The Midnight Club : critique de l'hôpital de la terreur sur Netflix

Mathieu Victor-Pujebet | 7 octobre 2022 - MAJ : 07/10/2022 10:23
Mathieu Victor-Pujebet | 7 octobre 2022 - MAJ : 07/10/2022 10:23

Ça y est, Mike Flanagan est de retour ! Après The Haunting of Hill HouseThe Haunting of Bly Manor et Sermons de minuit, le maître de la peur et des pleurs revient sur Netflix pour une nouvelle série horrifique, The Midnight Club, co-créée avec Leah Fong. L'histoire est celle d'un groupe d'adolescents mourants dans un hôpital réservé aux pathologies graves. Tous les soirs, Ilonka, Anya, Kevin, Amesh, Spencer, Natsuki, Cheri et Sandra se retrouvent dans les sous-sols de l'hôpital pour se raconter des histoires effrayantes.

A Ghost Story

Outre ses grandes frousses centrées sur des fantômes énervés, des miroirs possédés ou des vampires affamés, Mike Flanagan s'est imposé ces dernières années comme un auteur touchant autant qu'un artisan compétent. The Midnight Club ne fait pas exception à la règle, tant la tendresse de l'écriture du cinéaste traverse une grande partie des strates d'écriture de la série.

En témoigne la douceur et la bienveillance qui unit les personnages de The Midnight Club, notamment la belle relation père/fille entre Ilonka et Tim, la douce amitié entre Mark et Spencer, mais aussi tout ce qui entoure le personnage interprété par Adia, Cheri. En effet, la générosité et la délicatesse de la discrète exclue en font au fil des épisodes l'un des plus beaux personnages de la série. L'humanité de la plume de Mike Flanagan construit une structure émotionnelle solide à The Midnight Club, sans jamais tomber dans le misérabilisme que le décor médical aurait pu imposer.

Cette sensibilité est d'ailleurs admirablement habitée par toute une galerie de talentueux interprètes comme, entre autres, la touchante Iman Benson, la piquante de Ruth Codd, le charismatique Igby Rigney, l'attachant Sauriyan Sapkota et l'incandescent William Chris Sumpter. Plus que dans la technicité de leur jeu, c'est dans la sensibilité avec laquelle chacun incarne une manière différente d'appréhender la maladie que ces comédiens sont remarquables, entre rejet, désespoir, résignation et intériorisation.

 

The Midnight Club : photoUne belle galerie de personnages

 

Chaque acteur donne à voir avec finesse la complexité et la noirceur de son personnage, bien loin de l'oisiveté et de l'insouciance d'une certaine représentation de l'adolescence. Ici, tous les jeunes sont mourants. Les rendez-vous mondains comme le bal de promo deviennent ainsi très anxiogènes, de la même façon que les grandes fêtes alcoolisées sont remplacées dans la série par des pactes morbides aux portes de l'au-delà.

En contaminant d'une certaine gravité quelques motifs de la teen série ou du teen movie, The Midnight Club capte avec mélancolie l'inquiétude de l'adolescence et la peur du lendemain, ici renforcées par la situation médicale des personnages. Une peur qui est mise en scène à travers des histoires horrifiques que les jeunes se racontent entre eux et qui explorent plus ou moins frontalement des questionnements profonds autour des notions de destin, de croyance, de culpabilité et de mort.

À travers plusieurs récits dans le récit, The Midnight Club déploie un panel impressionnant de problématiques existentielles bouleversantes, tout en restant un divertissement horrifique ludique et effrayant.

 

The Midnight Club : photo"Père Castoooor ?"

 

Everything Everywhere All At Once

Si le cinéaste s'est déjà essayé à différentes variantes de la peur, du romanesque de The Haunting of Bly Manor à l'horreur industrielle de Ouija : Les Origines, en passant par le conte macabre avec Ne t'endors pas, il profite des différents sous-récits de The Midnight Club pour s'essayer à une collection de genres et de registres radicalement différents.

Le trip de science-fiction paranoïaque, le polar de serial killer, le conte fantastique à la Quatrième dimension ou encore le classique film noir sont, entre autres, gaiement convoqués pour un festival de formes et de styles pluriels. Une diversité éminemment stimulante pour le spectateur qui est embarqué dans un dispositif qui emprunte à la richesse de la série anthologique, tout en conservant la fluidité du récit continue.

