I'm A Virgo : critique de la série la plus WTF de l'année sur Amazon

Mathieu Jaborska | 4 juillet 2023
Mathieu Jaborska | 4 juillet 2023

En 2018, les amateurs de cinéma fantastique découvraient médusés le dernier acte hallucinant de Sorry to Bother You, premier long-métrage du rappeur Boots Riley. L'artiste revient par la petite lucarne sur Amazon Prime Video, accompagné par Jharrel Jerome, avec la série en 7 épisodes I'm A Virgo, dont on pourrait traduire le titre par "Je suis vierge" (le signe astrologique, enfin). Et de toute évidence, il n'a pas perdu son goût pour le surréalisme.

Le Bon gros géant

Cootie vit à Oakland en Californie. Très réservé, il ne sort que peu de chez lui, occupant ses journées à se gaver de comic-books nazes, de dessins animés abrutissants et de pubs pour la chaine de fast-food du coin. Et pour cause : Cootie mesure 4 mètres de hauteurI'm A Virgo raconte ses premiers pas dans un monde "réel" (notez les guillemets) plus habitué aux super-héros moralisateurs qu'aux géants introvertis.

Évidemment, la série de (et réalisée intégralement par) Boots Riley baigne dans le surréalisme grotesque qui faisait déjà l'originalité de Sorry to Bother You, sorte de déclinaison sarcastique et politique des expériences de Michel Gondry. La taille du héros n'est pas le seul élément fantastique de son univers, et encore moins l'élément le plus absurde. Toutefois, sa méthode n'est pas tout à fait la même. Le décalage permanent provient quasi toujours des personnages, lesquels révèlent leurs excentricités au fil du récit, de la vraie motivation de son love interest au fameux personnage du Héros (joué par un Walton Goggins parfaitement à sa place), en passant par les parents adoptifs.

 

I'm A Virgo : Photo Allius Barnes, Kara Young, Brett Gray"WTF Man ?"

 

Et surtout, il s'amuse moins des ruptures de ton. Son premier long-métrage ouvrait en grand les portes du délire comploto-équestre dans sa mémorable dernière partie. Désormais à la tête d'une série, il sait bien qu'il doit composer avec un format moins resserré, quand bien même il ne s'agit que de sept épisodes d'une trentaine de minutes. L'étrangeté de cet Oakland parallèle se déploie donc plus doucement à partir du postulat initial (la taille de Cootie) assumé dès les premières minutes et prétexte à une inventivité visuelle certaine.

Si tous les abonnés Amazon ne goûteront pas à l'atmosphère bizarroïde de la série, difficile de ne pas relever l'ingéniosité déployée pour faire exister ce concept sans verser dans le pseudo-réalisme super-héroïque qu'elle cherche justement à contourner. C'est comme si Riley prenait tous les défis techniques à bras le corps, justement pour créer une vallée de l'étrange des échelles humaines, au point d'organiser une partie de jambe en l'air à rallonge où toutes les questions vis-à-vis de la nature des deux participants sont abordées.

 

I'm A Virgo : Photo Olivia WashingtonDerrière les accusations faciles, de vrais sentiments

 

Moon boots

Bien entendu, ce qui intéresse le metteur en scène et ses scénaristes, c'est la découverte de la fracture sociale américaine par quelqu'un qui ne l'a toujours observée qu'à travers un poste de télévision. Une fois sorti de chez lui, Cootie est confronté à cette galerie de personnages, tous placés sur une diagonale qui va de l'activiste dont la radicalité est proportionnelle à la sincérité au super-héros raciste plus ou moins malgré lui, visage d'une vertu américaine hypocrite qui ne dépayserait pas dans une saison de The Boys.

Mais contrairement à Eric Kripke, le cinéaste s'amuse à pousser la satire dans des extrêmes confinant presque au malaise, qui paraitront – au choix – méga bourrin ou génialement extravagant. Exposés l'un à côté de l'autre sur des panneaux bien différents, le Héros et Cootie incarnent les deux facettes d'États-Unis 2.0 qui nécessitent en permanence des monstres de foire et dont les vrais meneurs, qu'on n'entre-apercevra que dans une séquence animée, se servent pour préserver un ordre social pour le moins critiquable. D'où l'intérêt particulier porté au personnage de Jones (touchante Kara Young), activiste dont les engagements sont exacerbés, mais jamais moqués.

 

I'm A Virgo : Photo Jharrel JeromeEt un héros fan de hip-hop... comme par hasard

 

Car l'ensemble aurait pu virer à la farce moralisatrice comme Hollywood les aime tant, s'il n'était pas supervisé par un artiste lui-même activiste, ayant largement vadrouillé dans le milieu du rap militant, ainsi que directement sur le terrain. Passé les multiples incartades hallucinatoires qui jalonnent la série (le dessin animé télévisuel complètement azimuté), il assume un long monologue imagé, pas si loin de ses textes musicaux, abordant frontalement les mécaniques politiques mortifères qui conditionnent le pays et cette histoire.

En faisant d'une militante sa clef, il prône la fin d'une subtilité opportuniste et un discours politique qui n'hésite pas à faire de ses héros, boucs émissaires de la communauté noire, des géants, des personnages hors-norme, littéralement. Je suis vierge... et bien rentre-dedans.

I'm a Virgo est disponible en intégralité sur Amazon Prime Vidéo depuis le 30 juin 2023 en France

 

I'm A Virgo : Affiche

Résumé

Une fable surréaliste pas aussi marquante que Sorry to Bother You, mais qui assume jusqu'au bout ses partis-pris esthétiques et, bien entendu, politiques.

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commentaires
Cidjay
04/07/2023 à 11:40

pas encore eu le temps de la commencer, mais je vais regarder ça à coup sûr.
"Sorry To bother you" était déjà bien WTF !

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