les extérieurs obscurs et vaseux, et renouvelle sans cesse le terrain de jeu en évitant beaucoup de pièges du genre. Les couloirs se suivent, mais ne se ressemblent pas, et malgré le huis clos sous-marin, l'aventure ne tourne pas en rond à l'image. La photographie signée Bojan Bazelli, déjà derrière les magnifiques ambiances de Le Cercle - The Ring et A Cure for Life, apporte régulièrement de belles touches de couleur et de style, servant la sobriété industrielle de ce labyrinthe abyssal.

 

photoPrière pour l'âme de Bioshock et Soma

 

Et si le découpage de quelques scènes d'action laisse à désirer, avec une gestion de l'espace parfois maladroite, le réalisateur profite des extrêmes, entre l'immensité indéchiffrable des abysses noirs, et les espaces réduits à l'extrême. Des caméras embarquées dans les combinaisons (le spectre du beau Sunshine de Danny Boyle plane, notamment pour cette raison) aux vues des eaux opaques qui cachent des secrets inavouables, des plans au ralenti ultra-léchés au flou dans les eaux insondables, Underwater crée souvent un sentiment d'asphyxie et de petite angoisse, utilisant avec efficacité ces territoires propices aux crises de panique. Le rythme est bien tenu, quitte à sacrifier quelques moments qui auraient mérité plus de temps et crescendo.

 

photo"Un second rôle doit crever dans la prochaine scène"

 

PACIFIC SCREAM

Par manque d'ambition ou contrainte de producteur, Underwater n'échappe pas à certains écueils. Le plus évident est le personnage de T.J. Miller, à peu près calqué sur celui de Silicon Valley, et posé comme l'insupportable comic relief du groupe. À chaque scène sa punchline ou presque, quitte à saboter le premier degré réussi de l'aventure, et donner l'impression qu'il évolue dans un autre film - et cet autre film pourrait s'appeler Suicide Squad. Une seule envie alors : qu'il crève vite, et libère le terrain pour les autres personnages secondaires. Tous rentrent dans les cases familières du genre, mais le scénario reste relativement sobre, et ne s'embarrasse pas d'un trop-plein de caractérisation.

L'autre petite faiblesse d'écriture est du côté de l'héroïne incarnée par Kristen Stewart. Son trauma intime un peu forcé témoigne de la difficulté à mener le cauchemar tambour battant tout en gardant un facteur humain dans l'équation. Pas de quoi gêner outre-mesure néanmoins, puisque tout ça est globalement concentré sur deux ou trois courtes scènes. L'allure étonnamment dénudée du personnage, qui dépasse l'hommage à Ellen Ripley, pourrait aussi amener à sourire, mais le talent de Kristen Stewart est là. L'actrice porte ce rôle avec force et sobriété, maintenant un cap du début à la fin sans tirer sur une corde trop sensible ou trop warrior.

 

photo, Kristen StewartThe Twilight Zone : Abyss edition

 

Difficile de décrire la menace qui s'interpose entre les humains et la surface sans gâcher quelques surprises, mais là encore, elle illustre l'efficacité et les limites du film. D'abord caché dans l'ombre et le hors-champ, l'ennemi est une excitante énigme, propice à bien des idées et illusions vu le contexte. Quand son visage est révélé, c'est avec la petite déception attendue, la faute à un design à la fois flou et trop familier, qui rappelle quelques récents films de monstre.

Mais ce n'est que le creux de la vague : Underwater a un joker dans sa manche, et délivre une ultime dose de sensations inattendue, susceptible d'allumer quelques lumières chez les amateurs de littérature.

Avec en plus quelques mises à mort peu ragoûtantes et bien senties, et un récit qui se termine très vite et sans la lourdeur habituelle une fois le climax réglé, Underwater a tout du petit plaisir absolument pas coupable. Plaisir d'autant plus beau que le film ressemble à une anomalie vu le genre, le budget et les acteurs. Ne reste plus qu'à espérer qu'il rencontre le public, malgré sa promo discrète, pour que ce type de production arrive plus souvent à la lumière du jour.

 

Affiche fr

Résumé

Gros plaisir que cette série B friquée, construite comme un long tunnel asphyxiant et cauchemardesque. Les ficelles sont connues, les inspirations, évidentes, mais Underwater est mené avec suffisamment d'habileté et savoir-faire pour offrir un ride horrifique hautement recommandé aux amateurs du genre.

