Box Office Américain du 30 septembre au 2 octobre 2005

Commentaire de... Luc Jacquet (La marche de l'empereur)

Sorti depuis la semaine dernière du Top 10, March of the penguins (La marche de l'empereur) n'en reste pas moins le succès surprise de l'été en Amérique du nord avec des recettes atteignant 74,5 millions de dollars. Entretien par téléphone avec son réalisateur, Luc Jacquet.

Vous avez suivi de près le doublage américain de La marche de l'empereur ?
Je n'ai pas dirigé Morgan Freeman mais il ne pouvait pas mieux tomber, c'est un rêve de le voir associé à cette aventure. Il a accepté la faveur demandée par Warner Independent et a pris les choses à cœur, il s'est vraiment investi. C'est un acteur capable de dire si une prise est bonne ou non donc ma présence n'était pas nécessaire. J'étais en promo à l'époque au Japon et il m'était impossible d'être aux États-Unis en même temps mais croyez bien que je le regrette, j'aurais adoré vivre une telle expérience.

Vous avez préparé la sortie américaine ?
Oui, j'y suis allé quinze jours avant. Je n'ai pas vu le phénomène s'installer mais j'ai vu un distributeur qui déployait beaucoup d'énergie, il croyait totalement au potentiel du film. Il y a une culture de travail différente. Leur stratégie a été très intelligente, ils ont installé le film en catimini. Après, ils n'ont pas le contrôle sur la réaction du public et celle-ci a été très favorable. L'effet boule de neige a été considérable, je n'ai rien vu arriver et honnêtement, je ne crois pas, malgré leur optimiste, que les cadres de Warner Independant imaginaient une ampleur aussi incroyable. Leur objectif était de faire autant que Le peuple migrateur. (11,7 millions de dollars au box-office US, Ndlr.)

La marche de l'empereur a rapporté plus de 73 millions de dollars jusqu'à présent sur le sol américain, vous allez toucher un pactole ?
Ce sont mes producteurs les premiers intéressés mais je ne sais pas exactement combien on va toucher, je dois avouer que c'est un aspect du métier qui m'échappe complètement, je ne maîtrise pas ce domaine. J'ai la chance d'avoir une confiance absolue en mon producteur, je sais bien que j'aurai une part de ce qui rentrera dans leurs caisses mais il faut être très clair car plein de gens imaginent qu'on va toucher 70 millions de dollars demain matin ! Je me permets d'insister là-dessus car je ne veux pas de confusion : ne pas confondre recettes et bénéfices. Warner Indépendant récupère de l'argent, les exploitants de salles aussi, etc…

Commencez-vous à recevoir des propositions d'Hollywood ?
Un peu mais je ne me suis pas immiscé plus que ça dans le marché non plus. J'ai dit clairement que je retravaillerai avec les mêmes partenaires que sur La Marche de l'empereur, en l'occurrence la boîte de production Bonne pioche, et les divers distributeurs internationaux. Cette aventure a été extrêmement valorisante sur le plan humain, des personnes m'ont fait confiance dès le départ et je ne veux en aucun cas leur tourner le dos maintenant.

Vous avez un agent américain ?
Non, mais cela devrait se faire très rapidement.

Warner Indépendant pense aux Oscars ?
Oui, bien sûr. Très sincèrement, et je ne veux pas avoir l'air de cracher dans la soupe, ce n'est pas mon rêve d'avoir un Oscar. Je suis un invité dans le monde du cinéma, pour moi, la plus belle récompense, c'est le succès public. Nous sommes montés déjà tellement haut à ce niveau-là que j'ai eu 10 000 fois l'occasion d'être heureux. Mon tempérament se prête un peu moins au jeu des honneurs et des récompenses. Encore une fois, je ne veux pas paraître snob mais c'est déjà tellement éloigné de ce que je pouvais imaginer que c'est une réalité peut-être un peu difficile pour moi à appréhender.

Quelle est la carrière de La marche de l'empereur dans les autres pays ?
Il a très bien marché au Japon, son succès y est comparable à celui qu'il a connu en France. En Chine, toutes proportions gardées, il se passe quelque chose d'extraordinaire. Il y a très peu de salles de cinéma et nous sommes déjà à plus de 400 000 entrées, c'est complètement inespéré. On trouve des copies pirates dans toutes les grandes villes chinoises ! Les médias parlent moins du phénomène chinois qu'américain, pourtant il se trouve dans la même catégorie.

Pourquoi un tel triomphe en Chine et aux États-unis, et « seulement » une très belle carrière en France, à votre avis ? (Nous sommes bien conscients que de nombreux films français rêvent de réunir 1 835 000 spectateurs.)
La différence entre un gros succès et une déferlante ne s'explique pas. C'est la magie du cinéma et par bonheur nous en sommes les heureux bénéficiaires.

Je me demandais si à l'approche des fêtes de Noël, les magasins de jouets aux États-unis seraient envahis par des pingouins…
On verra… Le DVD sort là-bas le 29 novembre, Warner s'en occupe. J'ai tant de choses à faire au niveau de la promotion mondiale du film en salles que je ne peux m'occuper du reste.

Vous avez eu le temps d'aller au cinéma récemment ?
Non ! J'ai été très ému par Million dollar baby, j'y suis allé pour Morgan Freeman et ne l'ai pas du tout regretté. Dans un autre style, je suis bien rentré dans l'univers de Sin city.

Vous travaillez sur un projet ?
Mon prochain film sera un docu-fiction. J'en ai un peu parlé mais maintenant que je retourne - tant bien que mal à cause du peu de temps libre dont je dispose - à l'écriture de ce projet, je n'ai pas envie de trop en dire, par superstition.

Propos recueillis par Didier Verdurand.

Source : Box-Office Mojo

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Pour en savoir plus sur le phénomène américain de La marche de l'empereur, l'hebdomadaire Le Film Français y consacre un gros dossier dans son dernier numéro, en vente chez les bons marchands de journeaux.