Top Science-fiction n°24 : Matrix

Thomas Messias | 18 novembre 2009
Thomas Messias | 18 novembre 2009

Pour lancer le compte à rebours avant l'évènement Avatar qui sortira sur nos écrans le 16 décembre prochain, la rédaction d'Ecran Large a remis le bleu de chauffe et a recommencé à se plonger dans une classement impossible. Après vous avoir proposé notre classement des 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma, nous avons opté pour l'univers de la science-fiction et ainsi d'élire ce qui sont pour nous les 31 meilleurs films du genre. La règle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste ne s'applique pas ici (c'était au dessus de nos forces pour certains réalisateurs). La seule règle que l'on a décidé d'appliquer (et qui sera critiquable comme beaucoup de règles) : un film qui était déjà dans notre classement de l'horreur ne pouvait pas réapparaître dans ce nouveau classement.  14 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 70 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'au 16 décembre 2009 qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma de science-fiction.  Et en guest star pour commenter nos choix, on retrouve Vincenzo Natali, le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing et du très attendu Splice, étant un parfait ambassadeur du futur de la science-fiction au cinéma.

 

24 - Matrix (1999) de Larry & Andy Wachowski


Vincenzo Natali : Je suis certain que ce film aurait été beaucoup plus haut dans le classement s'il n'y avait pas eu ses suites décevantes. Si on les met de côté, il est important de se souvenir que Matrix est un film merveilleusement construit et innovant. Même s'il doit beaucoup au travail de William Gibson (et d'autres), c'est le premier film (et peut-être le dernier) qui a réussi à rendre crédible une histoire de réalité virtuelle au cinéma. Et les aspects philosophiques et mythologiques sont essentiels. C'est du cinéma audacieux et visionnaire.

Stéphane Argentin :

Plus qu’une révolution en matière d’effets spéciaux, Matrix est avant tout une brillante réflexion sur la liberté illusoire de l’homme au sein de la société.

Patrick Antona :

Habile revival du thème de la lutte homme-machine, le film garde toujours son impact grâce au dynamisme de sa mise en scène et de ses scènes d’action, inspirées par l’école HK, plutôt que par ses ambitions philosophiques. 

Florent Kretz :

Matrix, en tant qu’oeuvre indépendante, est aussi révolutionnaire (dans sa forme) que magistralement classique (dans les thèmes explorés). En tant que premier volet d’une trilogie, il est l’ouverture de l’un des plus beaux gâchis de l’histoire du cinéma ! 

 

 

 

 

 

Ce fut la surprise de l'année 1999. On avait certes un peu entendu parler du tournage de Matrix et de son scénario échevelé, mais rien ne semblait indiquer l'envergure du projet mené par les frères Wachowski - qui, à l'époque, étaient encore deux hommes. Difficile d'imaginer que les auteurs de Bound, intéressant polar lesbien au demeurant, allaient tirer de leur chapeau un univers en partie inédit, truffé d'innovations visuelles et de très grands moments de cinéma.

 

 


 

 

Tout part en fait d'une rencontre presque anodine : engagés pour écrire Assassins, que réalisera Richard Donner,  les Wachowski sont amenés à s'entretenir régulièrement avec le producteur Joel Silver. Ayant longtemps écrit des comics à quatre mains, et désireux depuis toujours de réaliser au moins un film de science-fiction, ils profitent de l'après Assassins pour peaufiner le script de Matrix et le soumettre, innocemment, à Silver. Sortant d'une série d'échecs cuisants, celui-ci y porte une attention toute particulière mais hésite tout de même à se lancer dans un projet aussi ambitieux aux côtés de deux types n'ayant pas encore prouvé grand chose. Par chance, les Wacho viennent de signer un contrat de 3 films avec la Warner Bros, gage de confiance et de qualité pour les partenaires éventuels. Un contrat moral est alors passé avec eux : s'ils s'engagent à tourner un premier film plus modeste et si le résultat donne satisfaction, les frangins pourront alors s'atteler eux-mêmes au projet Matrix. D'où ce Bound sulfureux et rondement mené, dont la sortie fin 1996 ne passe pas tout à fait inaperçue.

