Ash vs Evil Dead : la série géniale, gore et dingue partie trop tôt

Christophe Foltzer | 7 mai 2022
Christophe Foltzer | 7 mai 2022

Ash vs Evil Dead s'est terminée en 2018. Définitivement. Et on ne s'en remet toujours pas. Dernière étape de notre deuil : revenir sur cette série en or massif. Attention, SPOILERS.

Quand on a appris en 2014 qu'Evil Dead reviendrait pour une série télé, nous étions partagés entre la plus intense excitation et la plus grande des angoisses. Le remake de Fede Alvarez en 2013 avait déjà changé pas mal de choses, surtout à l'occasion d'une scène post-générique où l'on nous promettait le retour d'Ash Williams après 25 ans d'absence. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir Ash vs Evil Dead, série ignorant le remake et faisant suite à L'Armée des Ténèbres pour le meilleur, et rien que le meilleur.

 

Photo saison 2Nous après le premier épisode

 

UNE FIDÉLITÉ A TOUTE ÉPREUVE

Artisan fatigué, Sam Raimi ne semblait pas s'être remis de ses problèmes sur Spider-Man 3. S'il nous a gratifiés d'un Jusqu'en Enfer un peu plus corsé que d'habitude et qui rappelait ses oeuvres de jeunesse, cela ressemblait plus à une petite activité périscolaire qu'à un vrai retour en grâce.

Il a donc fallu attendre Ash vs Evil Dead pour qu'il remette ses tripes sur la table. Alors qu'Hollywood trahit à tour de bras son patrimoine, Raimi a fait le choix de la continuité respectueuse et fidèle. Jouant avec les codes qu'il a lui-même inventés et un univers aux frontières mal définies à l'époque, il s'est efforcé de tout reprendre pour y trouver une certaine cohérence.

 

Evil Dead : PhotoEvil Dead, le premier

 

En résulte une transposition moderne assez impressionnante de solidité, qui prend compte du temps passé depuis la sortie du troisième opus, maniant habilement les références pointues pour les inconditionnels de la première heure tout autant que des éléments plus génériques afin que les néophytes ne soient pas perdus. Pourtant, qu'on ne s'y trompe pas, Ash vs Evil Dead est une oeuvre pour les fans.

Si le scénario risque de ne pas supporter une lecture plus distanciée, qui révèlerait ses nombreuses incohérences, Sam Raimi ne trahit jamais ce pour quoi il est devenu célèbre. Convoquant constamment l'historique de la saga pour l'enrichir et le développer, il permet surtout à la série de trouver son propre rythme sans être prisonnière de son lourd héritage. Synthèse parfaite d'une des trilogies les plus folles du cinéma moderne, la série prouve à qui en doutait que l'univers créé par Sam Raimi et Robert Tapert allait bien au-delà d'une cabane perdue dans les bois.

 

Evil Dead 2 : photoEvil Dead, le deuxième 

 

DU GORE, EN VEUX-TU, EN VOILA

Très franchement, on craignait que la série soit édulcorée. Ah ah ah, monumentale erreur : elle est probablement ce qui s'est fait de plus gore récemment à la télévision. Sa grande chance, c'est évidemment de ne pas être diffusée sur un canal public, mais bel et bien sur une chaine privée, Starz. Du coup, moins de censure, moins de contraintes, on peut faire un peu ce que l'on veut (comme sur HBO et AMC). Et l'univers d'Evil Dead ne supporterait pas d'être privé des hectolitres de sang qui ponctuent joyeusement ses histoires.

Le gore, c'est dans sa nature. Tout comme le cartoon. Il faut bien se rappeler que le premier Evil Dead n'était pas une comédie, mais un pur film d'horreur, ingénieux et terrifiant (en tout cas à l'époque), et qu'il se permettait quelques scènes jamais vues (le viol par les branches d'arbre, au hasard). Un parti-pris frondeur et démonstratif là uniquement pour que Sam Raimi et ses potes se fassent remarquer par l'industrie, la presse et les spectateurs. C'étaient les années 80, période de libération de la censure, où toute la jeune garde de l'époque pouvait enfin se lâcher dans leurs microbudgets.

