Stranger Things : 5 preuves que la série Netflix aurait dû s'arrêter après la saison 1

Lino Cassinat | 26 mai 2022 - MAJ : 27/05/2022 12:35
Lino Cassinat | 26 mai 2022 - MAJ : 27/05/2022 12:35

À peu près personne ne conteste la qualité de la saison 1 de Stranger Things. Mais la série Netflix des frères Duffer ne serait-elle pas devenue (très) bancale avec le succès ?

Notre critique de la saison 4, première partie de Stranger Things.

C'est un fait : la planète entière est sous le charme de Stranger Things et de son casting, Millie Bobby Brown, Gaten Matarazzo, Caleb McLaughlinFinn Wolfhard et Noah Schnapp en tête. Un succès qui s'explique facilement vu le charisme des personnages et le charme de l'univers de la série Netflix, mais derrière lequel on oublie peut-être un peu trop facilement combien Stranger Things peine à ne serait-ce qu'arriver à la cheville de sa première saison, et combien elle s'est détournée de son âme pour devenir une création carrément creuse dans sa (mauvaise) saison 3.

Et pour nous, ça n'a rien d'un accident : voici les cinq erreurs fondamentales commises par Stranger Things.

 

Stranger Things saison 2 : Photo Finn Wolfhard, Gaten Matarazzo, Caleb McLaughlin, Noah SchnappNos bambins ont bien changé

 

1. SHÉRIF, TU M'FAIS MÊME PAS PEUR

Est-ce que quelqu'un se souvient qu'à une époque, Stranger Things faisait vraiment un peu peur ? Quelqu'un peut-il se rappeler la dernière fois qu'il a ressenti un sentiment d'angoisse ou de danger imminent devant les tribulations de Winona Ryder et consorts ?

Nous oui : c'était à la fin de la saison 1, face à l'abominable Demogorgon dans la maison des Byers - une scène magistrale de home invasion. Et avant ça, on avait encore serré les fesses un paquet de fois, face à Barbara abandonnée dans le monde à l'envers, ou face à Benny, le cuisinier du diner abattu après avoir recueilli Eleven. Une scène d'introduction d'une froideur mortelle, qui donnait le ton : dans Stranger Things, la mort rôde, et elle prend même les innocents.

 

Stranger Things : Photo Stranger Things BarbIn Memoriam

 

Deux saisons plus tard, les règles ont bien changées : le monde à l'envers n'est plus qu'un prétexte pour nous coller toujours plus de fades laboratoires secrets dans les pattes, tandis que l'armée russe est défaite par deux morveux en culottes courtes et leur baby-sitter qui mange ses crottes de nez au biactol.

Adieu mystères, adieu frissons. Pour une série dont le genre est justement le mystère paranormal tendance horreur à la Stephen King, c'est un problème. Et maintenant que ces deux composantes de l'intrigue se sont fait la malle, il ne reste plus que les personnages et quelques monstres aux designs inégaux, le Mind Flayer étant plus proche du vomi de Pizza the Hutt que de l'horreur eldritch.

Suspendue à ce seul et unique fil, Stranger Things pose la question de sa simple raison d'être au-delà de sa saison 1. Évidemment, c'est toujours sympa de faire un petit tour inoffensif en bonne compagnie et faire des blagues, mais Stranger Things s'est - pour le moment - toujours montrée incapable de renouveler ses enjeux et de redonner un sens à son intrigue. D'où le dévoiement du ton de la série, obligée d'amuser la galerie comme elle peut, en attendant qu'un évènement se passe et bouleverse vraiment le cours des choses.

 

Stranger Things saison 3 : photo, Cara Buono, Dacre MontgomeryExplorer des angoisses existentielles ? Déso, j'ai piscine

 

2. RESTEZ GROUPIR

Mais soit, acceptons cette sensation tenace que les saisons 2 et 3 étaient très dispensables, comme du contenu bonus - et encore, pour la saison 3 on serait tentés de parler de malus. Prenons Stranger Things telle qu'elle est à l'heure actuelle.

Malheureusement, la série n'est pas au bout de ses problèmes, car l'amas de péripéties qui lui sert d'intrigue a bien du mal à se structurer efficacement. En bref, il y a trop de sous-intrigues pour le bien du rythme de la série, et d'aucuns diraient même que c'est parfois un poil le bordel.

