Le Chant du loup : critique-torpille dans la tête

Geoffrey Crété | 10 janvier 2022 - MAJ : 05/09/2023 18:17
Geoffrey Crété | 10 janvier 2022 - MAJ : 05/09/2023 18:17

Personne ne l'a vu venir, et pourtant. Premier film d'Antonin Baudry, scénariste de bandes dessinées qui a co-écrit l'adaptation de son Quai d'OrsayLe Chant du loup est un gros et beau pari pour le cinéma français. Budget de 15-20 millions, casting de premier ordre (Omar SyReda KatebMathieu Kassovitz, autour de François Civil), et ambition claire pour ce thriller sous très haute tension, qui plonge dans l'univers des sous-marins.

CREUX DE LA VAGUE 

Le Chant du loup semble sortir de nulle part et ne rentrer dans presque aucune case classique. Un premier film signé Antonin Baudry, ancien diplomate et auteur de bandes dessinées qui a fait ses premiers pas au cinéma en coécrivant l'adaptation de son Quai d'Orsay ; un budget de 15-20 millions d'euros, mais pas au service d'une comédie bardée de valeurs sûres ou d'une marque connue ; des acteurs populaires (Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz) mais réunis autour d'un François Civil encore (trop) méconnu ; et un thriller dans le monde des sous-marins, décor trop peu exploré au cinéma.

Le pari était donc risqué, surtout après les contre-performances des contemporains Taxi 5, qui n'a pas été à la hauteur des scores de la saga, et de L'Empereur de Paris, un échec clair et net. Et alors que bien des spectateurs regrettent le manque de diversité et d'ambition du cinéma français, Le Chant du loup est celui d'une certaine grâce.

Thriller sous très haute tension d'une maîtrise impressionnante, mené d'une main de fer, c'est une claque d'autant plus belle qu'elle était inattendue, et qu'elle a tous les ingrédients pour réconcilier deux parties du public souvent désaccordées.

 

photo, François Civil, Omar SyLe fameux code Civil

 

SOUS L'OCÉAN

Les vingt premières minutes annoncent la couleur. Un sous-marin se cache dans des eaux interdites tel un prédateur, prêt à récupérer des plongeurs au nez et à la barbe de soldats étrangers. Mais quelque chose d'autre rôde, et très vite la panique s'installe. L'opération de sauvetage et de bravoure prend des proportions folles, et c'est avec une roquette que le pire est évité.

En quelques scènes, Antonin Baudry fixe le cap de son ambition. Et hormis quelques éléments plus faibles (une réplique par ci, un plan par là), Le Chant du loup sera solide, nerveux, tendu et spectaculaire, à l'image de cette introduction. C'est cette justesse qui impressionne dans ce premier film, lequel prend souvent des airs de longs couloirs traversés en apnée, sous la pression d'une intrigue implacable, dirigée par des personnages dessinés avec peu de choses si ce n'est énormément d'adresse.

 

photo, Reda KatebReda Kateb, impeccable comme toujours

 

Antonin Baudry est parfaitement à l'aise dès qu'il s'agit d'orchestrer la tension, voire l'angoisse, mais ne court jamais après le sensationnalisme gratuit. Son film n'est pas une démonstration vaine à l'américaine, et c'est au contraire avec une apparente facilité qu'il mène la barque. Il est aussi très adroit lorsqu'il s'agit de dépeindre la personnalité de son héros incarné par l'excellent François Civil, être à fleur de peau qui semble toujours au bord d'un précipice.

Qu'il soit doté d'une ouïe extraordinaire permet un design sonore captivant et immersif, d'ailleurs assuré au Skywalker Ranch de George Lucas, preuve d'un savoir-faire évident. Le réalisateur s'est d'ailleurs entouré d'une belle équipe, avec Tomandandy à la musique, et Saar Klein (passé sur La Ligne rouge, Le Nouveau Monde et La Mémoire dans la peau) en duo avec Nassim Gordji Tehrani sur le montage. La photo de Pierre Cottereau mérite elle aussi d'être saluée, tant elle joue habilement des ambiances anxiogènes au fond des eaux, tout en créant un pur espace de cinéma aux teintes bleutées.