 

épisode 2La folie, rien que la folie

 

Une situation analogue à celle que nous connaissons aujourd'hui, où les bondieuseries reviennent en force, où il s'agit de ne plus choquer sauf lorsque cela a un intérêt commercial certain. Ash vs Evil Dead se pointe donc comme un petit vent de fraicheur pour tous les fans de ce cinéma fauché, subversif et outrancier. Une vague nostalgique qui n'est pas gratuite puisqu'elle est totalement intégrée à l'histoire et participe à l'évolution de ses personnages.

On ne compte plus en effet les scènes anthologiques que la série nous a fournies durant ces trois saisons (au hasard, la morgue dans la saison 2), à la limite de l'écoeurement (la banque du sperme dans la saison 3). Elles nous rappellent ce temps béni où l'on ne s'imposait aucune limite et, à chaque fois, servent parfaitement leur propos.

 

Ash vs Evil Dead saison 3 : Photo Episode 3Red shower

 

Dans la même logique, le gore d'Ash vs Evil Dead lui permet de se démarquer clairement d'une concurrence un peu trop timide et sérieuse. Elle correspond à l'attente d'un certain public, négligé à l'heure actuelle par les studios, et nous rappelle que le gore dans l'horreur, en dehors du torture-porn à la Saw qui fonctionne sur des mécaniques inconscientes et pulsionnelles douteuses très en phase avec l'époque malheureusement, possède une raison d'être, une fonction : tester nos limites, procurer des frissons, sans aucune idée cynique derrière la tête.

L'horreur à la Evil Dead est l'oeuvre de sales gosses, d'électrons libres qui nous rappellent les glorieux doubles programmes et autres midnight movies, terreau de nombreux chefs-d'oeuvre marginaux et radicaux. On y retrouve clairement un plaisir enfantin, lointain souvenir d'une époque où regarder un tel spectacle consistait à braver un interdit parental et moral. Bref, un bel acte de rébellion.

 

Photo Dana Delorenzo, Ray SantiagoAlors oui, ça saigne

 

ASH

La plus grosse crainte, c'était évidemment le traitement du héros, Ash. Victime héroïque dans le premier film, crétin masochiste dans le second et légende pathétique et prétentieuse dans le troisième opus, on se demandait ce qu'il était devenu. La surenchère allait-elle encore faire son oeuvre ou Ash allait-il se trahir ?

Sam Raimi a choisi une autre option. Très conscient de l'aura du personnage dans la communauté depuis 30 ans, du fait que Bruce Campbell est inéluctablement lié au héros, il décide de prendre la problématique à bras le corps en le remettant en question. Quand on regarde la série de plus près, il n'est d'ailleurs que question de cela. Qui est Ash, au fond ? S'est-on vraiment jamais demandé comment il vivait toutes ses mésaventures ?

 

trailerAsh le magnifique

 

Dès le départ, le postulat est clair : Ash est un homme brisé en plein déni. Passé à côté de sa vie à cause d'un traumatisme insurmontable, il a évolué par rapport à lui sans jamais trouver le courage de le dépasser. Un constat amer qu'aucune autre oeuvre n'a eu le courage de faire jusqu'ici. Explosant les frontières de l'héroïsme pop culturel à tendance comic-book, la série entière consistera donc à le ramener à la réalité. Et le doute s'installe dès le départ.

En effet, tout au long de l'histoire, nous sommes mis face à notre propre admiration du personnage : s'agit-il de la réalité ? Ash n'est-il réductible qu'à ce que l'on veut bien en voir ? L'épisode dans l'asile (saison 2) est, pour nous, le coeur de la série puisqu'il révèle un fond tragique et dépressif insoupçonné jusqu'à présent. Ce que la suite confirmera. Ash n'a pas demandé à être un héros, il est maudit et aimerait, au fond, mener une vie normale.

 

Photo Episode 10Un héros bien plus profond qu'il n'y parait

 

Il est le miroir déformant de notre passion vis-à-vis de cette saga. Il se sacrifie pour nous divertir, mais perd, de ce fait, tout contact avec lui-même. On le voit dans le décalage qui s'opère au début de la saison 3, avec l'arrivée de sa fille, forcée de plonger dans son monde un peu fou. Là, son détachement éclate au grand jour, dans ses bons comme dans ses mauvais côtés. Devenu héros malgré lui, défenseur des Humains, il s'est coupé de ses contemporains, s'est désensibilisé progressivement pour ne pas perdre les pédales.

