Space Force Saison 2 : critique croûte terrestre sur Netflix

Simon Riaux | 23 février 2022
Simon Riaux | 23 février 2022

Malgré une première saison en dents de scie, la série Netflix co-créée par Steve Carell et Greg Daniels est de retour sur Terre, où s'échinent toujours de joyeux bras cassés, en charge de la militarisation de la conquête spatiale américaine. Êtes-vous prêts à décoller avec la saison 2 de Space Force ?

THE OVALE OFFICE

Lors de la découverte de sa première itération, nombreux étaient les spectateurs qui espéraient découvrir un "The Office dans l'espace", ainsi que Netflix n'avait pas hésité à le marketer. Et pour cause, en nous plongeant dans les arcanes de l'administration américaine, aux côtés de l'équipe de scientifiques et militaires chargés de mettre sur pied une force armée dédiée à la conquête spatiale, intégralement composée de bras cassés, sous la direction d'un général lunaire, le projet semblait s'inscrire directement dans la vague des divertissements bureautiques qui ont fleuri à la suite du programme culte initié par Ricky Gervais.

C'était méconnaître les authentiques ambitions créatrices de Carell, qui n'a pas passé près de deux cents épisodes dans la peau de Michael Scott pour le cloner à la va-vite. Au contraire, on sent combien celui qui officia déjà comme auteur du côté de Angie Tribeca ou 40 ans, toujours puceau a souhaité nuancer cette recette, pour y greffer une tendresse qu'on retrouvait déjà dans ses précédents travaux.

 

Space Force : photo, John Malkovich, Steve CarellVers le fini et l'au-delà

 

Ce furent ces bouffées de joliesse, de tendresse, qui firent les moments de réussite de la saison initiale, ses rares moments de grâce. Ces derniers permirent de passer outre certaines facilités et pas mal de ratés, qui laissaient à penser que l'ensemble avait été assemblé un peu trop rapidement. Et malheureusement, c'est en partie le sentiment qui surnage à la découverte des nouveaux épisodes.

Nous avions quitté le général Naird en fâcheuse posture, alors qu'il venait de déserter le commandement de sa base au milieu d'une crise internationale avec la Chine, aux côtés de son épouse, évadée de prison, afin de retrouver leur descendance. Chaos et folie douce destinaient notre héros et son administration à la cour martiale, une menace peu compatible avec les aspirations de chacun, que le premier épisode de la saison 2 se charge donc de balayer.

Et si ce chapitre remplit sa mission de très plaisante manière, on constate avec un certain étonnement combien il est curieux d'entamer une nouvelle fournée d'épisodes par celui-ci. Sa construction, sa tonalité, comme les ouvertures et arcs dramatiques de ses personnages en font naturellement un chapitre conclusif.

 

John Malkovich : photo, Space Force, Steve CarellMurmurer à l'oreille des chelous

 

ROCKET PATIENCE 

On a ainsi le curieux sentiment que la série elle-même ne sait pas franchement quoi faire de ses atouts. Par conséquent, son ouverture, pour réussie et indubitablement chaleureuse qu'elle soit, passe en partie à côté de ses objectifs. Notamment parce qu'elle demande au spectateur de se remettre en ordre de bataille pour retrouver les enjeux établis il y a trop longtemps, tout cela pour assister à un plaisant spectacle, lequel évoque une conclusion, mais aucunement un lancement en fanfare, capable de nous encourager à prolonger le visionnage. Il en va de même pour l'aspect politique de l'ensemble. 

On se souvient que le projet avait été lancé après la mise sur pied, par le président Trump d'une Space Force, moquée internationalement pour sa désorganisation et son absence d'objectifs clairs. Avec sa description tantôt amère, tantôt pathétique, d'une haute administration phagocytée par la bêtise, incapable de définir ses buts ou même de se prémunir contre des espions grossiers, on se demandait évidemment comment les prochains épisodes aborderaient ces thèmes, sachant que l'alternance politique nord-américaine n'aura pas été synonyme d'une revitalisation des institutions, bien au contraire. Hélas, on sent l'écriture une nouvelle fois un peu perdue dans le portrait qu'elle tente de dépeindre, ne sachant trop à quel saint se vouer. 

 

Space Force : photo, Steve CarellShoot to rire

 

Et quand les protagonistes doivent faire face aux directives absurdes de Washington, gérer les suites d'un conflit pas si larvé avec la Chine, ou mettre sur pied un surréaliste protocole de réaction pour astronaute agressé par une forme de vie extraterrestre, le scénario choisit presque systématiquement la diversion. Il ne creuse pas ses intrigues ou sous-intrigues, déclinées en saynètes jamais pleinement investies par la narration.

Même quand le dispositif est pourvoyeurs de rires sincères, comme lorsque Naird retourne les pulsions blagueuses de ses proches contre eux-mêmes, tout ce petit monde se dépatouille mollement de gags pourtant bien pensés. Comme si Space Force, contrainte de faire rire, regrettait franchement de devoir s'abaisser à nous offrir quelques gags inégaux.

