Critique : Feux rouges

Stéphane Argentin | 23 novembre 2004
Stéphane Argentin | 23 novembre 2004

De prime abord, on serait tenté de rapprocher Feux rouges avec une autre mise en scène bitumineuse : Hitcher. Pas totalement faux, puisque les deux films partagent certains points communs, à commencer par cette ambiance moite et suintante de bout en bout, mais aussi une séquence particulièrement choc, forestière dans un cas, garagiste dans l'autre. Ici s'arrête cependant les similitudes, car autant le film de Robert Harmon s'attarde sur un Rutger Hauer auto-stoppeur mi-serial killer, mi-schizophrène, autant celui de Cédric Kahn se penche sur une nuit d'errance physique et cauchemardesque d'un mari rongé par la perte de sa femme.

Plutôt à l'aise dans les films dit « à ambiance », à la limite du malaise (Roberto Succo), Kahn adapte dans ce sens le roman du très prolifique Georges Simenon, rendu célèbre par ses innombrables enquêtes d'un certain Maigret. Dans un état semi-conscient, semi-éthylique, Antoine va donc errer durant toute une nuit à la recherche de celle qu'il a perdue, et ce n'est qu'au réveil pâteux qu'il prendra pleinement conscience des évènements de la nuit passée. La force mais aussi la faiblesse de Feux rouges, c'est que ce réveil n'a lieu qu'au bout d'une heure, et qu'il faudra auparavant se taper toute la route en compagnie d'Antoine et de son mystérieux et inquiétant passager auto-stoppeur. Mais ces longues bornes nocturnes renforceront encore davantage le choc du réveil matinal et de sa séquence précédente qui prennent alors toutes deux d'autant plus de poids.

Affolé, perdu, déboussolé et inquiet, Antoine va alors faire des pieds et des mains pour tenter de reconstituer les évènements de la nuit passée auxquels il a sans trop s'en rendre compte contribué, et tenter ainsi de retrouver sa femme, s'il n'est pas déjà trop tard. Une scène magistrale (cinq minutes non-stop quasi exclusivement en plan-séquence) illustre d'ailleurs à merveille cet état de détresse, cette prise de connaissance et cette envie d'aller de l'avant, de savoir ce qui s'est réellement passé : les multiples coups de téléphone d'Antoine qui cherche à retrouver la trace de sa femme. À elle seule, cette séquence pivot confère toute sa puissance à la pesanteur d'une première heure qui prend en un instant tout son sens, et tous les feux n'ont plus alors qu'à passer au vert et à laisser filer jusqu'au terminus.

Dans une ambiance inquiétante et oppressante, Feux rouges déroule donc implacablement son intrigue sur les épaules d'un Jean-Pierre Darroussin magistralement omniprésent.

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