Test : Duel

Laurent Pécha | 1 octobre 2006
Laurent Pécha | 1 octobre 2006

Destiné à n'être qu'un téléfilm américain, Duel devint, grâce à la virtuosité de sa mise en scène, le premier film (du moins en Europe) de Steven Spielberg à connaître les honneurs d'une sortie en salles. Sur un scénario qu'on pourrait qualifier trivialement de simpliste (une petite voiture rouge est la proie d'un gros camion tout droit sorti de l'enfer), le jeune cinéaste, tout juste âgé de 25 ans, impose l'aisance visuelle qu'on allait retrouver au fil de ses oeuvres futures.


Par la « simple » faculté de transcender l'écrit en images instantanément stressantes et de plus en plus angoissantes (le calvaire de David Mann, le nom est tout sauf un hasard, devient le nôtre), Spielberg signe un concentré de suspense. Innovant sans cesse au niveau des cadrages (chaque séquence de poursuite entre la voiture et le camion regorge de plans démentiels), tout en proposant un montage qui confine au génie, le réalisateur imprime un rythme implacable, faisant basculer une histoire totalement insolite en cauchemar éveillé des plus traumatisants. Au même titre que Les Dents de la mer, Duel est l'une des plus extraordinaires leçons de cinéma, démontrant avec une maestria fulgurante la toute puissance du réalisateur.

 

Malheureusement, l'édition que nous propose Universal est encore moins satisfaisante que son homologue américaine. Si le zone 1, qui fut repoussé de plus d'un an pour des raisons mystérieuses, souffre d'un oubli rédhibitoire, à savoir l'absence du gémissement de dinosaure lorsque le camion tombe dans le ravin sur les pistes remixées en DD et DTS 5.1, le zone 2 ne fait malheureusement pas mieux. Et même pire. En effet, alors que le disque américain propose la VO mono d'origine (et son rendement supérieur aux pistes 5.1) où l'effet sonore est bien présent, le DVD français n'a pas ce luxe. Et pour cause, aucune piste d'origine n'est présente, nous laissant seulement les remixages. C'est d'autant plus rageant qu'à l'instar de la VO mono, la VF d'époque offrait bien l'occasion d'entendre le cri. Si on insiste ainsi sur cette déconvenue, c'est aussi et surtout parce que, comme le souligne lui-même Spielberg dans l'un des trois documentaires proposés sur cette édition, le réalisateur a un lien affectif particulier avec cet effet sonore, qu'il reprit d'ailleurs sur Les Dents de la mer pour rendre hommage au film qui lança sa carrière. Les amateurs de bandes-son 5.1 auront beau apprécier la relative efficacité des remixages 5.1 (la VF DTS offrant une dynamique plus accentuée), rien ne pourra atténuer à nos yeux cette erreur technique, d'autant qu'au lieu de mettre une commerciale piste DTS, l'éditeur aurait pu (dû) proposer les deux pistes mono d'origine.

   
 Le moment où le cri doit s'entendre  Le même cri sur Les Dents de la mer

 

C'est d'autant plus rageant que le reste du DVD est des plus satisfaisants. À commencer par une image magnifiquement restaurée. Présenté dans son format d'origine 1.33 (exception des minutes inaugurales jusqu'à la fin du générique, disponible dans un format plus resserré), Duel ne fait incontestablement pas son âge (33 ans). Les couleurs sont vives, la définition pointue (les gros plans sur le visage angoissé de Dennis Weaver sont magnifiques de précision) et la compression presque invisible.

 

Concocté par le « biographe DVD » attitré de Spielberg, Laurent Bouzereau, les bonus de Duel réussissent parfaitement à faire oublier l'absence de commentaire audio (Spielberg n'en est pas friand) et d'images du tournage (normal pour une production TV datant de 1971) par la précision des souvenirs des intervenants. Que ce soit Spielberg dans le documentaire le plus conséquent (Conversation avec le réalisateur, 35min 45s), ou bien Richard Matheson, l'auteur du scénario (L'Écriture de Duel, 9min 26s), les informations glanées s'avèrent précieuses et permettent de cerner intelligemment la genèse du film. Parmi les anecdotes les plus marquantes, on retient de cette Conversation avec le réalisateur la découverte du projet (qualifié par Spielberg de « psychose sur roues »), la volonté du réalisateur de tourner uniquement en extérieur, le casting du camion et son maquillage quotidien (si,si), les délais de tournage ultra serrés (seulement quinze jours pour un tel chef-d'oeuvre : inimaginable !), les astuces techniques pour multiplier les plans... Bref, un documentaire de bout en bout passionnant.


Un cran en-dessous, mais tout de même très pertinent, L'Écriture de Duel permet notamment de découvrir que Matheson s'est inspiré de sa propre expérience pour écrire sa nouvelle. L'auteur revient également sur l'extrême fidélité entre ce qu'il a écrit et ce que Spielberg a filmé, tout en pointant du doigt les (excellents) apports du cinéaste.


Ultime documentaire de ce DVD, Steven Spielberg et le petit écran (9min 30s) permet de faire un tour rapide mais concis des débuts difficiles à la télévision du réalisateur (un vrai parcours du combattant), et de se rendre compte à quel point, déjà, il se démarquait de ses collègues.


Derniers suppléments proposés sur cette édition, la article-details_c-trailers de Duel et son image déplorable (VOST, 1min 2s), et une galerie de photos et affiches (huit clichés, la plupart en noir & blanc, et sept posters issus de divers pays).

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