The OA entre dans une nouvelle dimension fantastique avec cette saison 2 risquée et totalement délirante

Alexandre Janowiak | 28 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 28 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En 2016, Netflix avait surpris son monde. D'abord pendant l'été avec l'arrivée de Stranger Things puis en fin d'année avec celle inattendue de The OA. La série se révélait l'une des plus belles créations du petit écran du moment avec sa force émotionnelle, sa grande viscéralité et sa singularité. Après un final très ouvert, le retour de la série était donc très attendu.

C'est finalement le 22 mars 2019, près de deux ans et demi après la diffusion de la première saison, que la série de Brit Marling et Zal Batmanglij a fait son grand retour sur Netflix. Ecran Large s'est bien évidemment jeté sur les huit nouveaux épisodes. Verdict.

ATTENTION SPOILERS !

 

 

IL SE PASSAIT QUOI DÉJÀ ?

La saison 1 de The OA racontait l'histoire de Prairie Johnson. Alors que la jeune femme aveugle avait disparu puis avait été séquestrée pendant sept ans, elle revenait finalement dans sa ville d'adoption avec la vue. Des cicatrices sur son dos, elle était à la recherche d'un certain Homer. Afin de le retrouver, elle formait un groupe de parole avec cinq personnes de la ville au profil très différent : Buck, un adolescent transgenre, ; Steve, un adolescent violent ; Alfonso, un élève modèle ; Jesse, un ami de Steve, et Betty alias BBA, une enseignante endeuillée voire dépressive.

Elle leur racontait ainsi son histoire pour essayer de rejoindre une autre dimension. Elle expliquait sa captivité, les expériences du mystérieux Hap et son obession pour les Expériences de Mort Imminente ou EMI. Racontés en flashback, les souvenirs de Prairie alias The OA (l'Ange Originel) ne permettaient aucun autre point de vue et les cinq membres du groupe ne pouvaient pas être assurés de leur véracité (tout comme le spectateur).

 

Photo saison 1Un groupe passionné par l'histoire captivante de OA

 

Dans son récit, d'une grande précision, elle racontait donc qu'elle avait sauvé, avec Homer, un des quatre autres captifs de Hap. De plus grâce aux EMI provoquées par le Docteur Hap sur elle et ses compagnons de captivité, ils avaient mis en place une danse qui pouvait les sauver. Malheureusement, alors qu'elle expliquait avoir trouvé les cinq mouvements dont lui avait parlé Khatun, une vieille femme recontrée dans un univers parallèle durant une EMI, et qu'il fallait que son nouveau groupe les reproduise pour lui permettre de retrouver Homer, les parents des jeunes adolescents coupaient court aux rencontres avec Prairie.

Alors que le mystère restait entier sur la véracité de l'histoire de OA (des livres sont retrouvés sous son lit et peuvent laisser penser qu'elle a tout inventé), un drame survenait au lycée. Les quatre ados et BBA réalisaient les mouvements de la danse pour arrêter un possible carnage. La démarche fonctionnait mais Prairie, qui avait senti le danger dans ses rêves, s'était pris une balle perdue. Emmenée en ambulance, elle semblait mourir jusqu'au dernier plan où elle prononçait le prénom Homer. L'avait-elle enfin retrouvé ? La saison 1 ne donnait pas de réponses.

 

 

OUFFISSIME AMBITION

Dès son premier épisode, The OA répond rapidement à de nombreuses questions des spectateurs. Il faut dire qu'après presque deux ans et demi d'attente, les fans du show ont patienté bien assez longtemps pour que la série ne les fasse pas mariner indéfiniment. A ce niveau, ce retour est donc des plus satisfaisants.

On pouvait imaginer qu'à l'image de sa saison 1, la série de Brit Marling et Zal Batmanglij continuerait à donner une place prédominante aux doutes et au mystère. Si, plus tard, The OA exposera des enjeux sans donner de réponses, cette deuxième saison laisse moins de place à l'imagination concernant les propos de Prairie Johnson dans la saison 1.

