House of Cards saison 4 : pourquoi la série doit vite se conclure

Geoffrey Crété | 8 mars 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 8 mars 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La saison 3 de House of Cards a divisé. Pour certains, elle a rattrapé une deuxième saison profondément bancale, incapable de rééquilibrer les forces suite à la mort spectaculaire d'un personnage de premier plan. Pour d'autres, elle a au contraire été trop feuilletonesque, trop absorbée par ses intrigues politiques pour passionner. De quel côté se situe la saison 4 ? Bilan, avec SPOILERS.

 

 

LA GUERRE A L'INTERIEUR

La saison 4 a donc repris où la saison 3 s'était terminée : la guerre interne des Underwood, initiée par une Claire désormais lassée de servir les ambitions de son mari. La première partie de cette quatrième année est donc aspirée par l'ambition dévorante de la First Lady, prête à tout pour affirmer sa force et son intelligence, en partie héritées de Frank. Son ambition : se payer une carrière politique, avec une place au sénat ou un poste de vice-présidente.

Après avoir passé trois saisons à vaincre l'adversité sous la bienveillance des scénaristes complices, parfois grâce à des ficelles et coups de théâtre grandiloquents, Frank trouve donc enfin un ennemi à sa taille : l'ennemi intime qu'il a forgé. La balance se renverse, et orchestre une formidable bataille qui semble susceptible de faire vaciller le "héros". Dans ces épisodes, House of Cards retrouve une force et une violence fascinantes, et modifie l'approche du spectateur : et s'il devait finalement choisir son camp, lui aussi, entre les époux Underwood ?

Trop occupé par sa guerre contre le monde, Frank en aurait oublié le principal : l'arme de destruction massive qui partage sa vie, son intimité, ses crimes. En plus d'offrir un spectacle irrésistible, cet élan dramatique ouvre de nouvelles perspectives sur les deux personnages, à nouveaux servis par les interprétations raffinées de Robin Wright et Kevin SpaceyEt si Neve Campbell, l'un des nouveaux visages de la saison, ne se révèle pas aussi importante et active que prévue, force est de constater que la série maîtrise parfaitement les différentes forces en présence, donnant à chacun une belle partition à assurer.

 

house of cards S4

 

LA GUERRE A L'EXTERIEUR 

Mais toucher à l'union sacrée des monstres de Washington revient à jouer avec les codes nucléaires. Dans ces premiers épisodes, la série se révèle particulièrement riche et haletante, et renouvelle brillamment les enjeux tout en offrant à Ellen Burstyn un solide (et court) second rôle. Mais très vite, alors que l'ambition de Claire évolue (elle impose l'idée folle de se présenter comme la vice-présidente pour les élections, aux côtés de son mari) et menace de détruire la carrière de Frank, la saison semble avancer vers un cataclysme dont personne ne sortirait indemne. 

House of Cards sort donc un joker : une tentative d'assassinat qui laisse Frank Underwood gravement blessé. Dans l'épisode 5, Claire se retrouve donc au chevet de son mari, et prend instinctivement sa place dans les couloirs de la Maison Blanche. Manipulatrice hors pair, qui utilise la faiblesse des autres (le vice-président qui hérite d'une crise avec la Russie) et se joue de ses alliés pour servir ses intérêts, elle met en marche sa propre guerre. Par loyauté et opportunisme, elle réalise qu'elle ne sera jamais aussi puissante qu'aux côtés de Frank. Le duo se reforme alors naturellement, et sans réelle surprise puisqu'il est le coeur du spectacle.

Un épisode qui stoppe brutalement le chaos pour reprendre le contrôle de l'intrigue, qui rentre vite dans les clous : les Underwood seront unis, ou ne seront plus. Le couple présidentiel repart donc en guerre, cette fois-ci contre un ennemi commun : William Conway, candidat républicain très populaire (incarné par Joel Kinnaman, vu dans The Killing et le remake de RoboCop). Exit Heather Dunbar, étonnamment éjectée de la course à cause de son intégrité et sa naïveté. Frank retrouve un adversaire classique avec ce loup cynique impitoyable, habité par la même soif de pouvoir et porté par une carrure d'Américain parfait.

