Sexy Beast : critique has-been sur Paramount+

Antoine Desrues | 22 janvier 2024
Antoine Desrues | 22 janvier 2024

Alors que La Zone d’intérêt s’apprête à déferler sur les écrans français, on repense au génie de Jonathan Glazer, ainsi qu’à la rareté de son cinéma. En 23 ans, le réalisateur britannique n’a signé que quatre longs-métrages, dont Sexy Beast, faux film de gangsters porté par Ray Winstone et Ben Kingsley. Un petit bijou de niche, dont l’adaptation en série sous la forme d’un prequel (également intitulé Sexy Beast) semble des plus improbables. Le résultat, supervisé par Michael Caleo et disponible sur Paramount+, est à l’avenant de cette mise en chantier capillotractée.

Sans Glazer, la fête est moins folle

Sexy Beast (le film) débutait par l’entrée fracassante et inopinée d’un rocher dévalant une colline, signe d’un passé qui rattrapait inexorablement Gal Dove (Ray Winstone) au bord de sa piscine. Le voleur britannique, qui avait pris sa retraite en Espagne avec sa femme, se voyait imposer un dernier job par Don Logan (Ben Kinsgley), ancien ami psychopathe et spécialiste de la torture psychologique.

La scène introductive de la série essaie, non sans ironie, de lui rendre hommage en troquant la villa espagnole pour le toit d’un vieil immeuble londonien, la belle piscine pour une pataugeoire gonflable, et le rocher par l’arrivée soudaine de Don (cette fois joué par Emun Elliott). Nous voilà au cœur des années 90, quand les deux comparses ne sont encore que des petites frappes, impatients de prendre du galon dans un monde du crime où ils se montrent plutôt doués pour les casses complexes.

 

Sexy Beast : photo, James McArdle, Emun ElliottPas de pression

 

Malheureusement, cette première séquence porte en elle tout l’échec créatif qui s’ensuit. Chevillée au long-métrage qui lui sert de base, Sexy Beast (la série) est bien contrainte de tomber dans les pièges habituels de la franchisation, ici poussée à un degré absurde. Si le premier long-métrage de Jonathan Glazer a acquis avec le temps un petit statut culte chez les cinéphiles, on ne peut pas dire qu’il soit un objet très identifié. Pourtant, son prequel déroule son programme à grands coups de clins d’œil et de détours narratifs forcés, dans le seul but de raccrocher les wagons avec l’œuvre référente.

Sauf qu’en remplaçant le rocher par Don, le premier épisode ne fait qu’expliciter la métaphore de Glazer, et l’onirisme qui faisait sa géniale bizarrerie. Sexy Beast, c’était avant tout un film de gangsters qui se refusait d’en être un, étirant dans sa première moitié un “appel à l’aventure” rejeté encore et encore par son protagoniste, malgré l’insistance de Don. Tandis que Gal embrassait la nouvelle normalité de son existence (voire son doux ennui), il était toujours en quête de signes pour essayer de déchiffrer sa place dans ce monde.

En bref, Jonathan Glazer travaillait une introspection, les doutes d’un avenir incertain et les plaisirs d’une vie sans risques, éloignés des codes habituels du rise and fall tout tracé. Faute de mieux, la création de Michael Caleo (scénariste de Malavita, et d’un épisode des Soprano) se retrouve à faire l’exact opposé.

 

Sexy Beast : photoIndice : c'est peut-être lui le méchant

 

London Boring

Dans un premier temps, on peut comprendre ce qui attire la série vers l’excitation des débuts et le goût de l’adrénaline de ses personnages. Avec son écrin nineties évident mais efficace (surtout au niveau de son jukebox de chansons), Sexy Beast pourrait se montrer passionnante si ses huit épisodes travaillaient en profondeur la désillusion progressive de ses anti-héros, et la part de nostalgie fantasmée de leurs souvenirs par rapport au film.

En réalité, Caleo embarque Gal et Don dans une escalade de violence logique, et surtout dans une forme de destinée qui lasse dès la fin du premier chapitre. Quand bien même le showrunner fait tout pour engendrer une certaine tension dans les dilemmes qui s’imposent à eux, impossible de s’engager dans un récit dont on connaît fatalement la conclusion, en sachant que cette conclusion se voulait décevante.

 

Sexy Beast : photo, James McArdleCoup de foudre éclair

 

Certes, la série trouve ses meilleurs moments dans ses évasions romantiques, alors que Gal hésite entre sa fiancée et sa passion dévorante pour Deedee (Sarah Greene), une actrice porno dont il tombe soudainement amoureux. Pour autant, le scénario ne fait que vivoter autour de ses enjeux, en questionnant platement les règles tacites de cet univers de gangsters et les choix parfois contraires à ses principes que font les protagonistes.

Dans cet exercice d’équilibriste impossible, on pourra toujours saluer les performances de James McArdle et d’Emun Elliott, qui ne se contentent pas de juste copier Winstone et Kingsley. Néanmoins, on se demande bien à quoi sert tout ce charisme, si ce n’est à illustrer un passé qui n’avait pas besoin de l’être. L’une des données fondamentales de Sexy Beast (le film), c’était justement son hors-champ. Tout ce passif enfoui et les non-dits entre personnages donnaient à l’ensemble son aura mystérieuse et imprévisible (surtout pour le personnage de Don).

 

Sexy Beast : photo, James McArdle, Emun ElliottL'une des rares scènes amusantes

 

Maintenant, la série nous incite à repenser toute la chronologie d’événements jusque-là suggérés, et dont on pouvait percevoir les traces indélébiles sur ces vies révolues. De la défiguration de Deedee en passant par les traumas d’enfance de Don, Sexy Beast ne laisse plus place à l’ambiguïté et s’engouffre dans un contresens de l’œuvre originale. Les rares idées inspirées de la réalisation (une double scène de sexe en montage alterné qui soulève des doutes pour les couples en présence) ne parviennent pas à sauver un récit qui traîne la patte, et une écriture qui évoque un énième sous-Guy Ritchie.

Si la série peine à imprégner le quelconque souvenir, le sentiment de vacuité qui l’accompagne pose en revanche une question qui a le mérite de rester en tête : à qui est censé s’adresser ce projet ?

La saison 1 de Sexy Beast est disponible sur Paramount+ à partir du 25 janvier 2024

 

Sexy Beast : affiche

Résumé

Vaine et inutile, la série Sexy Beast transforme l'OVNI de Jonathan Glazer en récit de braquage programmatique. Un contresens qui n’a même pas le mérite de divertir.

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Lecteurs

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commentaires
BATMALIEN
24/01/2024 à 02:55

J'avais bcp aimé le film avec son atmosphère à la The Sopranos. Mais là cette série à l'air bien rincée rien qu'à voir le trailer. Je pige même pas le projet de faire une série prequel de ce film, ça n'a aucun sens. La seule utilité de cette série sera de faire découvrir le film original à 2-3 curieux.

elJoe
22/01/2024 à 19:39

C d e a rt

elJoe
22/01/2024 à 19:38

C d e

eljoe
22/01/2024 à 19:37

A b c

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