 

The Midnight Club : photoQuelques jolies séquences horrifiques

 

Cette multiplicité est d'autant plus plaisante et excitante à voir qu'elle est mise en scène avec une attention toute particulière aux codes et à l'habillage de chacun des genres qu'elle implique. On retrouve ainsi les légendaires jeux d'ombres du film noir des années 40/50 et les lentilles anamorphiques iconiques du cinéma de genre des années 80, et ce avec un plaisir des formes tout à fait réjouissant et souvent techniquement très abouti.

Des codes souvent respectés à la virgule près, sauf lors d'exagérations volontaires comme le gag des jumpscares de la toute première histoire racontée. La note d'intention y est claire : les auteurs de la série connaissent parfaitement les mécaniques du genre, et vont s'en amuser. L'idée est ici de pousser à l'extrême certains gimmicks de mise en scène pour aller chercher le clin d'oeil méta avec le spectateur et créer une complicité avec lui.

 

The Midnight Club : photo, William Chris SumpterUne scène dédicacée aux personnes cardiaques

 

Stranger Trucs

En résulte un plaisir éphémère pas désagréable, mais qui met aussi le spectateur à l'écart de l'intrigue en lui rappelant régulièrement que ce qu'il regarde n'est qu'une fiction. Une distance émotionnelle qui en devient frustrante au vu de la maîtrise des différents codes du genre, Mike Flanagan et son équipe préférant ici le clin d'oeil référentiel à l'immersion sensible.

De plus, la quasi-totalité des récits dans le récit de The Midnight Club expédient leur intrigue à grands coups d'ellipses et de voix off, étouffant le complet investissement du spectateur. Certes, chacune de ces histoires parvient à toucher du doigt ce ton particulier des contes macabres racontés au coin du feu, tout en distillant quelques détails de l'intériorité des protagonistes.

 

The Midnight Club : photo, Iman BensonUne narration à la (midnight) masse ?

 

Cependant, la plupart ne parviennent que difficilement à construire une pure et sincère émotion, donnant finalement l'effet de gadgets superficiels pour un joyeux, mais finalement pas si exaltant, bac à sable esthétique. Ces sous-intrigues apparaissent ainsi comme des digressions qui éloignent l'attention du spectateur des denses et puissants enjeux émotionnels du récit principal, en essayant paradoxalement de les renforcer.

En effet, en insistant régulièrement sur les parallèles entre les histoires racontées par les personnages, et leur caractérisation dans l'intrigue continue, Mike Flanagan et Leah Fong rappellent qu'une histoire ne nous en apprend jamais autant sur le monde que sur la personne qui nous la raconte. Une idée belle et poétique qui est, hélas, écrasée par l'impossibilité qu'ont ces courts-métrages à dépasser le stade de complément de caractérisation. 

Une sacrée épine dans le pied d'une narration qui ne sait finalement plus tellement où donner de la tête, sacrifiant jusqu'à sa propre mythologie en assenant le personnage programmatique de (la pourtant merveilleuse) Samantha Sloyan ou encore en introduisant des scènes de cauchemars sépia à l'utilité reléguée à une prochaine saison. Quelques éléments de l'intrigue principale de The Midnight Club semblent survolés, voire délaissés, laissant un arrière-goût amer d'un récit profondément touchant qui n'a pas complètement été exploré.

The Midnight Club est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 7 octobre 2022

 

The Midnight Club : Affiche française

Résumé

Toujours aussi riche, touchant, inquiet et inquiétant, le cinéma de Mike Flanagan n'a pas perdu de sa générosité et de sa sensibilité. Dommage que la structure semi-anthologique de The Midnight Club l'empêche de complètement trouver son ton entre plaisir éphémère et symphonie déchirante.

