Foundation saison 2 : critique perdue dans l'espace sur Apple TV+

Mathieu Jaborska | 15 septembre 2023
Mathieu Jaborska | 15 septembre 2023

Annoncée en grandes pompes et sortie parallèlement au Dune de Villeneuve, la saison 1 de l'adaptation du légendaire cycle de Fondation d'Asimov n'avait pas fait l'unanimité. La série phare du catalogue Apple TV+ vient néanmoins de se doter d'une saison 2, dont la diffusion est désormais terminée. Toujours chapeautée par David S. Goyer et Josh FriedmanFoundation est-elle parvenue à corriger le tir ?

De pire Empire

Avis aux collégiens en pleine lecture cursive de Fondation : ne comptez pas sur la série pour vous aider au contrôle. La saison 1 s'attaquait à la question suivante : est-il vraiment impossible d'adapter la célèbre fresque d'Asimov ? Et sa réponse était : de toute évidence. Bien forcée de multiplier les compromis pour adopter une narration plus standardisée (le cycle traite des enjeux s'étalant sur plusieurs centaines d'années), elle avait élu Gaal personnage principal, quitte à la faire traverser les âges et forcer un peu la narration très spécifique de l'auteur dans le moule de l'écriture de séries contemporaines.

Des choix assumés pour le pire, mais aussi pour le meilleur, puisque l'idée de la dynastie génétique, par exemple, reste l'une des plus passionnantes imaginées par les scénaristes, sans doute impressionnés par leur modèle. Seulement voilà : au moment de débuter cette saison 2, ils ont déjà largement dévié des écrits d'Asimov, envoyant mère et fille se confronter aux crises futures rencontrées par la fondation, le tout en plein délitement de l'Empire.

 

Foundation : PhotoLe dolmen des dieux

 

Les deux héroïnes ont pour tache de relier entre elles les nouvelles du cycle, garantissant une linéarité finalement très conventionnelle... comme la série. Car sur ce point, elle n'a pas changé : non seulement cette saison 2 doit composer avec les personnages malmenés lors de la première salve d'épisodes, mais elle doit aborder les récits Les Princes Marchands et Le Général, tout en annonçant les évènements graves au centre de Fondation et Empire. Il était donc temps d'introduire deux personnages essentiels : Hober Mallow et Bel Riose. Un sacré foutoir qui exigeait des partis pris forts, soit exactement ce qu'Apple TV, Goyer et Friedman tachent d'éviter à tout prix, peut-être sous la pression d'un budget qu'on devine colossal.

Résultat : si cette manie de flanquer à chaque protagoniste un love interest permet d'ajouter un peu de tension émotionnelle à Rose, Mallow se transforme en simili-Han Solo, faisant pencher une fois de plus le tout vers le space opera pulp avant que les dizaines de retournements de situation du dernier acte ne l'y précipitent complètement.

 

Foundation : photoIl y a même des monstres

 

Bas les masques

Plus que jamais, Foundation est à l'image de son esthétique : techniquement aboutie, parfois maligne, elle peine à se doter d'une identité propre et en est parfois remise à aligner les poncifs de la science-fiction populaire pour contourner l'oeuvre originale. Et c'est d'autant plus voyant que le défi était de taille cette fois : difficile de raconter la fin d'une époque en se concentrant sur des destinées individuelles. Plutôt que de capituler face à l'ampleur de la tache et appuyer un aspect ou une thématique de cette histoire, les scénaristes foncent tête baissée, quitte à carrément terminer avec le jeu de dupe tout droit tiré de la série Mission : Impossible, masques compris.

Pour tenter de saisir l'ampleur des évènements, la saison est divisée en trois parties parallèles (et très inégales) grâce à un montage alterné un poil lourdingue. Au cours de ces 10 épisodes, le spectateur est convié à suivre simultanément les mondanités des empereurs, le prosélytisme de la première fondation et les aventures du trio Seldon Gaal Salvor. Même si, comme d'habitude, c'est le segment impérial qui est le plus intéressant, en partie grâce à la performance d'un Lee Pace toujours parfait, aucun d'entre eux ne permet à la série de vraiment décoller.

