Primal saison 2 : critique à dos de dino
En 10 épisodes seulement, Primal s'imposait déjà comme l'oeuvre la plus fascinante et aboutie du génial Genndy Tartakovsky qui a eu le bon goût de lâcher la saga agonisante Hôtel Transylvanie pour revenir à son style artistique et narratif si singulier. La première saison de la série animée étant un bijou à tous les niveaux, on pouvait redouter un essoufflement dans la seconde, mais les 10 nouveaux épisodes qui la composent ont au contraire relevé tous les défis et dépassé les attentes.
Attention : spoilers !
NOUVEAU RYTHME
Une des particularités et forces de la première saison de Primal était son format épisodique qui a permis de réactualiser et muscler continuellement une formule en apparence basique, tout en laissant à Fang et Spear – et par extension leur relation – le soin de rester le centre névralgique de la série d'animation. L'introduction de Mira, une femme plus évoluée, dans le dernier épisode risquait ainsi de briser cette unité parfaite et de diluer le concept en l'obligeant à raconter une histoire plus conventionnelle, désordonnée et fatalement moins impactante, pour s'articuler autour d'un nouvel élément possiblement encombrant.
Un personnage parfaitement assimilé à l'histoire
Mais c'était sous-estimer le talent de narrateur du créateur, qui a brillamment réussi à déjouer ses propres conventions pour donner une nouvelle ampleur et direction narrative à cette seconde saison qui questionne sans arrêt ses acquis. Dès lors, les enjeux sont décuplés puisque l'homme des cavernes et le tyrannosaure ont enfin un but à atteindre, autre que celui de leur seule survie. La trame est plus stratifiée et développe des arcs plus denses pour que les épisodes se répondent et que les pièces du puzzle s'assemblent, formant ainsi une impressionnante mosaïque scénaristique.
Autre impératif, Fang et Spear restent bien le coeur émotionnel de la saison, mais de nouveaux personnages satellites puissants se font aisément une place dans le récit, sans l'accaparer ou à l'inverse être trop anecdotiques. La série a donc trouvé un bel équilibre entre la nécessité de bousculer son schéma pour éviter la baisse de régime (ou la redondance), et celle de conserver un scénario suffisamment fort et structuré autour de ce duo hors-norme.
NOUVEAU MONDE
L'enlèvement de Mira promettait des épreuves et une cartographie plus démesurés pour la saison 2 de Primal. Et la promesse est tenue avec un monde étendu et une mythologie aussi colossale d'extravagante. En se lançant sur la mer à la recherche de l'esclave, ils percent tous deux un horizon mystérieux et vertigineux à la rencontre du plus dangereux spécimen qu'ils ont eu à affronter : l'humain, bien évidemment.
Après l'impressionnant bestiaire de la première saison, la nouvelle reprend sur une note moins dépaysante (pour nous) avec un périple homérique et un dernier combat de nécessité contre de nouvelles créatures, jusqu'à un naufrage qui marque une première rupture, prévisible avec le recul mais surprenante sur le moment.
Les rencontres successives avec différentes civilisations sont également des occasions pour la direction artistique d'investir de nouveaux terrains de jeu et de se lâcher avec une générosité et une intensité folle. En plus d'une action à grande échelle qui s'inscrit davantage dans un contexte de guerre que de survie en milieu hostile, les épisodes font défiler plusieurs civilisations anciennes qui ont marqué l'imaginaire collectif (les Vikings, l'Égypte ou la Rome antique).
Les iconographies cliché et fantasmées se retrouvent ainsi couplées à des touches plus fantastiques et pulp qui évoquent l'heroic fantasy à la Conan le Barbare (les travaux de Robert E. Howard étant une référence assumée). Ce choc anachronique entre de cultures et populations que tout oppose est un festin visuel particulièrement ludique et excitant qui repose sur de nombreuses idoles de la culture pop.
L'euphorie flirte habilement avec l'excès, rien n'est tiède ou timide et tout est fait pour scotcher le public, lui graver les rétines et lui offrir un spectacle encore plus exalté que ce à quoi il pouvait s'attendre. Après tout, qui n'écarquillerait pas les yeux devant un combat à mort entre un tyrannosaure, un cro-magnon et des Vikings qui chevauchent des ours géants ?
Un peu de dinos par-ci, un peu de mythologie grecque par-là
NOUVELLE ÈRE
Le fait que la cruauté et la cupidité aient succédé à la simple bestialité instinctive marque également au fer rouge le parcours des deux protagonistes. La série n'a d'ailleurs (et heureusement) pas cédé au racolage facile avec une violence débridée et dépourvue de sens malgré les litres de sang qu'elle pompe régulièrement aux personnages. Au contraire, chaque affrontement, victoire ou défaite résonne de façon plus persistante et tache de manière indélébile, donnant davantage de poids à chaque déchaînement de brutalité et d'intérêt aux ennemis dont ils trainent symboliquement les cadavres.
Qu'il s'agisse de la vengeance, du deuil, de l'entraide, de la culpabilité ou de l'instinct primitif, la saison 2 de Primal reprend les principales thématiques de la première, mais choisi de les traiter sous un prisme différent, et même déstabilisant. C'est plus particulièrement le cas avec l'épisode se déroulant dans l'Angleterre du 19e siècle où la parole intelligible s'invite pour la première fois dans la narration. Si celui-ci est logiquement plus dispensable que les autres, il s'inscrit bien dans la continuité du discours de la série sur la dualité entre notre humanité acquise et notre bestialité innée.
