Box Office Américain du 7 au 9 octobre 2005

Commentaire de... Louis Leterrier (Le Transporteur 2)

Derrière La marche de l'empereur et Le cinquième élément, la production française à avoir le mieux marché aux States n'est autre que Le Transporteur 2, fier de ses 42 millions de dollars de recettes. Une bonne occasion pour inviter son réalisateur Louis Leterrier à dire son mot dans notre rubrique box-office !

Comment tu juges la carrière américaine de Danny the dog, qui a rapporté 24,5 millions de dollars ?
Pas mal… Je suis un peu déçu de sa carrière en salles parce que je pensais qu'il avait un peu plus de jambes. J'espérais que le public américain – et français aussi – était prêt à accueillir un autre type de film d'action mais j'ai l'impression qu'en réalité, ce public préfère les formules qui ont fait leurs preuves et n'est pas chaud pour se déplacer si c'est différent. La vidéo, c'est une autre histoire… C'est marrant, j'ai rencontré des patrons de studios récemment, car les portes s'ouvrent plus facilement, et ils me disent tous en baissant le volume de leur voix : « Vous savez, on a préféré Danny the dog au Transporteur 2 ! » mais la politique du fric règne…

Tu as fait autant de promo pour les deux ?
J'en ai fait plus pour Danny, surtout avec la presse internet, ciblée et intelligente. J'ai fait des junkets pour Le Transporteur 2, tu enchaînes les interviews de 7 minutes et ce n'est pas un exercice passionnant…

Qu'as-tu pensé des critiques dans l'ensemble ?
Les critiques américains ont plus apprécié le second degré que les français. De toute manière, en France, tu sors un film produit par Besson, tu perds déjà deux étoiles et après ils s'intéressent au contenu ! Aux États-unis, Luc a toujours cette image d'artiste européen très original donc là, c'est positif. Le Transporteur 2 est un film pop-corn par excellence, on voulait attirer les familles le samedi soir et j'ai même été surpris de l'accueil de grands critiques qui ont été favorables à notre démarche.

Le cas Besson est en effet très particulier chez nous…
C'est vraiment dur et cela me touche directement, je vais très longtemps être considéré comme le poulain de Besson, point barre. Et pourtant, je t'en ai déjà parlé (lors de notre premier entretien, Ndlr.), Besson laisse beaucoup de liberté à ses réalisateurs, largement plus que dans une major américaine, alors qu'EuropaCorp peut être considéré comme un grand studio. Avec des films de commande, certes, mais le metteur en scène a son mot à dire ! Des critiques ne vont pas même pas voir les productions Besson à cause de préjugés. Je n'en parle pas à Luc mais j'imagine qu'il s'en rend compte et que ça doit être difficile pour lui.

Le Transporteur 2 est un film français ou américain ?
Il est tout sauf un film français. Je pense que l'endroit où tu tournes et ton état d'esprit sont plus révélateurs que la nationalité du réalisateur ou des comédiens. J'ai voulu faire un film à l'américaine avec de grosses ficelles, la blague où il faut, un rythme constant pour abreuver le spectateur…

Tu disais être désormais plus en contact avec les majors, alors as-tu des propositions intéressantes ?
Pas pour l'instant mais c'est le bon moment pour me positionner. J'aimerai surtout travailler avec des acteurs américains, que ce soit là-bas ou ailleurs, peu importe. Des types comme Edward Norton, Nicolas Cage… Il y en a tellement ! Mon prochain film sera sans Besson. Les Transporteurs ne sont pas des films que j'irais voir au cinéma naturellement. J'ai envie de faire des films plus personnels, même si je n'écris pas le scénario – je suis nul en écriture – car je sais lire, je peux déceler les trous.

Tu es crédité comme producteur associé sur Le Transporteur 2, comment cela se traduit concrètement ?
Au début je ne voulais pas le mettre en scène car je pensais que ça pouvait lancer un jeune réalisateur comme le premier l'avait fait avec moi mais je voulais aussi donner mon avis. Le crédit de producteur associé est celui qu'on donne à l'ami qui vient un jour sur le plateau et qui dit que tel personnage devrait s'appeler Jim et pas John ! (Rire.) Le budget étant serré, ça s'est négocié en % sur les bénéfices mais si tu veux te faire beaucoup d'argent, il faut être producteur tout court.

Le box-office de la semaine ?
Succès attendu et mérité du dernier film de la Aardman. Après l'énorme carton de Chicken Run (106,8 millions de dollars), l'Amérique découvre (ou redécouvre) Wallace et Gromit et leur humour très anglais. Moins terre-à-terre que le remake de La Grande évasion à la sauce poulet, les adultes risquent de manquer un peu de poésie pour tout comprendre alors que les enfants vont se régaler. Une semaine après la sortie des Noces funèbres, les USA se prennent une nouvelle giclée de pâte-à-modeler sur les écrans, de quoi réveiller Ray Harryhausen de son éternel sommeil et le voir sortir de terre comme ses squelettes belliqueux de Jason et les argonautes !

Le scénario de Flightplan m'est passé entre les mains, il devait se faire à l'origine peu de temps après le 11 septembre et a été repoussé parce qu'il s'agissait d'un détournement d'avion classique. Pour éviter de réveiller des traumatismes, ils ont rajouté du Sixième sens, du Phone game… On sent le scénario de scénaristes ! Serenity, je n'ai aucune envie de le voir… History of violence, j'ai aussi lu le scénario, je pense que c'est un bon film… (Hors-classement ce week-end.) Just like heaven - Et si c'était vrai ?, je déteste ce genre de film… C'est la même boîte que pour Le Transporteur 2 qui a fait les effets visuels. (Soupir.)

Déçu par leur boulot ?
Oui mais on est en train de les refaire pour le DVD. Je trouvais que c'était se foutre de la gueule du monde de sortir un film avec des effets aussi mauvais, au point de dire que je ne voulais pas mon nom sur l'affiche ! EuropaCorp m'a dit que j'étais trop perfectionniste et je n'ai pas réussi à les convaincre de les changer. Après, les critiques ont confirmé mon jugement et EuropaCorp a bien voulu revenir sur leur décision. C'est déjà arrivé, sur Spy kids notamment.

Il y aura une version plus longue ?
La Fox, Luc et Jason Statham voulaient un film d'action méchant classé R donc je l'ai tourné dans cette optique. Au final, j'ai dû refaire un montage quelques jours avant la sortie pour qu'il soit plus grand public et classé PG-13… Notre première place au box-office n'est pas étrangère à ce revirement donc quelque part ils ont eu raison et ça laisse le champ libre à un Transporteur 3.

Avec ou sans toi ?
Sans moi. Je veux changer de genre.

Propos recueillis par Didier Verdurand.
Le Transporteur 2 comptabilise 1 218 462 entrées en 9 semaines d'exploitation en France.

Source : Box-Office Mojo

Retrouvez le dernier box-office français et une interview de James Huth (Brice de Nice) en cliquant ici.