 

house of cards S4

 

LA GUERRE A TOUT PRIX

Cette quatrième saison confirme que House of Cards est un bulldozer d'efficacité. Parfaitement huilée, la série a trouvé un équilibre globalement irréprochable, demeure palpitante sans abuser des twists, et consomme vite ses antagonistes par peur de les user.

En contre-partie, la série semble lancée sur une route trop cadrée, avec le risque de plus en plus évident que la chose se transforme en simple formule. Voir Frank Underwood menacer comme un psychopathe à peine masqué Catherine Durant (excellente Jayne Atkinson) n'a ainsi plus le même impact. Pire : la scène semble trop simple, trop facile, alors que la secrétaire d'Etat était une fantastique adversaire, particulièrement dangereuse.

Stylistiquement, House of Cards a encore de quoi satisfaire les fans. Une séquence de rêve érotico-flippante (belles apparitions de Kate Mara et Corey Stoll) ou un robinet d'où s'écoule du sang pimentent le cahier des charges Fincherien. Le mystère des premières saisons a laissé place à une machinerie plus limpide, avec notamment une musique qui prend moins de place, là où elle était régulièrement au coeur de belles scènes noires par le passé.

 

house of cards S4

 

LA GUERRE A FINIR

Mais surtout, la série semble avancer vers un mur construit pierre par pierre par les Underwood. Ce n'est pas anodin si les fantômes de Zoe Barnes et Peter Russo viennent étouffer Frank dans ses hallucinations : la saison 4 de House of Cards semble clairement annoncer la fin d'un cycle, et d'un règne. L'heure est venue pour les spectres de s'immiscer dans la réalité pour emporter avec eux les Underwood dans les abîmes. 

Dans le dernier épisode, le journaliste Tom Hammerschmidt révèle au public les méfaits du président Underwood, avec l'aide de Jackie Sharp et quelques autres victimes du couple. Comme des animaux sauvages piégés, Frank et Claire n'auront plus qu'un choix pour survivre : annoncer une guerre totale contre un ennemi invisible (l'équivalent de l'Etat Islamique, renommé ICO), pour terroriser et donc contrôler un pays qui leur glisse entre les doigts.

A ce stade, et avant que Frank et Claire Underwood ne virent au grotesque, on n'a qu'un souhait : que la saison 5 soit la dernière, et qu'elle soit grandiose. Le départ du showrunner Beau Willimon, remplacé par Melissa James Gibson et Frank Pugliese, semble indiquer que House of Cards touche effectivement à ses limites. Et la toute dernière image de la saison 4, qui voit pour la première fois Claire partager avec Frank le fameux regard complice adressé au spectateur, laisser espérer que la suite sera plus féroce et spectaculaire que jamais.

 

Poster

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commentaires
Atef
08/03/2016 à 14:37

Je n'ai toujours pas vu la série, mais cet excellent article me donne très envie de le faire. Bravo.

Vickers
08/03/2016 à 11:49

J'aimerais au contraire qu'ils s'en sortent, du moins en surface. Pour surprendre.
Je ne voudrais pas les voir emprisonnés, tués, suicidés : je les verrais bien connaître une fin comme Merteuil dans Les Liaisons dangereuses (une mort publique) ou comme The Shield (pas emprisonné, mais symboliquement tué).

popopopopo
08/03/2016 à 11:42

Oui je suis d'accord une 5e saison pour finir en beauté (comme Breaking Bad).

C'est vrai que la scène avec Catherine Durant était trop facile mais en même temps Frank s'est tellement cramé les saisons d'avant que c'est impossible pour lui de faire autrement que de faire peut ou de buter les gens.
C'est comme Breaking Bad, on sait qu'ils ne peuvent pas s'en tirer. Ils ne doivent pas s'en tirer.
C'est très Shakespearien comme traitement : ils ont atteint le point de non retour depuis longtemps et doivent continuer à alimenter la machine infernale jusqu'à leur chute pour conclure l'histoire.