Et toute la dernière partie de la série ne parle que de cela : en se découvrant père, Ash assume enfin son rôle et sa place, sa propre humanité et ses failles. Il tente, avant tout, de réparer le mal qu'il a commis pour donner une chance à sa fille et à ses amis. Le changement de ton des derniers épisodes est à ce titre plus qu'éloquent : Ash a grandi, il n'est plus cet ado de 50 ans qui passe sa vie à boire, fumer et baiser les ivrognes du coin. Il mûrit en prenant conscience de ses responsabilités. Et lorsque Kandar arrive, il sait ce qu'il doit faire. C'est de sa faute tout ça, au fond. Mais c'est aussi de notre faute, quelque part...

 

Photo Episode 9Face à son destin

 

LE BILAN

Maintenant que la série est terminée, que faut-il retenir d'Ash vs Evil Dead ? Un divertissement frondeur, libérateur, hors du commun et inespéré, sans aucun doute. Les retrouvailles avec des sensations qui nous avaient quittées depuis bien 25 ans, à mesure que nos idoles rentraient dans le rang pour faire comme tout le monde (n'est-ce pas, Peter Jackson ?).

Pourtant, son annulation nous met face à un constat terrible, peut-être d'ordre générationnel : le public d'aujourd'hui, pourtant avide de sensations fortes et d'un certain esprit rebelle, ne semble pas prêt pour ce voyage brut de décoffrage. Ce qui nous met face à une grande contradiction que nous avons du mal à saisir : Ash vs Evil Dead représente tout ce que le public dit rechercher et pourtant ses audiences basses ont dicté sa mort prématurée. Que devons-nous en conclure ? Que le public ne sait pas ce qu'il veut ? Qu'il n'est pas, au fond, prêt à se confronter à son désir ? Que la série a manqué sa cible en beauté ?

 

Photo Bruce Campbell, Ash vs Evil DeadGroovy !

 

Pas pour nous. La série est parfaite telle qu'elle est et elle n'aurait jamais pu être aussi bien si l'équipe avait écouté les sirènes du moment. On pourrait se permettre une autre lecture, un peu plus engagée et douloureuse : après une décennie de Marvel, de productions ultra-calibrées et de récupération mercantile de toutes les franchises populaires du passé, ainsi qu'un changement de génération dans le public, nous voilà face à un constat évident que nous ne voulons pas forcément faire. Les attentes de la nouvelle génération ne sont pas les mêmes que celles de l'ancienne.

Ce qui nous paraissait rebelle et choquant à l'époque ne l'est pas pour une jeunesse en flux tendu et saturée d'images et d'infos à longueur de journée. Quelque part, le travail de sape des studios a porté ses fruits dans les esprits : place à une trame savamment orchestrée, à base de révisionnisme (reboots, remakes) et d'univers étendus qui ne nous permettent plus de prendre de la distance par rapport à nous-mêmes et à notre passion, parce que nous sommes continuellement sollicités.

Dans ces conditions, difficile pour une oeuvre aussi radicale qu'Ash vs Evil Dead de se faire une place. On pourrait penser qu'elle est arrivée trop tôt ou trop tard, mais, pour nous, elle est arrivée au bon moment : pour nous rappeler qu'autre chose existe et qu'il faut parfois prendre le taureau par les cornes pour bouger quelques marqueurs. En vain évidemment, puisque la série est annulée. Mais, à l'image de nos héros, ce n'est pas parce qu'on sait qu'on n'a aucune chance qu'il ne faut rien tenter.

 

Tout savoir sur Ash vs Evil Dead

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commentaires
M.Cooper
09/05/2022 à 14:35

@Kouak

Oui, je comprends :) Merci pour ta réponse.

Kouak
09/05/2022 à 12:57

Bonjour,
@M.Cooper : La saison 3 possède une fin qui la concerne mais...Ils étaient partis pour en faire une 4ème...Donc...Faut bien appâter le spectateur, si tu vois ce que je veux dire... ;-)

mothra2000
08/05/2022 à 12:57

Je doute qu on revienne a un cinema comme evil dead....
Quand on voit comnent le cinema jettable est encense...