 

 


 

 

Un gros succès à Deauville et une critique plutôt positive poussent alors la Warner à signe un gros chèque d'environ 65 millions de dollars. La machine Matrix est lancée,  et si tout cela s'effectue discrètement, les Wachowski savent quelle est l'ampleur de l'entreprise. Contrairement à ce qui s'est dit au moment de la sortie de ses discutables suites, le film a toujours été conçu comme le premier volet d'une trilogie extrêmement ambitieuse et - sur le papier - cohérente. Avec une condition évidente : l'existence des deuxième et troisième volet dépend intégralement du succès du premier.

 

 


 

 

Les frères Wachowski ont bataillé pour trouver l'interprète de leur héros, Thomas 'Neo' Anderson, un informaticien spécialiste du piratage à qui des pirates finissent par démontrer que le monde n'est qu'une réalité virtuelle. Will Smith, leur premier choix, préfère intégrer les Men in black. Brad Pitt choisit Pakula et Ennemis rapprochés, Leo DiCaprio embarque sur le Titanic... Raisons de ce défilement général ? Les conditions posées par les réalisateurs, qui souhaitent imposer à leur interprète un entaînement intensif de 4 mois afin que celui-ci exécute lui-même toutes ses cascades. Le seul à accepter est Keanu Reeves, qui depuis Speed a bien du mal à rebondir, et souhaite regagner un peu de popularité par tous les moyens. Pour le rôle de Morpheus, Laurence Fishburne est choisi après le refus de Val Kilmer, parti tourner Le Saint. Carrie-Anne Moss est sélectionnée sur casting pour le rôle de Trinity, Joe Pantoliano est un choix logique du fait de sa présence dans Bound ; quant à Hugo Weaving, le rôle de l'agent Smith semble avoir été écrit pour lui, les frères Wachowski ayant adoré sa prestation dans Priscilla, folle du désert.

 

 


 

 

Le tournage du film est assez compliqué, avec de nombreuses scènes d'envergure à mettre en place. Les Wacho souhaitent notamment pouvoir filmer une action ultra-ralentie (600 images par seconde), en tournant autour de personnages flottant dans les airs.Le technicien John Gaeta peaufine alors la fameuse technique du bullet time,maintes fois employée depuis, et déjà expérimentée dans quelques films auparavant (dont une publicité réalisée par Michel Gondry). Le procédé consiste à faire parcourir à la caméra un trajet de 30 mètres en 3 dixièmes de seconde, et enregistrer ainsi 25 fois plus d'images que la normale.

 

 


 

 

Autre inquiétude : le traitement réservé aux acteurs principaux par Yuen Woo-ping, coordinateur des combats choisi par Silver pour son immense expérience dans le domaine des arts martiaux au cinéma. Ce vieux briscard de la tatanne mène la vie dure aux comédiens, les contraignant à répéter les mêmes gestes encore et encore jusqu'à épuisement total. Principale victime desa rigueur et de son jusqu'auboutisme : Hugo Weaving, qui termina plusieurs fois à l'hôpital suite à des mauvais coups et à des crises de fatigue.

 

 

 

 

Le résultat en valait la peine : Matrix connaît un succès gigantesque à travers le monde, récoltant près de 500 millions de dollars dont 172 rien qu'aux États-Unis. Une fois n'est pas coutume : voilà un blockbuster qui réunit critique et grand public, les degrés de lecture étant multiples. L'aspect philosophique et métaphysique de l'entreprise - pour faire simple, nous ne serions que des pantins pixelisés, dirigés par un grand ordinateur - a beau être l'un des atouts de cette super-production, le film procure également un plaisir bien plus primaire par son déferlement d'effets visuels ébouriffants et de scènes d'action innovantes. Sur le plan visuel comme sur les thématiques abordées, Matrix est à l'époque (putain, dix ans) considéré comme l'ultime innovation, la nouvelle révolution SF que tout le monde attendait depuis Blade runner. Opinion hélas tempérée par les deux suites sorties quelques années plus tard, Matrix reloaded et Matrix revolutions. Pourvues d'un budget proprement démentiel (la principale scène d'action de Reloaded aurait coûté plus cher que l'intégralité du premier film), elles déçoivent cependant par un étonnant manque d'enjeux doublé d'une philosophie de bazar. La surenchère dans l'action et les scènes incompréhensibles en a fait rire plus d'un, transformant un premier film incontournable en trilogie bancale et presque anecdotique. Même l'excellent Animatrix, compilation de films d'animation tournant autour de la fameuse Matrice, n'y changera rien : à trop vouloir en faire, les frères Wachowski n'ont finalement posé qu'un pied au panthéon du cinéma de SF. Ce qui n'est déjà pas si mal.

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