Tout ce qui lui est arrivé a bel et bien eu lieu. Toutes les aventures, les rencontres, les séquestrations, les EMI et l'idée d'une dimension parallèle atteignable grâce aux mouvements de la danse ne sont pas le fruit de sa folie ou de son imagination. Et si le personnage d'Alfonso (Brandon Perea) est en proie aux doutes à cause des livres de la saison 1, le père de Prairie (incarné par le regretté Scott Wilson) lui révèle qu'elle ne les a reçus qu'après la fin des rencontres nocturnes, ce qui retire sa méfiance (et de facto, celle du spectateur).

 

PhotoUn groupe esseulé après la "mort" de Prairie dans leur monde

 

Pour son retour, la série se permet donc une folie qu'il aurait été difficile de mettre en place auparavant. En huit épisodes, cette saison 2 se révèle d'une ambition exceptionnelle, bien plus spectaculaire que la saison 1. De son histoire totalement ahurissante à coup de voyages temporels, de relations interdimensionnelles, d'octopus pensif ou de jeux digitaux à la pointe de la technologie, la série prend un véritable tournant.

Et c'est sans doute ce qui fait la grande force de The OA. Avoir autant d'audaces à tous les niveaux (la réalisation est vraiment magnifique), un appétit narratif aussi poussé (un nombre de personnages conséquent, des choix scénaristiques risqués, ce premier générique poétique en milieu de l'épisode 1), un courage forcené dans le développement de l'univers (l'octopus encore, la maison, les fleurs, les mini-robots, le meta final)... donne à la série Netflix une ampleur incroyable.

 

Photo Brit MarlingUne des scènes les plus incroyables du monde des séries en 2019

 

EXPÉRIENCE MORTELLEMENT INÉDITE

A ce jour, difficile de trouver une autre série qui se met autant en danger à chaque épisode. Alors que l'intrigue avance, il est impossible de savoir où va exactement nous mener The OA. Le délire est poussé jusque dans ses retranchements permettant au show d'être absolument unique, d'une originalité déconcertante et de jouer avec brio avec les codes sériels.

Le talent des scénaristes pour créer un suspense immuable et une énigme permanente est largement magnifié par la réalisation de Zal BatmanglijAndrew Haigh et Anna Rose Holmer. Si l'atmopshère fascinante de la série et les délires les plus osés sont majoritairement supervisés par Batmanglij, la présence de deux autres metteurs en scène derrière certains épisodes permet à la série de se renouveler et d'aller se confronter à d'autres ambiances.

 

Photo Kingsley Ben-Adir, Brit MarlingUne saison entre policier, fantastique et horreur : une saison aux multiples facettes

 

Andrew Haigh (45 ansLa Route sauvage) offre ainsi à The OA quelque chose de plus terre à terre et prosaïque, tout en rendant un hommage hypnotisant aux films de fantômes et d'esprit dans le final de l'épisode 3. Anna Rose Halmer (The Fits) propose, elle, une approche plus simple et moins lyrique de l'intrigue dans sa mise en scène, permettant de lire plus aisément entre les lignes.

On soulignera d'ailleurs que la série, en plus de conserver son ton fantastique, s'ancre avec habileté dans le genre de l'épouvante et de l'horreur. Les séquences dans la fameuse maison en sont les plus représentatives, avec celle de l'écran chez la médium. De plus, grâce au personnage du détective Karim, la série accueille le genre policier avec une belle maestria.

 

Photo Kingsley Ben-Adir, Brit MarlingUn superbe hommage aux films de maisons hantées

 

ODYSSÉE MENACÉE

Cependant, cette folie narrative, cette ambition de tous les instants et cette richesse frénétique de l'univers qui font la force de la saison 2 de The OA, créent aussi toutes ses faiblesses.

