La Femme la plus assassinée du monde : critique meurtrie
Mine de rien, Netflix est en train d'asseoir son hégémonie sur le cinéma dit "traditionnel" en finançant, rachetant et diffusant des oeuvres qui n'auraient plus pu trouver le chemin des salles obscures. Avec La femme la plus assassinée du monde, c'est à un tout autre défi que le network fait face.
FROM HELL
Si l'on fait un rapide bilan des productions originales internationales de la plateforme Netflix, le constat est assez éloquent : tandis qu'en Allemagne, elle nous offre du fantastique avec la série Dark, qu'en France, nous nous tapons toujours de la comédie à deux balles, en Belgique, le pari est tout autre. Première production Belge du network, La Femme la plus assassinée du monde affiche clairement ses ambitions dès le départ pour nous proposer un spectacle très différent de ce que nous avons l'habitude de voir.
Premier film réalisé par le producteur Franck Ribière ( À l'intérieur, Balada triste entre autres), co-écrit (entre autres) avec sa partenaire Vérane Frédiani, La femme... nous plonge dans le Paris de 1932, aux dernières heures du Grand Guignol, théâtre populaire volontairement choquant, étalage de gore et de sévices qui révulsent les bien-pensants. C'est dans ce théâtre de l'impasse Chaptal que la comédienne Paula Maxa, qui a réellement existé, se fait "tuer" tous les soirs sur scène alors même qu'un meurtrier sévit à la Butte Montmartre. Un journaliste de faits divers, Jean Charpentier, va accoster l'actrice pour en savoir plus et découvrir cet univers qui, du moins le pense-t-il, pourrait la mettre en danger.
La plus grande force du film, c'est son ambiance lourde et poisseuse toute autant qu'envoûtante. A la croisée des genres, entre film historique français et film fantastique dans l'Angleterre Victorienne, on y verrait sans mal évoluer sur ses pavés Jack l'Eventreur. D'ailleurs, l'ouverture du film peut se voir comme un grand hommage au mystérieux personnage, le tout magnifié par le travail du directeur de la photographie Laurent Barès qui, une fois de plus, compose de superbes tableaux vivants.
Un univers baroque et mystérieux
GOTHIQUE FLAMBOYANT
L'autre grande force, c'est bien entendu Anna Mouglalis. Avec sa voix grave et envoûtante, elle interprète tout en subtilité et sensualité un personnage détruit, brisé, rongé par la culpabilité qui se conçoit en véritable martyr pour elle, son public et les gens qui partagent sa vie. Un sacré numéro de comédienne, qui marque durablement et qui constitue l'un des tous meilleurs rôles de Mouglalis. Face à elle, Niels Schneider, dans le rôle du journaliste, convainc également sans trop de difficultés. Doux et charmeur, il dévoile progressivement une face plus sombre totalement en phase avec l'histoire et le personnage et, s'il est un peu plus en retrait que sa partenaire, il ne lui fait clairement pas défaut. Leurs scènes ensemble s'en révèlent d'autant plus touchantes. Citons également le grand Michel Fau en directeur de théâtre, et Jean-Michel Balthazar dans le rôle de Paul l'accessoiriste, deux personnages bien ambigüs et torturés comme on les aime et qui s'avèrent excellement écrits et interprétés.
LA PASSION DE PAULA
Pourtant, au-delà de toutes ces qualités déjà très importantes, La Femme... nous réserve encore une grosse surprise. En effet, le film s'avère réellement passionnant dans son fond, dans ce qu'il raconte, du théâtre, du cinéma, de la société et de nous. Le parallèle entre l'histoire et notre époque saute aux yeux immédiatement. Comme dans le film, nous sommes en présence d'une montée du politiquement correct qui préfère la censure à la discussion et qui trouve son origine dans quelque culte religieux mal interprétés. Comme dans le film, nous avons l'impression qu'un média dominant périclite face à un nouveau support (et le fait que le film soit diffusé sur Netflix le nimbe encore plus d'une savoureuse ironie). Comme dans le film, notre rapport à la violence, au sang et à la mort n'a jamais autant été utilisé dans le divertissement, transformant ce rapport déjà bien trouble et complexe en réelle fascination morbide que quelques producteurs peu scrupuleux détournent et encouragent à leur seul bénéfice.
Une rencontre qui va tout changer
La Femme.. se révèle donc un film très intelligent, profond et qui parle réellement de cette époque charnière que nous avons l'impression de vivre actuellement. Si l'on pourra lui reprocher quelques facilités de scénario, notamment concernant l'enquête de Charpentier, le coeur du film n'est pas clairement pas là et c'est dans ce portrait analytique au vitriol qu'il trouve tout son sens. Franck Ribière peut être fier de son premier essai, c'est un parcours quasi sans-fautes. Et l'envie nous prend de conseiller tous les producteurs de France qui souhaitent faire un cinéma différent de bien regarder et d'étudier ce film. Nous avons là, la preuve que c'est désormais possible, que le résultat final peut-être une réussite à partir du moment où l'on a un minimum confiance en son projet et que, malgré ce qui se dit, Netflix est peut-être notre plus grand allié actuellement.
Lecteurs
(0.0)25/09/2018 à 08:34
A-t-on vu le même film ? Moi, j'ai vu une horrible purge : mal joué, mal écrit (le film s'est écrit au fur et à mesure ?) et réalisé comme un téléfilm du dimanche après-midi.
15/09/2018 à 20:11
ce film est un vrai bijou, j'ai adoré!
10/09/2018 à 10:06
Une critique qui a déclenché chez moi une vraie envie de voir ce film. Ce qui n'arrive pas souvent (ce n'est pas ce que je cherche dans une critique)
09/09/2018 à 21:09
@Franck Ribière :
Merci pour votre retour, ce n'est pas tous les jours qu'un réalisateur vient parler de son film sous une critique à visage découvert.
Concernant les inquiétudes de Laurent Barès, je comprends parfaitement, l'erreur a été corrigée et j'espère qu'elle ne portera pas atteinte à la critique positive qui la contenait. Concernant la photo de Paula Maxa... Décidément, c'est pas mon jour.
09/09/2018 à 21:02
et oui ce n'est pas la photo de la vraie Maxa.
09/09/2018 à 21:01
merci pour votre belle critique. je rejoins les inquiétudes de Laurent sur les conditions de vision du film mais je trouve votre approche positive et tout à fait cohérente de mon film. j ene dis pas qu ec'est le film du siècle mais il représente mon expérience du film de genre. c'est un elettre d'amour à ce genre de cinéma. ni plus ni moins.
09/09/2018 à 20:00
@LB :
Cher Laurent Barès, comme promis tout à l'heure sur les réseaux sociaux, le passage erroné a été changé. C'était effectivement une erreur de ma part due en effet à un matériel un peu à la ramasse. Après plusieurs tests sur plusieurs écrans de plusieurs utilisateurs, il n'y a aucun problème d'étalonnage.
09/09/2018 à 19:18
Christophe Foltzer devrait s’acheter un écran correct. Son analyse technique relève de l’ignorance la plus obscure. Comment un journal comme Ecran Large peut-il se contenter de pigistes aussi peu professionnels?
09/09/2018 à 18:19
Sans vouloir titiller, votre photo de la « véritable Maxa » n’en est pas une.
09/09/2018 à 14:49
Est-ce qu'ECRAN LARGE pense à offrir de bons écran à ses rédacteurs? C'est pas sympa de les afficher de la sorte tout de même!