 

Foundation : photo, Lee Pace, Jared HarrisTire sur mon doigt

 

Il y a bien quelques idées intéressantes, comme le flou entre religion et technologie, de loin l'aspect le plus pertinent de cette période, ou la manière dont l'Empire se craquèle, gangréné par des sentiments bien humains. Mais aucune n'est développée outre mesure, la plupart des séquences étant avant tout dédiées à raccrocher les wagons entre eux. À concilier très laborieusement (la scène du sauvetage, sérieusement ?) les arrangements scénaristiques et la trame générale.

Peut-être le meilleur est-il donc à venir, puisqu'une fois lesdits wagons raccrochés dans les deux derniers épisodes, Foundation laisse enfin apparaitre la vraie plus-value de l'adaptation en série : un sens de la tragédie à échelle plus humaine, porté notamment par les envolées de Bear McCreary. Elle en aura bien besoin, étant donné l'arc essentiel qui se profile, déjà évoqué dans des visions. Quoique les ultimes cliffhanger laissent présager qu'elle n'a pas fini de s'encombrer de ce trop-plein de personnages.

Foundation est disponible en intégralité sur Apple TV+.

 

Foundation : Affiche US

Résumé

Cette saison 2 serait très touchante si l'obligation de raccrocher les wagons du cycle n'empiétait pas sur ses quelques bonnes idées. 

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Lecteurs

(3.1)

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commentaires
JonLuk
29/04/2024 à 15:20

D'énormes libertés prises avec les romans, c'était couru d'avance mais ce n'est pas un problème à part le traitement de la Seconde Fondation qui me pose de sacrés problème, Seconde Fondation qui tire un peu trop vers la Force perd totalement le coté mystérieux qu'il y avait pendant une bonne partie des nouvelles.
On perds également le coté politique de l'évolution de la Fondation d'origine à l'empire marchand qui était très bon à lire, l'insistance sur les causes qui poussaient la Fondation à évoluer en permanence et la psychohistoire elle-même qui, bien qu'elle soit citée en permanence dans la série, perd de son sens dans celle-ci

Mais si on accepte que c'est une adaptation libre, cette série est très bien et le parti pris de s'intéresser principalement aux personnages me plait bien.
Ceux-ci sont nettement plus intéressants que dans les romans où ils étaient assez insipides mais cela cadrait très bien avec les choix de l'auteur

NemesisTheWarlock
21/04/2024 à 00:52

Ce n'est pas le Fondation d'Asimov, juste une oeuvre qui s'en inspire, et cela me va très bien. C'est de la très bonne SF, du grand space-opéra galactique mixé avec des histoires à l'échelle humaine. Le tout avec une direction artistique magnifique. Peu de films récents sont à ce niveau, et surtout pas les exécrables Rebel Moon. Comme tout le monde l'a déjà souligné, la partie qui concerne l'Imperium sort du lot avec les empereurs et Demerzel, mais j'aime aussi le reste. Seul bémol, un peu trop de "magie", de deus ex machina et de MacGuffin.

Niva
22/10/2023 à 10:32

Je n’ai jamais lu Asimov, j’ai bien aimé la saison 1, mais j’ai mieux compris les enjeux dans la saison 2. Il est vrai que ce qui se passe avec l’Empire est plus intéressant que le reste, Hober a tout de même réussi à rendree cette saison plus fun (le Han Solo de la série). J’aime bien les personnages de Gaal et Salvor mais ça a tiré en longueur, j’ai été déçue du dénouement. Demerzel est un sacré personnage et j’ai hâte de voir la saison 3. Je comprends que les fans des bouquins restent perplexes ou sont déçus, mais pas moi. C’est une série SF avec de bonnes intrigues de bons acteurs. Ma seule déception ce sont les personnages des zones éloignées de l’Empire, qui font très ambiance Hercule ou Xena La Guerrière. Ils sont vraiment stéréotypés.