Et dans les moments intimes avec la magnétique Paula Beer, par petites touches qui n'embarrassent jamais le récit, le réalisateur fait là aussi preuve d'une retenue et d'une sobriété, qui témoignent de son souci de l'humain dans ces coursives et tempéraments d'acier.

 

photo, François CivilDans les bas-fonds marins

 

L'ENFER DU DEVOIR

Mais Le Chant du loup n'est pas simplement là pour le spectacle. Derrière la tension maximale et les mâchoires serrées, Antonin Baudry dresse un portrait glacial des forces en présence sur la scène internationale. Les visages et nationalités comptent moins que l'idée qu'un pays peut créer son propre ennemi et monstre, dans une escalade militaire et politique qui vire à la farce tragique.

Le scénario n'y va pas de main morte pour mettre en scène cette impasse effrayante, mais le cinéaste s'emploie à ne jamais perdre de vue ses personnages, qui restent les phares dans l'intrigue, même dans ses rares moments trop appuyés. Et autour de François Civil, Mathieu Kassovitz, Omar Sy et Reda Kateb en imposent sans effort.

C'est non pas dans une explosion, mais dans un murmure que ce chant se termine, avec une émotion très belle lorsqu'il replace sa machine sonore de héros sur un plan humain. Une réhumanisation douloureuse et un superbe point final à ce beau film d'aventure, qui donne un puissant premier signal pour le cinéma français. Ne reste plus qu'à voir si le public entendra ce Chant, et y répondra.

 

Affiche

Résumé

Sous l'océan, personne ne vous entend trembler. Premier film, premier choc pour Antonin Baudry, qui orchestre un thriller sous très haute tension, superbement mis en scène, et mené d'une main de fer. 

Autre avis Alexandre Janowiak
Le Chant du Loup n'échappe pas à quelques lacunes scénaristiques et manque de subtilité dans le déroulé de son climax. Mais pour un premier film, c'est une vraie belle réussite immersive, captivante et pleine de tension. Le sound design est exemplaire et le casting parfait (Civil !). Fort.
Autre avis Mathieu Jaborska
Une excellente surprise qui délocalise le meilleur du film de guerre sous l'eau. Avec à la clé un pur suspens qui excuse bien quelques arrangements narratifs.
Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.5)

Votre note ?

commentaires
X-or
11/01/2022 à 19:33

Le film est haletant mais gâché par Sy, Kateb et Kassovitz.

Tout sonne faux chez eux.

Ils sont catastrophiques.


J'imagine que Sy est là pour le financement, mais pour le reste.....

Flo
11/01/2022 à 14:34

Une tentative de faire un film de genre français réellement musclé... Et qui reste tout de même naturellement cérébrale et émotif, sans que ça n'annule la tension.
Ça se compose de plusieurs films en un : celui qui l'inaugure (une vingtaine de minutes) verse au fur et à mesure dans l'action étrangement rocambolesque. Mais sert surtout à bien définir le niveau d'héroïsme - au dessus de la normale - des deux Commandants, ainsi que le "trauma" culpabilisant du jeune officier sonar, lesquels vont être la colonne vertébrale de tout le récit et de ces divers embranchements.

L'ultra sensible Chanteraide plus particulièrement, qui va ensuite orienter l'histoire vers une enquête obsessionnelle, proche du genre Policier (déjà, plus français ça). Le personnage étant donc à la fois le quidam plus ou moins ordinaire auquel on va s'identifier, malgré le fait qu'il ait un don qui l'isole littéralement de tous...
Et que l'on va suivre, aussi bien quand son énergie motrice l'emmène vers des fausses pistes fatales... que lorsqu'il servira au contraire de fin limier, puis principalement boussole morale, de camarade de confiance pour sauver vraiment une situation.

Ainsi l'action, dans le genre thriller également, sera relancée vers le dernier tiers du film... mais ce sera finalement plus pour mettre en avant la tragédie, donnant in fine à tout le film une identité profonde de Drame réaliste (très français ça aussi).
Le revoir en connaissant ce paramètre en change alors tout le sens de ce qui est vu. Où comment on peut présenter des humains acculés au mauvais choix catastrophiques (ça reste le récit d'un échec), lorsque le devoir martial et protocolaire bride leur instinct et leur esprit de groupe. Et se retourne ainsi contre eux. D'autant plus quand c'est agrémenté d'une politique internationale aveuglée.
Comme une version plus jusqu'auboutiste de "USS Alabama", c'est une mécanique diabolique et implacable, où chaque pièce qui la compose a une utilité précise. Pour mieux décrire la Fatalité en marche.

