Episodes Saison Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir saison 1 épisode 6 - alerte rouge au Mordor noir

Incroyable, mais vrai, il se passe enfin un truc dans l'épisode 6 du Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir. Plein de trucs même ! Mais est-ce devenu bien pour autant ? C'est un peu compliqué.

Quatre semaines après avoir démarré, et après trois épisodes plutôt barbants, allelujah ! Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir se réveille au cours d'un gros épisode 6 (presque 1h10 tout de même), riche en action, en bouleversements, et mâtiné de quelques révélations. Amazon semble avoir enfin achevé sa phase d'exposition – qui lui aura tout de même pris cinq heures – et passe à la vitesse supérieure. La photographie est toujours superbe (et sans ralenti moche cette fois), la musique de Bear McCreary toujours aussi implacable et majestueuse. La perfection est-elle atteinte ? Malheureusement non, car il subsiste de gros ratés dans l'écriture.

ATTENTION, QUELQUES SPOILERS

On vous donne le temps de fuir, pauvres fous

MOTEUR 500 chevaux

Le principal d'entre eux est visible comme un furoncle d'Orc sur le nez d'Arwen au visionnage de cet épisode. Celui-ci fait le choix louable de se concentrer sur un seul décor et de regrouper deux sous-intrigues/groupes de personnages, prévenant le profond sentiment d'éparpillement et de lenteur des précédents épisodes. Sauf que la manière dont ces deux intrigues se regroupent, absolument grotesque et faisant fi du moindre sentiment de continuité, est révélatrice du niveau global de l'écriture.

Tandis que les trois bateaux et les 500 chevaux de Númenor arrivent en vue des côtes de la Terre du Milieu ("à deux jours des Terres du Sud", retenez ce détail), tout commence dans ces mêmes Terres du Sud avec le vil Adar, qui donne l'assaut sur Arondir, Bronwyn et leur groupe de réfugiés. Pas le temps de niaiser, Les Anneaux de Pouvoir commence cette fois-ci directement dans l'action. On en redemandait, tant les rares scènes d'action précédente de la série étaient satisfaisantes et laissaient présager du meilleur. Malheureusement, le résultat global est assez mitigé ici : même si tout se déroule dans de beaux décors et que le découpage est efficace, certains choix laissent songeurs.

Faut filer dare-Adar

Comment expliquer par exemple que le premier assaut soit obstrué par une scène de karaté elfique contre judo orc à la chorégraphie pataude et aux effets voyants, que la vitalité du découpage et le gore dégoulinant a toutes les peines du monde à dynamiser ? Pourquoi nous infliger encore une scène de discours lourdingue alors que le contexte est déjà bien établi ? Comment est-il possible en 2022 d'avoir les morts de figurants les moins crédibles du monde, et un bisou plus baveux qu'une affiche de film avec Cary Grant et Ingrid Bergman ?

Qu'attends-tu grand fou

PLUS LOIN QUE LA NUIT ET LE JOUR

Pas le temps d'y réfléchir, heureusement l'épisode enchaîne comme Kool Shen, et le spectacle se pose quelques minutes pour une scène plus à suspense de prise d'otages en pleine nuit (retenez ce détail) qui alterne là encore les réussites et les ratés. Car, aussi délicieux, sadiques et cruels que soient les Orcs avec les pauvres figurants passés lentement et nonchalamment au fil de l'épée, il faut malheureusement dans le même temps avaler une fausse mort prévisible et un Theo geignard qui accepte de livrer l'artefact de la fin du monde à Adar. On soupçonne que son nom amérindien soit Pigeon Suprême. Tout est perdu ?

Non, car, évidemment, la cavalerie du Rohan de Númenor qui était à deux jours de là, arrive pile-poil au bon moment, torchant deux jours de voyages en vingt minutes. Et pile dans le bon village en plus, sacré GPS ! Nouvelle preuve que le cheval, c'est génial, ça transforme même la nuit et le jour en un seul cut. Plus sérieusement, on comprend bien que l'effet est classique, et il est même préparé en amont, donc guère surprenant. Mais il est mal préparé, et repose sur un tel raccourci scénaristique qu'il en devient absolument invraisemblable en termes de continuité. Et c'est tout de même effarant qu'on en soit là, la notion étant la plus élémentaire qui soit, en plus d'être ce qui a terni les dernières saisons de Game of Thrones.

Forth Eorlingas à nous deux les neuneus !

Visiblement, les leçons n'ont pas été apprises, et Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir paye le prix de son retard à l'allumage. C'était prévisible : à force de lambiner, la voilà obligée de tout traiter d'un coup. Et donc de progresser par à-coups. Sauf que ce rythme bâtard ne sera que difficilement soutenable sur le long terme, on ne pourra continuellement enquiller trois épisodes où il se passe si peu pour un seul épisode relativement satisfaisant truffé de facilités bien pratiques. Mais revenons à nos chevaux, car ce n'est pas le seul problème qu'ils posent.