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commentaires
Valibou
14/10/2022 à 00:49

Malheureusement j'en attendais trop à la lecture du pitch de départ , mais forcé de constater que c'est sa plus mauvaise proposition a Mike Flanagan , j'ai vu tout ses films et séries et là c'est ultra bourré de cliché et ça ne fait jamais peur c'est même grand Guignol par moment et c'est dommage car avec lui il y a toujours ici et là de superbe idée. Alors le thème abordé est comme toujours bouleversant avec Flanagan mais là on est quand même dans un espèce de produits surfait sans grandes ambitions avec l'optique de fidéliser pour une éventuelle saison 2 du coup la saison au final ne raconte pas grand chose . On est loin de la virtuosité de ses deux premières séries comme ci c'était un projet bâclé une commande Netflix a honoré en échange d'un projet plus personnel. Dommage on attend maintenant la proposition de deltoro

Loozap
08/10/2022 à 20:02

Très captivant ce fim , j'ai hâte de la voir !

Lukass
07/10/2022 à 17:44

Quelqu'un pourrais me dire si cette série est sanglante voire gore merci beaucoup

Flash
07/10/2022 à 16:39

The haunting of Hill House est vraiment un chef d’œuvre du genre.
J’ai même été bluffé à plusieurs moments dans cette série, ce qui m’arrive plutôt rarement tellement ce genre est devenu prévisible.
Bly manor et midnight mass, je place un cran en dessous, mais c’est quand même très bien.
Je ne vais pas tarder à attaquer cette nouvelle livraison du maître.

Geoffrey Crété - Rédaction
07/10/2022 à 16:15

@Bilbo

J'ai trouvé que Midnight Mass avait d'énormes longueurs et pics de mollesse. Comme quoi... y'a toujours quelque chose qui nous dépasse quelque part (et tant mieux !)

Bilbo
07/10/2022 à 16:14

@Geoffrey : j'ai pourtant adoré "Sermons de Minuit", mais là c'est au dessus de mes forces...qu'on voit dans ce truc soporifique le renouveau de l'horreur ça me dépasse !

J0N
07/10/2022 à 15:03

Rectification importante : Non pas "les rares personnes qui ont ces qualités" mais les rares personnes qui ont ces qualités et dont le travail nous est donné à voir. J'imagine aisément qu'ils sont nombreux, les potentiels créateurs talentueux qui, faute de contact et d'opportunités, ne s'approcheront jamais d'un plateau.

Kyle Reese
07/10/2022 à 14:56

The Haunting of Hill House est un chef-d"oeuvre. La meilleure série d'horreur pour moi.
Bly manor est" perfectly splendid".
Les sermons de minuits est excellent quoiqu'un peu trop bavard même si les dialogues avec le prêtre sont passionnant.

Je ne m'attend pas au même niveau car cette série semble être destiné à des ados, mais étant fan du réal je regarderais surement avec plaisir.

J0N
07/10/2022 à 14:49

@Tom Ward
Flannagan m’intéresse et je suis heureux de pouvoir regarder régulièrement (sacrément prolixe le type) les propositions sincères et sensées d'un réalisateur qui a une vision propre. Cependant, ce qui m'interpelle, et me dérange, c'est la facilité avec laquelle on nomme génie les rares personnes qui ont ces qualités qui pour moi sont simplement celles d'artistes accomplis. Bon effectivement ce terme est aujourd'hui on ne peut plus galvaudé et il est possible de le trouver sous chaque commentaire au potentiel comique sans doute pas génial. Bref, tout ça pour dire que s'il est évident que l'on peut tout à fait ne pas être sensible à son travail il est tout de même délicat de ne pas lui reconnaitre certaines qualités, surtout comparativement au tout venant, mais que justement c'est peut être de cette position face à la médiocrité de la proposition grand publique que lui vient cet encensement. J'ajoute qu’intérêt ne veux pas dire appréciation et que si j'affectionne globalement The haunting of Hill house, il m'a été difficile d'achever le visionnage du Bly manor avec son miel qui suinte de toutes ses boursouflures et Midnight mass pendant lequel j'avais l'impression d’écouter Flannagan s'exprimer par la bouche, bien trop verbeuse, de tous ses protagonistes et constatais, perplexe, l'incohérence de bien des situations et des réactions. Mais je vais jeter un œil tout à fait curieux sur ce Midnight club.

Geoffrey Crété - Rédaction
07/10/2022 à 14:17

@Bilo

Pour revoir actuellement Hill House : toujours aussi passionnant, précis et excellent pour moi. A priori, vous n'êtes pas trop sensibles à la patte Flanagan, c'est pas grave. On continuera à aimer/adorer pour vous.

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