 

Space Force : photo, Ben SchwartzDans l'espace, personne ne vous entend suer

 

MISSILE MOL/AIR

En définitive, là où la première saison faisait passer la pilule grâce au charme indéniable d'une troupe d'interprètes alternant seconds couteaux inconnus savoureux avec des têtes d'affiche attendues mais à l'abattage inattaquable, cette dernière paraît aujourd'hui un peu plus amère. Tout simplement parce que l'ensemble fait du surplace, malgré son indéniable capital sympathie. Et il en faut, de la bonne volonté et de l'investissement, pour nous décrocher un sourire avec d'innombrables blagues sur l'addiction aux réseaux sociaux. Et pourtant, même desservi par un rôle écrit grossièrement, Ben Schwartz parvient à divertir, voire à toucher.

Car, pour inégal et flou que soit l'ensemble, il n'a rien perdu de sa texture humaine. On en trouvera pour preuve chaque séquence où se réunissent les personnages, sitôt qu'un observateur extérieur les rassemble, ou les contraint à se justifier tant bien que mal. C'est souvent dans ce domaine que s'illustrent les deux cadors du casting. Carell bien entendu, mais surtout John Malkovich, plus efficace et drôle encore que dans les premiers chapitres. Assumant désormais totalement son amitié empêtrée pour son supérieur de général, fraîchement sorti du placard et désormais libéré de nombreuses ambitions professionnelles, il agit à la manière d'un agitateur souriant.

 

Space Force : photo, Diana Silvers, Tawny NewsomeChaises marrantes

 

Vieil homme essayant désespérément de faire bonne figure dans un monde qu’il ne reconnaît plus, se sont ses confrontations ou alliances de fortune avec le général nonchalant qu'interprète Carell qui permettent de trouver quelques joyaux dans Space Force. Lorsque leurs forces contraires, mais étonnamment compatibles, amènent leurs alliés au point de non-retour, mais que ce petit monde se retrouve soudain à s'allier pour sauver une conférence de presse, un concours de robots-tueurs ou quelque autre facette de leurs existences, la création Netflix atteint enfin son but.

Trop rarement, mais avec une belle simplicité, presque évidente, ces pieds nickelés qui rêvaient d'aventure avant d'être contraints de liquider leurs rêves dans les broyeuses d'une antenne du Pentagone, forment une curieuse farandole, attachante et juste assez déprimante, pour ne pas nous rendre fascinant le soleil du Nevada.

Space Force saison est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 18 février 2022

 

Space Force : Affiche

Résumé

Malgré ses angles morts et son humour régulièrement aux fraises, Space Force réussit encore (un peu) à séduire grâce à la tendresse de la série pour ses personnages, et à la douceur avec laquelle le casting incarne cette collection d'authentiques ratés.

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Lecteurs

(2.6)

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commentaires
Dji Bout'
24/02/2022 à 09:40

Autant j'ai adoré la saison 1, autant la S2 me semble pénible, chaotique, pour ne pas dire bâclée...
Des dialogues dignes des sous doués passent le bac
De pauvres moyens
Heureusement Malkovich permet de tenir jusqu'à la fin de cette saison

Todoroki
23/02/2022 à 16:45

La série est géniale. Le duo Carrel/Malkovich est juste magique.

Ankytos
23/02/2022 à 15:55

J'ai lu des mauvaises choses sur cette série (dont EL qui avait un avis mitigé). Je l'avais déjà vu et j'ai trouvé qu'on était un peu sévère avec elle. La voir était un moment très agréable (même si il n'y a pas de quoi crier au génie, mais il n'y a pas que le génie qui a droit de citer) et je ne manquerai pas de regarder cette saison 2.

Willow
23/02/2022 à 14:06

Je voue un petit culte à cette série. Je l'ai d'abord détestée ... j'ai eu l'impression d'être invité à "Dr Folamour" rencontre "The Orville" ou "Avenue 5". Un film que j'adore et deux séries qui m'ont laissé perplexe (mais auxquelles je vais redonner une chance du coup...).

Je n'ai pas tenu deux épisodes... mais j'adore Carrell et Malkovich et l'humour c'est aussi une question d'humeur. J'ai recommencé le tout et l'ai très vite perçu d'un autre oeil...

J'aime au bout du compte, ces personnages comme j'aime ceux d'"Arrested developpment" , "Kenny Powers" ou "Vice principals". On est avec "Space Force" comme dans les séries susnommées, dans un entre-deux "sérieux/déconant". Un cocktail particulier, donc, qui peut facilement laisser dehors, mais qui peut aussi devenir addictif si on y prend gout. Je me suis enchainé les 7 épisodes de la saison 2 d'une traite.et ça tient la route.

J'espère qu'on aura une saison 3 pour conclure tout ça. "Plus" serait l'ennemi du bien je pense.

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