Une dimension parallèle, des programmes gouvernementaux secrets, des scientifiques dans des labos secrets, les vies affective de nos protagonistes, la mémoire d'Eleven, des mutants qui forment un genre de gang de X-Men (qui se souvient aussi de cet épisode catastrophique de la saison 2 ?), et maintenant même des vilains russes communistes : Stranger Things est complètement éparpillée. La série lance des pistes à la va-comme-je-te-pousse et ne les explore souvent qu'à moitié, bien obligée qu'elle est de simplifier pour avancer.

 

Stranger Things : photo, Andrey IvchenkoUne dictature, c'est quand les gens sont communistes et imitent mal Arnold Schwarzenegger

 

Le pire dans tout ça, c'est sûrement qu'aucune de ces pistes n'aboutit à quoi que ce soit d'un tant soit peu excitant ou original, à tel point que Stranger Things passe par bien des artifices d'écriture à double tranchant pour maintenir en éveil.

En témoigne l'épisode 1 de la saison 3, qui nous introduit à la nouvelle menace russe dans un flashback, pour nous expliquer qu'on ne sait pas tout. Superbe rallonge, maintenant il ne reste plus qu'à voir tous les personnages apprendre pendant toute une saison ce qu'on nous a déjà montré en deux minutes au tout début. Vous voulez pas resserrer plutôt ?

 

Stranger Things : photoQui, moi ? Ah non mais on me verra bien plus hein, c'était juste pour meubler

 

3. LE CLUB DES BEAUCOUP PLUS QUE 5

Autre signe de l'éparpillement de Stranger Things : la surabondance de personnages. C'est à nouveau on ne peut plus logique de la part d'une série qui a choisi de se focaliser le plus possible sur ces héros et héroïnes, et leurs interactions, au détriment de l'intrigue. Mais il n'empêche que, même dans cette logique, Stranger Things s'est un peu plantée, et se retrouve avec trop de monde à traiter.

Il faut dire qu'à l'origine, le casting est déjà bien rempli, avec un noyau dur de pas moins de dix personnages principaux : Eleven, Will, Dustin, Lucas et Mike qui forment le club des cinq chouchous ; Steve, Nancy et Jonathan pour les ados aux corps en pleine croissance ; et Joyce et Jim pour les adultes. Dix individualités à faire exister à part à peu près égales, et alors même qu'on vous passe les personnages secondaires, la saison 1 était déjà sur un équilibre fragile.

Inévitablement, chaque ajout devrait se faire avec une grande délicatesse pour ne pas trop perturber l'ensemble. Mais Stranger Things y va avec la finesse d'un camion-benne. Dès la saison 2, il y a des pots cassés, notamment Bob, le nouvel amant de Joyce interprété par Sean Astin, dégommé comme un malpropre en fin de saison pour le pur plaisir du choc après n'avoir à peu près rien apporté à la narration. Pendant ce temps, tous les membres du bien-aimé casting principal recevaient une armure d'invicibilité en peau de scénario, et ne risquaient jamais rien.

 

Stranger Things : photo, Sean Astin, Winona RyderMoi ? Pareil je ne fais que passer, vous connaissez Le Seigneur des anneaux ?

 

C'est un exemple parmi d'autres, mais pour résumer, Stranger Things s'est fourrée toute seule dans un sacré bourbier : chaque nouveau personnage n'a pas suffisamment de temps pour exister véritablement aux yeux du spectateur, et devient donc soit une caricature mièvre pour les plus simples (Erica, Murray, Bob, Eight) ou un gâchis pour les plus ambigus (Maxine et surtout Billy).

Par ricochet, ce manque de place tire aussi le noyau dur vers le bas, puisque certains personnages de premier plan se retrouvent parfois à peine survolés - c'est même à la limite de l'insulte pour Will. Heureusement, certains tirent toujours leur épingle du jeu (Robin, Steve, Dustin), mais clairement, tous les personnages ne sont pas aussi soignés qu'ils le devraient.

 

Stranger Things saison 3 : photo, Dacre MontgomeryJ'aurais pu ramener un brin de nuance, mais on m'a buté

 

4. SUCCÈS C'EST TROMPER ?

Si on enlève Game of Thrones, Stranger Things est probablement la plus grosse série des années 2010. Lancée sur Netflix en 2016 (après avoir été refusée par à peu près toutes les chaînes), la création de Ross et Matt Duffer a été un véritable raz-de-marée dès la première saison, tandis que les saisons 2 et 3 ont achevé de transformer la série et son irrésistible casting en phénomènes culturels.