Ainsi, à mesure que Spear se retrouve confronté aux humains, sa caractérisation s'affine et gagne en nuance et subtilité. Après la solitude et l'abattement, ses considérations et réflexions sont également plus existentialistes. Il cherche désormais sa place dans ce nouveau monde qu'il ne comprend pas et qui ne le comprend pas non plus.
Le langage illustratif est toujours géré avec autant d'adresse, de même que le montage et la composition de plans qui participe à donner une voix aux personnages et à traduire leurs pensées, sans effort ni approximation. Leur mutisme rend paradoxalement leur ressenti plus limpide, quand bien même celui-ci est de plus en plus complexe et profond.
Des couleurs, cadrages, ombrages et notes de musiques qui forment tout un langage
Si la saison 2 de Primal ne manque pas de massacres longs et terrassants, elle conserve l'équilibre de la première saison avec des moments plus songeurs et contemplatifs. Ces respirations contrastent avec l'implacabilité du récit et permettent de laisser le public apprécier toute la beauté plastique de l'oeuvre (notamment dans le premier épisode avec l'incroyable faune sous-marine, les transitions malines et les contrastes de couleurs).
L'épisode consacré aux peintures rupestres est un moment en suspension notable, où l'émotion et la vie se substituent un temps à la fatalité. Dans le dernier épisode, en écho au tout premier de la saison 1, Spear dessine sa vie (et donc tous les événements de la série) sur un mur, faisant de son oeuvre un témoignage, et une ode à la vie, à l'art et à leur transmission dans la forme la plus... primale.
Primal saison 2, disponible sur Adult Swim
Lecteurs
(4.9)22/04/2024 à 02:53
Comme la S1, cette S2 a pour moi un bilan très moyen.
Les mêmes qualités sont toujours présentes (direction artistique, animation encore plus poussée que la S1, musique, ambiance..) mais là où la S1 se contentait de suivre son duo sans scénario ni lore (hormis le dernier épisode), dans la S2 il y en a beaucoup TROP, qui plus est amené maladroitement au bulldozer ! Tout y passe : vikings, égypte antique, afrique... et on se demande ce que tout ça vient faire là ?
Ok la S1 est déjà incohérente à faire cohabiter humains & dinos mais c'est le postulat de base donc le spectateur accepte. Mais dans la S2 ça dépasse l'entendement. Autant faire une série d'anthologie sur le thème de la violence primale du vivant dans ce cas, et faire une saison sur les vikings, une saison égyptienne et ainsi de suite mais pas tout mélanger !
Par contre, je note un bon point pour l'audace de certains choix surprenants : déjà Fang en maman dino, et surtout le sacrifice de Spear qui fini en merguez ce qui n'empêche pas Mira de copuler avec (ça ressemble plus à un viol qu'autre chose) bref final en total WTF. Le dernier plan est sympa et me donne envie de regarder la S3 malgré que mon avis négatif sur la série est déjà plié.
En attendant ça, je vais voir si la série "Unicorn: Warriors Eternal" me réconcilie avec Tartakovsky...
23/06/2023 à 16:46
Quel Claque ! La saison 3 à été confirmée. GRRRRRRRRR.
01/10/2022 à 01:32
Chef d'œuvre incroyable que cette saison 2 dommage pour la fin qui arrive trop vite ... En espérant une ultime saison 3 mais ce serait triste sans notre héros ce serait bien de ne pas en refaire une
30/09/2022 à 06:46
Deal! J’avais pas été épaté par la saison 1 - je trouvais que le concept était finalement un piège et s’essoufflait trop vite. Et j’en attendais peut être trop du retour aux sources du papa de Jack. Mais la, on y retrouve presque toute la poésie et la force du samurai. Effectivement Tartakovsky n’écrit pas mieux que quand il immerge ses persos dans de nouveaux univers, et la série prend le risque d’en créer plusieurs, avec des personnages haut en couleur (sic) qui lui donnent son ame. Final un peu speed, comme Jack (le format redevient un obstacle). Mais qui fait appel à l’imagination pour en saisir toute la puissance et la nostalgie.
25/09/2022 à 22:06
Quelle claque cette saison 1 de Primal.
J'attends la sortie bluray de cette saison 2 avec hâte.
(Et Samurai Jack peut aider les plus impatients si jamais.)
24/09/2022 à 17:20
La saison 1 était géniale, un genre à la Edgar Rice Burrough (le monde de Pellucidar) survitaminé. Sur ma liste HBO max 8)
24/09/2022 à 14:59
Pas lu l'article, je ne veux pas me spoiler :)
Car j'ai adoré la première saison et, n'ayant pas AdultSwim (et n'ayant pas envie d'un nouvel abonnement) je me jetterai sur le blu-ray.
Cette série d'animation est du grand art.
23/09/2022 à 18:32
Mastapieece!!
23/09/2022 à 18:12
Primal me manque déjà... Les dernières minutes du dernier épisode sont si belles...
Merci merci merci et wrraouuuuuuuuuuuuuuuuuu!
23/09/2022 à 17:18
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