Si le rôle de Paula Beer échappe quelque peu à cette équation (elle influence assez indirectement, mais à deux reprises, le parcours du héros), tous les acteurs principaux mettent en avant leur charisme et leur expérience - ou son petit manque, dans le cas de François Civil - dans des rôles taillés sur mesure d'officiers synonymes d'intelligence (Reda Kateb), de fidélité, de bravoure (Omar Sy) et d'opiniâtreté pète-sec (Matthieu Kassovitz).
Avec une efficacité technique (et bien entendu sonore) dans la mise en scène, d'une précision nette.
Mais dans un sous-marin. Avec ses codes et son verbiage particulier. Autant dire, d'un autre monde.

Felix
11/01/2022 à 08:56

Excellent, difficile de croire qu'il s'agit d'un premier film ! Beau travail sur le son et la couleur même sur un écran de télé, je ne l'ai pas vu en salle lors de sa sortie et je regrette.

As tu regarde le film ?
11/01/2022 à 08:34

@Kasso !
C’est pas Kassovitz c’est Rk
Et rassures toi vu le cv du réalisateur ; il a du se renseigner avant pour voir si c’était réaliste ….

Kasso
10/01/2022 à 23:21

La première séquence aurait pu devenir une référence si elle n'était torpillé (sans jeu de mot) par cette séquence sortie de Rambo 3 ou plutôt de Hot shots 2 avec Kassovitz qui fait irruption bazooka à l'épaule pour degommer l'hélicoptère. Et le spectateur de passer de l'hyper tension à l'éclat de rire... vraiment dommage

Mise en Beer
10/01/2022 à 22:34

Et puis il y a Paula vue dans Bad Banks !!!

Kyle Reese
10/01/2022 à 20:19

Excellent film français de genre thriller bien tendu, bien réalisé avec un casting 4 étoiles.
J'ai depuis été encore plus impressionné par François Civil dans l'excellent aussi film français de genre policier Bac Nord. Comme quoi on s'est faire de bons films de genre français avec de l'ambition. A mon avis les réals ne manquent pas pour en faire reste les producteurs et le public qui suit ou pas.

Top
10/01/2022 à 18:48

Aux grincheux sur Omar commandant de sous marin lanceur d’engins : une femme vient de prendre le commandement du porte avions nucléaire CVN 72 Lincoln et le dernier porte avions de la nouvelle classe Gérald Ford est le Doris Miller qui est le nom du matelot noir dans Pearl Harbour (celui qui tire sur les avions japonais); là diversité n’est donc pas un mythe dans ce milieu

Et ta soeur ?
28/04/2021 à 14:20

Déjà impressionné jadis par la prestation de Mathieu KASSOVITZ dans " Amen " , et dans un nouveau rôle à l'opposé du premier m et je ne entionné , ce film "un peu cocorico " ( tant mieux ) , m'a emballé . Je suis incapable d'estimer les valeurs cinématographiques de ce film , mais il m'a plu car il relate bien selon moi le quotidien des sous-mariniers ( rassurez-vous , je suis d'origine savoyarde et je ne sais pas nager ! ).
La brochette de bons acteurs est remarquable et Omar SY , en grand acteur qu'il est , endosse un superbe rôle tragique ( ça change vraiment du comique ) dans celui du capitaine de vaisseau ( c'est bien ça ? ) du Titan .
Bravo à toute l'équipe .

Pseudo1
16/04/2021 à 13:09

Je plussoie : film excellent (une de mes meilleures surprises françaises - j'avais eu l'intelligence de ne pas regarder la BA qui spoile quasiment tout le film) et surtout une expérience qu'il fallait absolument découvrir en salles.
La mise en scène est très bonne (on a du mal à croire que c'est un premier film), mais rien que le travail sur le son est proprement phénoménal !

Plus
votre commentaire