Mais plus encore que pour Game of Thrones, ce statut de phénomène justement, qui transcende le simple succès en empreinte culturelle durable, n'est pas venu qu'avec des avantages.

Au contraire même. On pourrait presque discerner derrière les deux dernières saisons de Stranger Things un cahier des charges plus contraignant encore que d'habitude, comme si elle se devait de capitaliser à fond sur ce qui l'a emmenée au succès. En somme, Stranger Things est devenue trop consciente d'elle-même, ce qui la pousse à produire des clins d'oeil grossiers et certains racolages un peu gênants, grattant tout ce qu'elle peut pour rester cool.

 

Stranger Things : photoSi tu chantes ne serait-ce qu'une note de cette chanson, on te tue

 

Vous aimez les blagues de Steve et Dustin ? Pas de problème, certains segments deviennent désormais le Steve et Dustin show. Vous aimez les années 80 ? On a pour vous la salle d'arcade, le vidéo-club, les néons et la musique. Vous aimez les vêtements de Billy ? H&M vous fera une collection avec Dacre Montgomery en vedette. Et on vous passe les romans, les comics et les costumes pour Halloween.

L'iconographie artistique et le doux sentiment de nostalgie enfantine ont laissé place à une forme d'imagerie purement cosmétique, chargée d'affects aussi positifs que régressifs. En un mot : une pub, dont vous êtes le produit - et avant de vous précipiter sur la section commentaire pour nous traiter de rageux, revoyez la scène où Lucas boit du Coca au supermarché.

Évidemment, on nous dira que Stranger Things est un produit de consommation et qu'on est bien naïfs de croire que Netflix tente de vendre des histoires. Peut-être, mais là ce n'est même plus caché : comme les Porgs ou les Ewoks, c'est limite si Stranger Things ne nous agite pas sous le nez ses peluches à vendre.

 

Stranger Things saison 3 : photo, Sadie Sink, Millie Bobby BrownConsommation, j'écris ton nom

 

5. IL NE FAUT PAS ABUSER DES BONNES CHOSES

Et clairement, Stranger Things a abusé d'elle-même. Quelque part, on ne peut que comprendre, l'histoire de la création de la série elle-même ayant tout du miracle inespéré et relevant du mythe du vilain petit canard transformé en cygne. Il est évident que tout le monde, nous y compris, a eu envie que la série se poursuive.

Néanmoins, en passant du côté du cool alors qu'ils appartenaient corps et âme à la catégorie des losers, Stranger Things et ses personnages sont devenus les rois de la cour de récré... et donc, une norme de plus. Peut-on espérer d'elle qu'elle redescende un peu sur Terre, qu'elle entrepenne à nouveau de bouger les goûts de son public et son époque ? C'est toute la question, et on est assez sceptiques.

 

Stranger Things : photo, Millie Bobby BrownLes goûts capillaires incertains n'ont pas changé

 

Stranger Things n'a jamais essayé de faire autre chose que de la pop culture avec un grand P, comme Populaire. Mais on regrette qu'elle ait à ce point choyé son succès, plutôt que l'émotion subtile de ses débuts. En laissant plus de temps entre chaque saison par exemple, mais aussi en chérissant la prise de risque et le danger comme des trésors précieux. En étant plus audacieux dans la forme. En admettant aussi qu'il n'y avait déjà plus grand-chose à raconter au sortir de la saison 1 et que la suite directe n'était peut-être pas le format le plus adaptée pour Stranger Things, qui aurait pu donner une sacrée anthologie sur l'enfance et les croquemitaines qui la hantent.

 

Stranger Things : photoVecna, nouvelle source de danger ?

 

D'ailleurs, s'il y'a bien une chose dont Stranger Things a urgemment besoin, c'est d'un antagoniste fort et convaincant, et d'un nouvel espace inconnu à explorer pour renouveler ses thématiques (un renouvèlement qui pourrait aussi passer par le vieillissement du casting). Du monde à l'envers en somme, car quand on y pense, l'espace surnaturel de Stranger Things a été très peu silloné.

Espérons que la saison 4 apportera une nouvelle créature puissante avec Vecna, et laissera de côté les Russes et les scientifiques mutiques. Après tout, l'horreur surnaturelle sert essentiellement à explorer nos peurs irrationnelles, non ?

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commentaires
CoqAu20
23/06/2022 à 16:02

Absolument d’accord avec vous!

