YOU saison 4 partie 1 : critique so British sur Netflix

RENDEZ-VOUS MANQUÉ

Le concept de départ de la série YOU était clair : suivre un homme courtois mais à l’obsession dangereuse pour les femmes, qui les suit, les observe et les manipule jusqu’à vouloir totalement contrôler leur vie, et gare à elles si les choses ne se passent pas comme il le souhaite. Un pari réussi avec la première saison lors de laquelle on assistait au tragique destin de Beck, la première femme à tomber entre les griffes de Joe. Plus difficile à tenir sur le long terme avec les deuxième et troisième saisons, l’identité de YOU s’est renouvelée, en proposant des idées farfelues mais bienvenues comme l’arrivée de Love, elle-même tueuse en série.

Pour cette quatrième saison, beaucoup de rebondissements étaient envisageables : et si l’une des anciennes compagnes de Joe avait survécu et revenait se venger ? Et si son tout jeune fils laissé derrière lui manquait trop ? Et si Ellie, la jeune ado qu’il avait sincèrement voulu aider à une époque, le retrouvait pour lui demander des comptes ? Au stade de cette première partie de saison 4, aucune de ces pistes n’est explorée (peut-être en sera-t-il autrement avec les cinq prochains épisodes) et le seul personnage qui donne très brièvement de ses nouvelles est Marienne.

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Même la promesse faite en toute fin de saison 3, lorsqu’on voyait Joe commencer une nouvelle vie à Paris, n’est pas tenue. Après que la question soit balayée lors d’un petit flashback introductif lors du premier épisode, on comprend que c’est en Angleterre que l’intrigue se déroulera. Joe est désormais Jonathan, professeur d’université qui vit dans les quartiers chics de Londres et qui veut faire table rase de son passé.

Si le monologue intérieur de Joe est de retour pour offrir son regard biaisé et obsessionnel sur son entourage, c’est finalement l’un des seuls éléments repères de la série qui est maintenu dans cette saison et nous indiquant qu'on regarde toujours bel et bien YOU. Car à manier un concept délicat (raconter l’histoire de féminicides du point de vue du meurtrier sans pour autant essayer de justifier ses actes), la saison 4 s’éloigne radicalement de son postulat de départ pour se réfugier dans des valeurs sûres et confortables.

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DIX PETITS RICHES

En délocalisant l’intrigue en Angleterre, la saison 4 fait comme n’importe quelle production américaine de base et se vautre avec plaisir dans les plus British des clichés. Tout à coup, Joe ne porte plus que des vestes en tweed, en pince pour une bourgeoise coincée et se fait des amis qui tutoient la famille royale.

La ville semble exclusivement composée de campus oxfordiens et chaque pièce est agrémentée de boiseries et de tasses de thé dans tous les sens. Ce serait inutile de le nier : malgré l’épaisseur du cliché, il y a un certain confort dans le fait de retrouver ces éléments connus qui constituent souvent le décor des meilleures enquêtes policières depuis qu’Arthur Conan Doyle en a décidé ainsi.

Élémentaire, mon cher Goldberg

Mais même en oubliant la facilité improbable avec laquelle Joe intègre un cercle d’ultra-riches qui va l’entraîner dans le quotidien des drogués cossus, difficile de ne pas sentir un changement de cap artificiel de la série. Depuis la dernière version du Crime de l’Orient Express sortie en 2017 et d’A Couteaux Tirés sorti en 2019, la mode du huis-clos sanglant façon vieille Angleterre fait un retour en force.

La gratuité avec laquelle la saison 4 de YOU balaye les pistes amorcées en saison 3 pour basculer très rapidement dans le whodunit à la Hercule Poirot trahit cruellement une envie de surfer sur la vague cluedoesque du moment, quitte à abandonner le concept-même de la série. Et c’est sans doute là que se situe le problème le plus important de cette première partie de saison.

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LE CŒUR DU PROBLÈME

Car même si ces épisodes un peu ronronnants ne sont pas du tout désagréables à regarder – malgré l’utilisation abusive d’objectifs anamorphiques qui donne le tournis – il faut se rendre à l’évidence que notre psychopathe préféré a disparu. Le fameux monologue intérieur à l’ancienne, très vaguement menaçant lors du premier épisode, se change en simple voix off narratrice dès lors que l’exposition est terminée. À partir de là, Joe cesse d’être le voyeur pour devenir la victime, à côté de laquelle le spectateur va chercher à résoudre l’énigme. Un risque déjà largement frôlé en saison 3, et ici pris dans les grandes largeurs.

Joe perd toutes les caractéristiques qui faisaient de lui un personnage original et terrifiant. Désormais censé et mesuré, il donne l’impression d’être réellement devenu l’enveloppe extérieure dans laquelle il se drapait d’innocence, et ne semble plus avoir aucune tendance à l’obsession ou au voyeurisme. Au-delà d’y laisser toute son originalité, la série tente donc de nous faire accepter comme un protagoniste normal celui qui était montré il n’y a pas si longtemps en train d’enfermer des femmes innocentes dans sa cave.

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Trahissant complètement son propos originel qui alertait sur les féminicides et montrait à quel point ceux qui les commettent ne sont pas nécessairement des “monstres”, mais des hommes normaux persuadés du bien-fondé de leur geste, YOU espère que son spectateur aura suffisamment oublié pour pouvoir ressentir de l’empathie et parfois même de l’admiration pour son nouveau Benoît Blanc-bleu.

Les approximations et grosses ficelles de la série serait facilement pardonnables sans cette évolution dans le fond assez choquante et qui place une barrière difficile à surmonter. Est-ce qu’un nouveau retournement de situation remettra les pendules à l’heure dans la deuxième partie de saison, et redonnera son identité à la série ? Peut-être. Mais c’est peu probable au regard du climax de mi-saison qui donne l’impression que Joe est sur le point de se faire justicier pour empêcher l’arrivée d’un nouveau psychopathe au pouvoir. De Bateman à Batman ?

You saison 4 partie 1 est disponible sur Netflix depuis le 9 février 2023. La partie 2 débarquera le 9 mars 2023.