Autre avis Mathieu Jaborska
Non dépourvu de défauts, Underwater brille cependant par sa simplicité et parvient sans mal à divertir en quasi-continu pendant 1 heure et demi. C'est une performance assez rare venant d'un studio comme la Fox, et donc mine de rien un petit événement pour le fan de série B sans prétention qui sommeille en nous.
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Lecteurs

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commentaires
Flo
31/10/2023 à 13:48

William Eubank a bien digéré la saga « Alien » (et bien d’autres références des années 80), et le résultat est plutôt honorable.
Car avec un film qui, passé des documents top secret et une voix-off qui servent de « guillemets narratifs », a la politesse d’y aller pied au plancher, on se retrouve avec un spectacle claustrophobe, SF, angoissant, qui va toujours droit au but.
1h 27 sans surexplications, sans surdramatisation, avec des personnages archétypaux (quasi les mêmes que chez Ridley Scott, avec là aussi une évolution surprise). Lesquels arrivent à se raconter individuellement en une poignée de dialogues, sans en rajouter dans l’attachement – on comprend bien que TJ Miller est le comique de service (à chaque réplique, une vanne), mais aussi qu’avec lui dans le coin, le groupe peut oublier ses angoisses un petit moment.
Kristen Stewart (fringuée en Lori Petty) y mélange très bien force et fragilité.
Les scènes sous-marines mélangent très bien lisibilité et opacité (« ferme les yeux ! » on dit… puis à la fin « ouvre les ! »).
Bref, ça boit pas la tasse.

Soulot
24/01/2021 à 09:59

Film navrant, des qualités visuelles mais narration complètement loupée. Pas compris l'architecture, ni les déplacements des survivants. Le réalisateur applique la doctrine Alan Taylor: "appréciez les images, inutile de comprendre!"

Atréides
24/01/2021 à 09:57

@Riddick

.... Etant donné que l'excellent Dead Space n'invente rien mais a tout pompé dans le ciné de genre, en parler comme référence serait totalement à côté de la plaque, faut remonter aux vraies origines...

Riddick
23/01/2021 à 09:21

Alors la ecran large je suis étonné. Je suis entièrement d'accord avec votre critique mais ce film est une pure référence au jeu dead space. Les décors les combinaisons les armes et les monstres sont la copie conforme du jeu et l ambiance est la même. D accord avec moi ou pas les gars.

zetagundam
22/01/2021 à 21:05

Film sans grand intérêt, si ce n'est peut-être la "surprise" final, tant le film, à force de bouffer à tous les râteliers, ne présente aucunes nouveautés ni surprises à part peut être pour un non adepte de ce type de cinéma

Bzh29
11/04/2020 à 22:33

Le film, aux allures de DTV, a le plus gros défaut qui soit : aussitôt vu aussitôt oublié ! D'une fadeur...Aussi vide que les abysses. Persos inconsistants et dialogues risibles. Le film n'a rien à raconter ! Un minimum de tension mais pas de frissons. C'est ultra soft , trop calibré, mal exploité, hésitant à tous les niveaux - ça pue le remontage -
Dommage les creatures étaient sympas. 4/10

Bigpoppa
04/04/2020 à 00:26

Un très bon film à regarder, une idée plutôt originale vis à vis des films qui ont était fait bien avant sur les monstres marins, j'ai vraiment bien aimer.
Il faut arrêter de sortir des mots et de faire des comparaison qui n'ont strictement rien à voir, arrêter de critiquer tout le temps négativement, il faut être objectif, je n'aime pas de base Kristen Stewart, mais dans l'ensemble le film est bien, les techniques de prise de vue sont superbe, même celles à l'intérieur des casques qui avaient déjà était faites biennnnn avant gravity d'ailleurs donc aucuns rapport pour celles et ceux qui ont dit ça, ensuite les effets spéciaux sont plutôt bien Réalisé et lorsque l'on aperçois le montre géant on est vraiment choqué et on ne s'attend pas du tout à ça, et c'est ça la crédibilité d'un film de S.F, le suspens est au rdv et les performances d'acteur pour ce genre de film sont très bien réalisés.

Geoffrey Crété - Rédaction
30/03/2020 à 18:48

@Korki37

Je vois les points cités, mais pour moi ce sont des choses classiques, dans le sens dramaturgie classique, à tel point que ça ne relève même plus de l'identité du Cuaron. Gravity ne les a pas inventées ou spécialement illuminées. La vue à l'intérieur du casque et un sacrifice masculin dans l'inconnu étaient sinon dans Sunshine de Danny Boyle, sorti avant Gravity, c'est pour ça que je le cite lui.

Korki37
30/03/2020 à 18:39

En plus des références citées je rajouterais tout de même Gravity, un peu surpris de voir que personne n'en a parlé car les emprunts sont nombreux, aussi bien terme de mise en scène (vue à l'intérieur du casque, le sacrifice du personnage masculin dans l'inconnu) que thématique : l’héroïne et son trauma, sa prise d'assurance qui grandit tout au long du film, sa renaissance (ici moins subtile que chez Cuaron), y a même un dialogue sur des chiens..
Sinon film plutôt sympathique, surtout grâce à sa surprise à la fin et le choix de design malgré des choix de cadre, de focale et de montage qui se perdent parfois. Peace.

Maxx
27/03/2020 à 01:58

On dirait un téléfilm :S

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