Geoffrey Crété - Rédaction
30/05/2022 à 18:24

@Wow

La personne qui n'aime absolument pas la série, mais dit que la saison 1 était très bien ?
Et qui dit que la S4 redresse pas mal la barre dans la critique (lien au début) ?
Beaucoup de positif pour quelqu'un qui n'aime "absolument" pas :)
https://www.ecranlarge.com/series/dossier/1433592-stranger-things-saison-4-critique-dune-premiere-partie-qui-releve-enfin-le-niveau-netflix

Wow
30/05/2022 à 18:22

On sent la personne qui n'aime absolument pas la série.
Je ne suis donc absolument Pas d'accord. Au contraire, mais les goûts et les couleurs ^^

Tricopull
27/05/2022 à 11:08

@Warlax: donc tu considères que les références sont toutes subtiles et pertinentes, et ne sont pas juste cantonnées à un rôle de citation? Tout ne te semble pas too much?
T'as pas du connaître les années 80....
Là, c'est un peu comme le tang: ça a la couleur du jus d'orange, y'a un peu le goût, mais c'est écoeurant quand t'en bois un verre entier, et c'est surtout pas factice!

Calcifer73
27/05/2022 à 09:10

Perso je trouve que la saison 1 était la meilleure (sérieuse, glauque, réaliste).
La saison 2 était plus faible, quand à la saison 3 ...
Parlons en, c'était une saison digne d'un épisode d'inspecteur gadget avec les méchants russes en uniforme et kalashnikov dans une base secrète superbe ... franchement ...
Pourquoi ils ont pas fait une base dans des vieilles galeries avec des câbles par terre et des agents qui parlent anglais et qui s'habillent comme tout le monde.
Cela aurait été parfait, là c'était juste débile ...
On sent qu'ils ont eu moins de temps pour peaufiner leur scenario et qu'ils se sont un peu perdus .

Tricopull
27/05/2022 à 08:39

@Brasch-Eazy-E: Effectivement, les années 2010 sont un peu fades, mais a-t'on assez de recul?
En tout cas, même si le revival années 80 et les bouilles sympathiques de nos jeunes loosers de la saison 1 m'avaient séduit, sans doute l'effet de surprise, les autres saisons m'avaient laissé de marbre.
J'ai grandit dans les années 80, j'ai adoré mes musclor, mon lecteur K7, ma nes et mon atari, ma peluche Gizmo, et les BO de rocky, mais faut passer à autre chose.
Là, on assiste à du" porn eighties", à la limite de la saturation. On nous ressert tout ce qui nous semblait cool -car c'était une époque qui dans nos souvenirs nous semble cool- mais c'est l'overdose.
Thor ragnarock et le suivant, strangers things, Wonderwoman 84, les gardiens de la galaxie, les sos fantome, star wars, et tout le reste.... Il serait temps de trouver d'autres trucs, non?

Bref, je sais même pas si j'ai envie de visionner cette saison 4.

Jay69
27/05/2022 à 00:47

Pas du tout d’accord avec l’article !! J’adore cette série qui as bien évolué hâte de voir la suite !

Vulfi
26/05/2022 à 23:42

Je comprends l'idée de l'article mais Stranger Things est pour moi le parfait exemple d'un programme qui a su rebondir après avoir déçu. Ce n'est pas donné à tout le monde. Un peu à l'image de Dardevil, avec une saison 2 totalement ratée mais une saison 3 au niveau de la 1, Stranger Things a analysé ses erreurs pour retrouver la recette.

Je ne suis pas forcément confiant pour la 4 car les saisons tournées pendant la pandémie ont été globalement toutes ratées mais j'ai quand même des attentes. Il faut quand même noter que bien faire jouer des gamins, c'est TRES TRES dur (coucou Raised by wolves). Rien que sur cet aspect, Stranger Things est une sacrée réussite.

Moixavier58
26/05/2022 à 23:12

La premiére, une decouverte. La 2, aussi utile que je suis puceau. La 3 reste la meiller avec la scene dans le centre commercial et sa creatue

GTB
26/05/2022 à 20:56

Assez d'accord avec l'article. Autant la saison 1 se tenait dans son hommage un peu grossier mais humble aux films 80's du genre, autant les 2 saisons suivantes étaient plus agaçantes que plaisantes à cause du potentiel évident gâché par l’arrogance, l'auto-caricature et la complaisance dans le fan-service dégoulinant, ne prenant même plus la peine de raconter quoique ce soit.

Je ne suis pas certain de tenter la saison 4, qui s'annonce en plus très longue. Éventuellement si les retours sont excellents à la fin de la série.

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