Le Seigneur des anneaux : 3 raisons d'avoir (un peu) d'espoir pour la série Amazon

Le monde serre les fesses à l'approche de la série Amazon Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, et les craintes n'ont pas été apaisées par le teaser du superbowl. Pourtant, il y a plusieurs raisons d'y croire et de ne pas encore se laisser aller au désespoir.

À l’heure du licensing à tout va, tout exercice de répétition et/ou d’expansion d’univers apparaît comme une tentative aussi cupide qu’opportuniste de transformer les univers en marques, de traire des communautés de fans pré-existantes et faire un maximum de pognon sans se fouler. 

Évidemment, plus le totem est sacré, plus la crainte du sacrilège est prononcée. Celui du Seigneur des Anneaux montant jusqu’à Alpha du Centaure, il est peu surprenant que le niveau de panique provoqué par l’arrivée imminente de Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir prenne lui aussi des proportions galactiques. Comme la mort prématurée de nos lecteurs pour cause de stress nocturne nous serait préjudiciable et qu’on prend soin de vos nuits de sommeil, on va donc essayer de faire redescendre tout cela en vous expliquant pourquoi on peut avoir de l’espoir. Un peu.

LE MATÉRIAU 

Vous avez peut-être vu passer cette phrase dans la section commentaire des différentes plateformes qui ont diffusé le teaser de la série : "le Mal ne peut rien créer de neuf, il ne peut que corrompre et ruiner ce que les forces du Bien ont inventé ou façonné". Une citation de J.R.R. Tolkien sortie de son contexte en plus d’être globalement incorrectement retranscrite*, tordue avec les notions de Bien et de Mal absentes de la phrase originelle (ce qui ne manque pas d’ironie), mais devenue une bannière de ralliement pour la fameuse partie puriste des fans - toujours du côté du Bien évidemment.

L'inquiétude est claire : la démarche derrière la création de cette série leur apparaît d’emblée si veule et malhonnête qu’elle ne pourra aboutir qu'à une souillure du travail originel. Souillure déjà à l’oeuvre selon eux avec l’arrivée des personnages noirs venus "wokiser" l’esprit des enfants innocents. Le symbole est fort : d'outre-tombe, Tolkien lui-même désapprouve.

Disa imitant le cri d'une tempête dans un verre d'eau

Évidemment, loin de nous l’idée d’accorder une confiance aveugle à une corporation qui appartient à l’homme le plus riche du monde, casse des syndicats, envoie des phallus dans l’espace et, comble de l’ignominie, est responsable de Crisis in Six Scenes. Cependant, jeter tout le projet aux orties sous prétexte qu'il s'agit d'un projet de studio qui n'aurait cure de rendre un travail soigné serait aller vite en besogne. D'ailleurs, certains choix artistiques majeurs ont été opérés et ils sont plutôt intelligents et porteurs de nouveauté, à commencer par le choix même des textes qui s'apprêtent à être adaptés.

Une clarification d’abord : Amazon détient les droits uniquement sur les trois livres du Seigneur des anneaux et sur le Hobbit, appendices compris. C’est ce dernier détail qui a de l’importance, car c’est ce matériau là qui s’apprête à être transposé à l'écran - là où Amazon aurait pu se contenter de juste refaire l'aventure de Frodon. Ces six appendices, en quoi consistent-ils ? Sans trop rentrer dans les détails, il s’agit de divers éléments contextuels, parfois succincts, parfois un peu plus détaillés, sur un nombre conséquent de sujets et évènements.

Vous reprendrez bien un peu de Sauron ?

Avec un peu de recul, il s’agit du meilleur point de départ qui soit pour se lancer dans une adaptation d’un univers : son esprit et sa structure, un corpus d'histoires et de notes suffisamment développées pour pouvoir s’orienter facilement, et en même temps suffisamment peu détaillées pour se permettre d’avoir les coudées franches, et, justement, faire preuve d'imagination. L’appendice B notamment attire particulièrement l’attention puisqu’il s’agit peu ou prou d’une simple chronologie détaillée allant de la chute de Morgoth (signalant la fin du Premier Âge) jusqu’à la destruction de Sauron et de l’Anneau Unique (signalant le début du Quatrième Âge). Entre les deux, des milliers d'années de récit à raconter.

Les pistes passionnantes sont donc potentiellement légion, et on peut espérer qu’Amazon ne se limitera pas à juste larguer des personnages inventés potentiellement gratuits et inutiles, qu’il s’agisse de Disa, la princesse Naine noire sans barbe - sûrement venue laver les cerveaux à grand coup de marxisme-léninisme vegan – ou d’Halbrand, l’Homme blanc généré aléatoirement par ordinateur – sûrement venu rassurer l’ego du mâle blanc trumpiste (c’est bon, on peut passer à autre chose que ce non-sujet fatigant ?).

Pas besoin d'être noir pour être un personnage original complètement nul

LA TECHNIQUE

Amazon donne également quelques raisons plus factuelles d’espérer. D’abord, malgré le budget record de la série, qui fait craindre la mise en branle d'une véritable usine à gaz financière, c’est surtout la réputation d’Amazon Prime Video qui est à risque plus que sa santé économique ou celle de son PDG. Même en imaginant que le coût global de la série dépasse le milliard, il faut bien garder à l’esprit que cette somme n’est rien pour une entité dont la fortune se compte en centaine de milliards.

Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir pourrait donc être moins une pompe à fric qu'un produit d'influence, une vitrine, et en tant que telle, c’est sa qualité et sa capacité de séduction qui devraient guider l’esprit de sa création – du moins, si les executives d’Amazon comprenne leur propre métier et ne se roulent pas dans le fan-service par facilité. Dans les détails, quelques gages ont d’ailleurs déjà été donnés pour assurer au moins une certaine rigueur artistique.

Avouez qu'on n'a rien vu de tel depuis Anor Londo dans Dark Souls

Amazon s’est déjà engagé auprès des ayants droit de Tolkien à faire plusieurs saisons - en se réservant tout de même le droit d’annuler la série en cours de route en cas de crash des audiences – et des rumeurs persistantes rapportent que cinq seraient prévues selon Deadline.

C’est un facteur rassurant à plus d’un titre, puisque cela sous-entend que les showrunners de la série ont une structure narrative établie avec un début, un milieu et une fin (histoire d’éviter un syndrome Star Wars) et comptent arrêter leur récit avant que l’engouement ne s’essouffle et que la production ne s’englue dans trop de sous arcs narratifs et de salaires d’acteurs mirobolants (histoire d’éviter un syndrome Game of Thrones).

Morfydd Clark grimpant la montagne du salaire

Les intentions techniques du studio sont également plutôt rassurantes, puisqu'il a déjà annoncé ne pas vouloir recourir au tout CGI et privilégier les décors en dur. Autre élément rassurant : le cinéaste Juan Antonio Bayona à la production technique, un excellent réalisateur dont on vous a déjà chanté les louanges notamment autour de son fabuleux Quelques Minutes après minuit. Ce n'est pas une garantie, mais sa présence tend à nous faire croire que Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir pourrait avoir une vraie identité visuelle et ne pas se contenter de servir des découpages fades de yes-man.

Le cinéaste a d’ailleurs lui-même dirigé les deux premiers épisodes du show, et sa présence au sein de l’équipe de production au long cours pourrait garantir une tenue technique de plutôt haute volée… même s’il faut reconnaître que les effets spéciaux du teaser ont fait l’effet d’une douche froide, ou d’un gâteau sorti trop tôt du four. Gageons qu’avec sept mois de post-production supplémentaires, Amazon aura le temps de finir d’essuyer les plâtres.

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LE STYLE

Et puisqu’on parle du teaser : malgré l’hallali en cours, il est, ainsi que les affiches, en réalité plutôt rassurant. Pas énormément certes, mais la balance penche certainement du bon côté. La vidéo donne à voir trop peu d’éléments pour se forger un pressentiment avec certitude, mais les présentations des personnages et des décors sont pour la plupart assez réussies et laissent deviner certains des évènements les plus excitants du Deuxième Âge – avec, en plus, une des meilleures images réservées à Arondir, un personnage original. Comme quoi.

Arondir et Bronwyn

Mais ce qui rassure le plus, en dehors de la direction artistique réussie tout en s’inscrivant dans la continuité de l’oeuvre de Peter Jackson, c’est la fidélité affichée au ton. On ne le répètera jamais assez, mais l’optimisme et le manichéisme de la high fantasy ont vite fait de donner des œuvres kitscho-féériques colorées bas de gamme, comme une certaine Roue du Temps produite par un certain Amazon. Or, ce n’est pas ce qui se dégage du teaser ou des affiches promotionnelles, qui creusent et mettent clairement en avant un sillon plutôt épique/mélancolique. 

Reste à voir si ce ton sera maîtrisé, mais l'emploi du registre lyrique rassure. C'est LA marque de fabrique de l'univers et du style de Tolkien et ce qui lui donne toute sa saveur, son supplément d'âme au sein d'un genre qui regorge de séries B moins portées sur l'expression poétique du sentiment et plus sur les armures en bikini.

Gil-Galad, une de nos plus grosses attentes

Un mode de narration rare et précieux, très difficile à porter à l'écran et souvent occulté au profit du (ou confondu avec) genre action/aventure (exactement comme dans les films Le Hobbit). Et c’est le fait qu’Amazon ait l’air d’avoir compris dans quel genre Le Seigneur des anneaux s'inscrit cela qui nous fait dire que l’espoir est permis. Après tout, certains autres miracles de ce type ont déjà eu lieu, et les spectateurs de Dark Crystal : le Temps de la résistance savent de quoi on parle.

Cependant, rappelons une dernière fois que l'espoir que nous formulons n'est, en l'état, qu'un frémissement. Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir s'est encore trop peu dévoilée pour que nous puissions livrer un pressentiment clair, et même si il nous tarde d'explorer les glorieuses cavernes de Khazad-Dûm avant la chute du royaume Nain, de pleurer en compagnie d'Arondir et Bronwyn, déjà annoncés comme les versions Amazon de Beren et Luthien, ou d'avoir le souffle coupé face au formidable maniement de la lance de Gil-Galad, nous n'oublions pas que derrière l'enchantement cosmétique peut se cacher un cadavre faisandé. Ce n'est pas comme si Hollywood regorgeait de thanatopracteurs.

*Gandalf, en parlant des Orcs : The Shadow that bred them can only mock, it cannot make: not real new things of its own. I don’t think it gave life to the orcs, it only ruined them and twisted them.