Moon55
07/10/2023 à 13:59

Une saison 2 bien meilleure que la 1ere

ulises31
23/09/2023 à 14:04

Une série tout simplement énorme et excellente. Elle ne plaira pas à tous à cause de sa complexité car dès que c'est complexe, cest terminé. Les gens sont devenus en 30 ans des faineants dela pensée, des enfants gates, capricieux, commodes sans valeurs ni sacrifices.

NicoParm
23/09/2023 à 12:23

J’avais trouvé la saison 1 assez moyenne mais la saison 2 arrive à composer avec la complexité de l’œuvre initiale tout en prenant les libertés nécessaires pour que l’on s’attache aux personnages.

Dans les œuvres d’Asimov, les personnages sont éphémères par principe et la saison 2 questionne ce positionnement de l’individu dans la grande histoire.

@de Lock
22/09/2023 à 03:27

Bonjour à tous,

J'aimerais souligner un point qu'on aborde très rarement dans les critiques d'adaptations télévisuelles des livres. Il faut comprendre que l'adaptation "libre" d'Asimov est une condition essentielle. Une adaptation "scricte (stricto sensus) est impossible. D'une part, un livre n'a pas à construire une trame en fonction de l'effet du temps sur un personnage. Évidemment, le livre est intemporel et fait appel à l'imagination (dont les lecteurs nous partagent passionnement leurs lectures subjectives et uniques), Le cinéma, entre autres, a cette limite temporelle et indubitable de devoir composer avec la facheuse manie qu'on les humains de vieillir. Si un roman fait évoluer un personnage sur plusieurs décennies/siècles/millénaires, on a devant soi un casse-tête majeur... Soulignons, de ce fait, qu'une série télévision sur plusieurs saisons implique de torturer l'oeuvre originale par souci de réalité humaine. Si une série est tournée en 8 ans pour 4 saisons, exemple et que l'action du récit a une valeur dans le temps de 25 ans. La gamine qui joue un rôle lorsqu'elle a 14 ans doit évoluer conséquemment avec la trame du récit. Le hasard faisant mal les choses, cette gamine peut vivre une transformation physique, peut changer de métier ou se casser le gueule à la sortie d'un bar, les scénaristes doivent sans cesse composer avec ces "détails". J"aurais pu prendre l'exemple d'un personnage âgé qui meurt pendant le tournage ou qui ne peut pas vieillir à l'écran aussi rapidement. D'autre part, un livre, sa forme, n'a rien à voir avec la construction de scénario pour la télé et encore moins pour le cinéma. Bon, certains auteurs contemporains, plutôt mainstreams, font d'un roman un quasi-scénario (Un peu presque deviner "interieur/jour" au début d'un paragraphe. :-) Oui, le cinéma aura recours à l'I.A, générative pour créer des acteurs qui seront composer avec ces contingences fatales... Sinon, La série Foundation n'est ni bonne, ni mauvaise. Au-dela de la trame principale, trop de blablabla, de sous-arcs inutiles et, surtout, ma grosse critique : coudonc, les personnes meurent-ils une fois pour toute dans cette série ?? :) Ciao

Keegan
19/09/2023 à 22:49

Scénario inspiré de très loin des livres et presque aussi bon que StarWars9 ...

petitbiscuit
18/09/2023 à 14:38

Il faut espérer que des gens fassent un montage uniquement avec les scènes concernant la Dynastie génétique cela pourrait faire une série intéressante à elle seule.

Geoffrey Crété - Rédaction
18/09/2023 à 14:25

@petitbiscuit

On traite la majorité des séries avec une critique globale de la saison, peu importe si on les aime ou non (cf For All Mankind ou Mr Robot). Seuls les événements qui excitent beaucoup notre lectorat (Star Wars, Marvel principalement) sont généralement traités épisode par épisode.
Néanmoins, on a suivi toute la promo de Foundation jusque là, côté actu.

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