La saison 1 avait envoûté un grand nombre de spectateurs grâce à sa "viscéralité". En donnant peu de réponses et en laissant une place primordiale à l'imagination et aux fantasmes de chaque spectateur, la saison 1 provoquait d'innombrables émotions. Des émotions d'autant plus fortes qu'elles se révélaient très personnelles, intimes et propres à chacun. Avec son nouveau mode de narration, sans voix-off, la saison 2 retire cette force émotionnelle à la série.

Avec un récit choral, jonglant entre l'univers de Nina Azarova (nouveau corps de Prairie) et du détective Karim Washington (Kingsley Ben-Adir), et celui du groupe mené par Steve (Patrick Gibson), la narration est moins fluide, moins rêveuse et moins entraînante.

 

PhotoLa voiture s'arrête et tout ce beau monde fait un peu de surplace

 

Certes, la série surprend toujours avec la folie de son univers et les tentatives scénaristiques des créateurs du show. Cependant, les allées et venues à travers les différentes dimensions abaissent le rythme de la série. Les développements sont parfois un peu lents, les avancées anecdotiques et quelques faux-mystères installés n'arrivent jamais à convaincre réellement ou à faire douter le spectateur au visionnage.

De plus, il y a clairement un nombre de personnages secondaires épisodiques trop important. Si cela fait toujours plaisir de voir Zendaya intégrer la mythologie de The OA, tout comme Vincent Kartheiser et Irène Jacob, leur participation n'apporte que peu d'intérêt à l'intrigue. Du moins, elle ne fait que la complexifier (Pierre Ruskin notamment) là où ce n'était clairement pas nécessaire.

Seule la courte apparition de Riz Ahmed est un des points les mieux gérés de la saison. Son retour était attendu après sa présence surprise dans l'épisode final de la saison 1, et il semblait détenir des informations que personne n'avait. Sa brève intervention n'a fait qu'accroitre le mystère de son personnage et le rôle fondamental qu'il pourrait jouer dans une éventuelle (et inévitable) saison 3.

 

Photo Riz AhmedLe mystère Riz Ahmed

 

PARI À HAUT RISQUE

Et justement, c'est vers cette saison 3 que les yeux sont désormais tournés. Durant les sept premiers épisodes de cette saison 2, The OA prend des risques considérables. Avec cette narration plus hachée et un univers développé par des expérimentations farfelues (sérieux, on ne s'est pas remis de cet incroyable octopus), la série Netflix se révèle de plus en plus difficile d'accès. Un choix extrêmement audacieux qui pourrait déconcerter nombre de fans de la série et les empêcher d'adhérer totalement à l'ensemble.

Plus que jamais, la série ne peut fonctionner pleinement que si le spectateur accepte de se laisser emporter. En se montrant sous un nouveau jour plus exigeant et encore plus tributaire du lâcher prise conscient de l'auditoire, The OA pourrait se prendre un véritable mur.

 

Photo Kingsley Ben-AdirUn mur difficile à franchir pour les spectateurs

 

Ce n'est d'ailleurs pas le grand final de l'épisode 8 qui pourra réconcilier les spectateurs les plus récalcitrants avec l'oeuvre créée par le duo Marling-Batmanglij. En transportant, dans un ultime souffle, quelques-uns de ses personnages dans notre propre monde (Prairie-Nina est transférée dans le corps de Brit Marling, Hap-Dr.Percy est transféré dans celui de Jason Isaacs), The OA se lance dans une transe meta particulièrement périlleuse, qui pourrait être un point de non-retour.

Et pourtant, il s'agit également d'une des idées les plus démentes de ces dernières années. Et si la fiction (et globalement les fictions en général) que nous dévorons sur le petit écran (et de facto le grand) n'était que le versant d'une autre dimension ? Et si chaque part d'entre nous faisait partie intégrante de la série (et de la fiction) dans un monde parallèle ? Et si, maintenant qu'elle s'ancre littéralement dans notre monde, The OA devenait la réalité ?

