Esprit d'hiver : critique glaciale sur Arte

L’anti-film de Noël

Comme beaucoup de films ayant pour décor les fêtes de fin d'année, le récit d'Esprit d'hiver commence le matin de Noël. Les guirlandes lumineuses du sapin sont allumées, le repas est sur le point d'être enfourné et la neige tombe, beaucoup. Quelques notes de musique apportent même une touche de magie. Malheureusement pour les personnages, le conte de Noël va se transformer en un cauchemar éveillé.

Le récit prend le temps d'installer son ambiance et surtout, de dérouler les premiers problèmes auxquels seront confrontés Nathalie, son mari Marc (Cédric Kahn) et leur fille Alice (Lily Taïeb). Ce matin-là, le réveil du couple ne sonne pas. Ce dysfonctionnement n'est que le premier d'une longue liste. De la tempête de neige qui bloque Marc sur la route aux invités qui décommandent, le jour parfait prend petit à petit une autre tournure.

 Un chalet de montagne assez sobre

Contrairement aux récits hivernaux classiques, les relations entre les personnages ne riment pas avec amour et bienveillance, mais plutôt avec conflit et incompréhension. Très vite, on comprend que tout se jouera entre deux personnages : la mère carrément tendue et l'adolescente capricieuse. Leur relation se dégrade de minute en minute, en même temps que s'installe un sentiment de méfiance. 

La série prend une autre dimension grâce au personnage de la fille, vite soupçonnée par sa mère de vouloir lui faire une mauvaise blague en truffant sa matinée d'étranges péripéties. Esprit d'hiver évoque des sujets aussi sérieux que l'adoption, les traumatismes ou encore la dépression post-partum. Autant de thèmes qui permettent à Audrey Fleurot de démontrer à nouveau son grand talent d'interprétation.

Presque engagée par Tim Burton

IN MISERY

En plus d'être un thriller, Esprit d'hiver est aussi un huis clos, la maison devient donc un endroit dangereux. La tempête de neige qui rend la communication avec l'extérieur impossible rappelle Misery, mais aussi Shining. D'autant plus que dans les deux films et donc les deux romans signés Stephen King, les personnages principaux sont des écrivains, comme Nathalie.

Si seulement deux personnages sont censés déambuler dans la maison, une présence se fait rapidement sentir. Est-ce un cambrioleur, un rôdeur, une blague de sa fille ou Nathalie est-elle en train d'halluciner ? Toutes les possibilités sont envisagées et l'état mental de la femme est en chute libre. Alors que le noyau familial devrait être le plus sacré, la perturbation vient bien de l'intérieur. Adoptée, Alice pourrait avoir trainé un secret avec elle depuis l'orphelinat de Roumanie où ses parents sont venus la récupérer.

Un réveillon pas comme les autres

Certains codes du cinéma d'horreur sont convoqués, comme les plans subjectifs, mais certaines figures et quelques lieux également, avec la présence fantôme, la sœur jumelle maléfique ou encore l'orphelinat tenu par des religieuses. Même si d'apparence, le chalet de montagne minimaliste n'a rien d'une maison hantée, les poignées de porte commencent à s'enclencher toutes seules. 

La maison à l'architecture moderne devient le parfait vaisseau de l'effroi. Loin d'être une série horrifique malgré ces éléments, Esprit d'hiver emprunte aux thrillers scandinaves leur froideur légendaire. Nathalie longe les couloirs, franchit des portes, monte et descend les escaliers de cette maison autrefois familiale devenue l'antre de sa folie.

Des flashback troublants

Trouble de la réalité

Esprit d'hiver arrive à tenir en haleine son spectateur grâce à la confusion qui s'opère entre la réalité et les images issues du roman que Nathalie est en train d'écrire qui de plus, semble avoir un lien avec le passé trouble du couple. En vainquant son syndrome de la page blanche et en entamant l'écriture d'une histoire qui lui semble limpide, la mère de famille va se perdre entre son passé et ce qu'elle écrit.

Le montage du film rend compte de cette frontière trouble entre la réalité et la fiction du roman en mélangeant les images et en confondant les personnages. Le personnage principal essaie d'assembler les morceaux du puzzle au même titre que le spectateur. Les différentes temporalités présentées participent habilement à cette confusion générale.

Vrai ou faux ? Telle est la question

La tâche de déplier en seulement trois épisodes autant de thèmes n'était pas facile, mais le rythme se tient et la série ne souffre nullement de sa courte durée. Le seul événement qui aurait mérité d'être moins condensé est la révélation (presque) finale.

Le twist, qu'on ne divulguera pas ici pour ne pas gâcher la surprise à ceux qui ne l'auraient pas encore découvert, devrait renforcer la frontière entre la fiction et réalité et expliciter la confusion qui s'opère depuis le début. Malheureusement, ce revirement de situation est trop rapide et pas assez clair. Même si la fin de la mini-série tente de proposer une conclusion, elle reste encore trop évasive pour pleinement satisfaire le spectateur, qui peut facilement rester sur sa faim et se poser encore un tas de questions.

Esprit d'hiver est diffusée sur Arte le 10 novembre 2022 et reste disponible sur Arte.tv jusqu'au 9 décembre 2022.