M.Cooper
08/05/2022 à 12:03

Je n'ai pas envie de me Spoil et j'hésite à démarrer la série. Juste une question, est-ce qu'il y'a une vraie fin ? Ou la saison 3 termine sur un cliffhanger qui restera sans réponses dû à l'arrêt de la série ?

Ced29
08/05/2022 à 09:25

J'ai adoré la trilogie et je ne me suis pas ennuyé devant la série. Cinéma d'un autre temps peut être. Mais de mon temps dont je suis la cible. Je suis tout à fait d'accord avec le bilan de cet article. Il est juste dommage que la génération actuelle ne puisse pas apprécier ce genre de films. Je ne suis pas pour le "c'était mieux avant". Je vie avec mon temps. Vous me verrez pas acheter des trucs qui surf sur ma nostalgie (mini nes et autres goodies) et j'ai tendance à jouer avec les trucs modernes même si une partie de micro d'époque ne me dérange pas de temps en temps. Mais il faut admettre que les films d'y à 20/30 ans ont un " fumé " bien particulier qu'il faut avoir vécu pour comprendre. Même si aujourd'hui ça peut faire sourire le public même les "vieux" Briscars qui ont en sont à la trentième diffusions d'une oeuvre. On est effectivement aujourd'hui sur un cinéma qualibré, formaté. L'époque veut aussi ça. Il faut savoir naviguer dans les eaux troubles du bien pensant en faisant attention à ne choquer personne. Difficile de réaliser certaines choses de nos jours sans se mettre à dos une association ou un truc du même tonneau. Il y a évidemment peu de risques à faire un marvel plutôt qu'un evil dead. Mais le temps passe et peut être que tout ça va changer. Après tout le cinéma à toujours évolué depuis sa création.

Kynapse
08/05/2022 à 03:20

Grand fan de la trilogie Evil dead, j’ai été déçu par les deux premières saisons (ayant à peine entamé la troisième).
Ce qui fonctionnait dans les films ne prend pas dans la série, en ce qui me concerne.
Ash est un malchanceux notoire, mais le voir batailler dans le vide, contre une menace invincible, devient lassant sur une aussi longue durée et annule la sensation de progression, l’impression que tout cela a un but.
Et puis la structure narrative, répétée ad nauseam : les héros croisent un nouveau personnage, commencent à nouer une relation avec, puis le voient mourir. Tout cela sans parler des saison finale qui se passent toujours au même endroit.
Il se peut que ma mémoire me joue des tours puisque cela remonte mais, pour moi, la trilogie était un espresso délicieux, alors que la série est un café tellement allongé qu’il en aurait perdu la saveur.


07/05/2022 à 13:17

Mon dieu que cette série était géniale. J'adore l'horreur comique et super gore et finalement y'a assez peu de films/séries vraiment réussies dans ce style. Je me souviens de l'épisode où Ash a la tête dans le cul d'un démon dans la morgue. Dans mes souvenirs la seconde moitié de saison 2 m'a moins plu (je crois qu'il se réveille dans un asile) mais la saison 3 a vraiment remonté le niveau et le cliffhanger de fin est incroyable. J'aimerai tellement avoir la suite au moins en comics ça devrait pas être trop dur à faire. Bref cette série c'est que du bonheur vous m'avez donné envie de la revoir

mothra2000
07/05/2022 à 13:13

Plutot mitige par rapport a la serie...j avais pas mal apprecie evil dead 3...mais la...c est trop gros a chaque fois et lourd...
Chaque generation a ses references...et ce qui plaira a l une ne plaira pas forcement a la suivante...
La serie est trop en decalage avec le public actuel qui a besoin et veut etre formate...ash vs evil dead est anachronique et pas du tout adapte a l epoque....il y a 25 ou 30 ans peut etre

Daidm
19/07/2019 à 23:08

J'ai 46 piges et Evil Dead a été et sera toujours un des films gores que j'ai le plus adoré avec les Brain Dead. J'ai littéralement dévoré les 3 saisons tellement la série était top et fidèle à ce qui m'avait plu dans l'univers Evil Dead. Dommage que ça s'arrête, Ash s'est fait défoncer par le démon du cash.

jul
14/09/2018 à 22:31

moi perso j'avais pas cette chaine mais je me suis debrouiller pour la voir et ohhhhh putain quel kif une de mes serie preéférée gore hillarante et plus subtile qu'elle n'y paraisse et carrement jouissive.

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