Si elle est bien éxécutée, cette idée pourrait clairement ré-ouvrir les codes de la narration et être le début d'une nouvelle forme de divertissement, autant mentalement que physiquement. Un sacré défi en perspective d'ores et déjà palpitant.

 

Photo Brit MarlingDes mondes enfouis dans notre propre inconscient

 

Avec cette saison 2, The OA se met toujours plus en danger. S'ils sont payants à bien des niveaux tant la série est riche visuellement, narrativement et techniquement, l'audace scénaristique de Marling et Batmanglij pourra bloquer les spectateurs et en laisser un certain nombre sur le carreau. De plus, cette saison 2 s'avère bien moins viscérale que la première saison, ce qui enlève beaucoup de son charme.

Cependant, le fait que la série préfère éviter les clichés et ose confectionner une mythologie totalement inédite quitte à risquer de se planter en beauté, démontre la générosité dont elle fait preuve. Si les spectateurs pourront ne pas adhérer, impossible en revanche de reprocher aux showrunners de miser sur la facilité. The OA a du culot, des tripes et de l'ambition, des immenses qualités dans un monde où Hollywood devient de plus en plus aseptisé.

La saison 2 de The OA est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 22 mars. La saison 1 est également disponible sur la plateforme.

 

Affiche officielle française

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commentaires
Sangal
02/11/2020 à 22:09

cette serie était pour moi un vent de fraicheur parmis toutes ces daubes aseptisées vues et revues..... une belle ouverture d'esprit était nécessaire pour cependant l'apprécier! trop degu qu'elle ait été annulé. fck

Fr d
30/03/2019 à 20:04

Oui la saison 2 de OA est moins bienque la première, mais les risques pris dans la naration sont quand même de qualité !

A voir évidemment !

Chap
30/03/2019 à 19:08

J’ai adoré les 2 saisons...
Il est vrai qu’il faut s’accrocher parfois tellement on peut se sentir perdu dans la narration, voir bousculé dans les idées émises mais le concept/scénario sont carrément géniaux...
J’espère une saison 3!

sylvau
30/03/2019 à 12:33

Perso, j'arrête. Ca m'a gavée la saison 2. Je suis très déçue. C'est juste bordélique.

captp
29/03/2019 à 14:13

merci Alexandre
je comprends totalement .en effet que ça doit pas être simple de tout couvrir .puis encore faut il avoir le coup de cœur .
Bonne journée

Alexandre Janowiak - Rédaction
29/03/2019 à 10:08

@captp

On n'a pas encore eu le temps de jeter un œil à After Life de notre côté.
Avec le calendrier chargé de Netflix avec The OA la semaine dernière donc, Santa Clarita Diet Saison 3 et Osmosis qui débarquent ce vendredi + les retours très attendus de Veep et Barry ce dimanche + Twilight Zone également le 1er avril, on doit faire quelques choix.

Mais je vais essayer de regarder ça pour me faire une idée, et possiblement d'en faire une petite critique dans les jours à venir.

Très belle journée,

Captp
29/03/2019 à 09:31

Un petit coup de projo sur la série de Ricky Gervais sur Netflix est possible.
Perso je l'ai trouvé très touchante, drôle et authentique :)

Mirabelle
29/03/2019 à 09:29

Le final est vraiment casse-gueule et oui il manque cette intimité de la saison 1. Cependant j'ai adoré les risques pris, la beauté visuelle, l'aspet polar/horreur et l'octopus... Je m'étais prise une claque il y a peu en voyant la saison 1 de the Sinner, ca continue avec the OA saison 2.
Je recommande chaudement cette série, même si mon avis n'apporte rien de plus à cette analyse fort bien faite.

Geoffrey Crété - Rédaction
28/03/2019 à 23:34

@matt

Elle commence très bien, et on en parlera très vite. Ça se prête à un bilan fin de saison (comme The OA) plutôt que par épisode, même si on avait testé sur la saison 1.

matt
28/03/2019 à 22:38

rien à voir avec the OA, certes.. mais la saison 2 de American Gods ça donne quoi?

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