Quand Ecran Large s'apprête à râler

PÉTÉ JACKSON

Avec l'arrivée de la cavalerie, Les Anneaux de Pouvoir se livre enfin à l'exercice tant attendu, pour ne pas dire à la figure imposée, une de celles qui ont imposé l'adaptation de Peter Jackson dans l'imaginaire collectif et forgé la réputation du nom même du Seigneur des anneaux dans la pop-culture : la scène de baston à grande échelle. C'est triste à dire : nous ne sommes pas impressionnés, et si tout ce que presque un milliard de dollars de budget peut acheter se limite à une grosse épée qui brille tranchante comme du caoutchouc, alors on préfèrera se reporter sur un couteau suisse rouillé, pour peu qu'il soit dans les mains d'un Néo-Zélandais compétent.

Non pas que la séquence recèle quoi que ce soit de honteux. Mais elle est terriblement quelconque, presque mollassonne. Et ce ne serait pas un drame en soi, si nous n'étions pas dans Le Seigneur des anneaux, l'univers légendaire qui nous a exaltés face à la charge des Rohirrims au gouffre de Helm et devant Minas Tirith, qui nous a terrassés face aux titanesques Mûmakils des champs de Pelennor et aux sadiques Uruk-hai de Amon Hen. Ici, la normalité a des airs de ridicules, et Les Anneaux de Pouvoir n'en a clairement pas assez dans le ventre.

Désolé, mais les reaction-shot en pagaille ne suffiront pas, va falloir muscler votre jeu

Mais à nouveau, la série ne se relève pas trop mal avec une course-poursuite à cheval haletante, puis, et surtout, une grosse scène finale de terraformation volcanique, catastrophique, dévastatrice, captivante. Mieux vaut tard que jamais : enfin Les Anneaux de Pouvoir tente de s'élever aux proportions mythiques de son matériau originel et des grandes légendes humaines qui ont inspiré ce dernier (ici, Pompéi très clairement). Et l'essai est plutôt réussi avec cette scène tragique, malgré son interprétation pour le moins libre des interactions entre l'eau et la lave. Mais bon, ce n'est pas n'importe quel volcan après tout, donc pourquoi pas.

MAJ : En fait, de l'eau et de la lave peuvent provoquer une éruption, c'est une réalité physique. Cela nous apprendra à faire les malins et de baser nos connaissances scientifiques sur Minecraft.

Eau + lave = explosion capable d'éteindre les dinosaures, et oui c'est vrai de vrai

"HA HA HA, C'EST SIGNÉ ZANGDAR"

Curieux hasard qu'un épisode qui mélange la glace et le feu souffle autant le chaud et le froid, et cela vaut autant pour l'avalanche de péripéties que pour les personnages. Ces derniers avancent également enfin, mais par à-coups, et eux aussi, trébuchent sur des détails, des répliques épaisses, des situations forcées qui les font plus passer pour l'équipe de bras cassés du Donjon de Naheulbeuk que pour des victimes tragiques.

Difficile d'avoir de la pitié pour Bronwyn quand tout son drame repose sur le fait de ne pas réussir à embraser une allumette au bout du dixième essai, ou d'être saisi d'effroi lorsque Arondir le ranger Elfe millénaire est berné par un croulant crado et alcoolique qui lui subtilise l'équivalent de la bombe atomique et lui laisse un petit trophée humiliant au passage. Mais surtout, et plus dangereux encore, difficile de se sentir gratifié par l'arrestation d'Adar, méchant principal de la saison 1 poutré en cinq secondes par dix cavaliers en armure ?

Toujours aussi "beaux" eux par contre

Et quand bien même le casting continue de faire de son mieux, la toile de fond de certains personnages ne passe décidément pas, la faute encore et toujours à une écriture très maladroite et inspirée de clichés archaïques. Si les révélations autour d'Adar (qui avaient d'ailleurs été devinées par l'auteur de ces lignes il y a trois semaines, oui c'est vaniteux de le dire, mais que voulez-vous, on a notre fierté) sont convaincantes à défaut d'être 100% compréhensibles pour les néophytes (du moins, on le suppose, dites-nous dans les commentaires), va-t-il vraiment falloir en passer par une romance entre Galadriel et Halbrand (ce qui serait une énorme trahison pour le coup) ?

Non, ne faites pas ça, pitié

Tant de réserves qui montrent que cet épisode 6, l'un des meilleurs jusqu'à présent, inquiète autant qu'il rassure sur le futur. Alors oui, on sera prêt à pardonner l'empilement de grossièretés narratives si elles sont le prix à payer pour un passage définitif à un rythme de croisière plus soutenu, si le récit ne s'embourbe pas de nouveau dès le prochain épisode. Oui, Les Anneaux de Pouvoir peut encore sauver un peu plus que les meubles. Oui elle a enfin lâché les chevaux, et c'était chouette pour peu qu'on n'y regarde pas de trop près.

Pourvu que ça dure et que, comme le disait le grand sage Li Sheng, la série devienne plus ardente que le feu d'un volcan. Mais comme le disait aussi le grand sage Gérald de Palmas, même si ça s'améliore, on en rêve encore.

Un nouvel épisode de Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir est disponible tous les vendredis sur Amazon Prime Video depuis le 2 septembre 2022