The Sadness : le comics gore et dérangeant du créateur de The Boys qui a inspiré le film d'horreur

Arnold Petit | 17 juillet 2022
Arnold Petit | 17 juillet 2022

The Sadness est un film d'horreur extrême et singulier dans son genre, et c'est aussi parce qu'il s'inspire de Crossed de Garth Ennis et Jacen Burrows.

Après avoir fait sensation de festival en festival, The Sadness est arrivé le 6 juillet en France au cinéma, et si le long-métrage réalisé par Rob Jabbaz est un massacre gore et unique qui ravit les amateurs du genre et marque les esprits, il le doit aussi à Crossed.

Que ce soit pour sa malicieuse relecture de la figure du zombie, son nihilisme jusqu'au-boutiste ou sa violence graphique à la limite du supportable, le comics de Garth Ennis et Jacen Burrows a largement influencé le film d'horreur taïwanais, comme l'a reconnu le réalisateur lui-même dans différents entretiens, et sa sortie en salles est un parfait prétexte pour reparler de cette oeuvre provocatrice et malsaine de la bande dessinée américaine.

Âmes sensibles, vous pouvez fuir, mais il est déjà trop tard.

 

Crossed : photoChérie, je suis rentré !


AMERICAN MASSACRE

Crossed, comme The Sadness, reprend tous les codes d'une infection zombie où le monde se retrouve inexplicablement touché par un fléau qui transforme les gens dès qu'ils sont mordus ou infectés. Cependant, il y apporte une petite subtilité qui fait toute la différence : au lieu de se réveiller en morts-vivants assoiffés de sang, les personnes malades deviennent des "Croisés", des êtres pervers et sadiques qui traquent, torturent, violent, trucident et mangent les autres (pas forcément dans cet ordre), laissant libre cours à leurs pires instincts. 

Un concept aussi simple que terrifiant, que George A. Romero avait déjà plus ou moins exploité en 1973 dans La Nuit des Fous Vivants (The Crazies), cinq ans après avoir inventé le zombie moderne dans La Nuit des Morts-Vivants, et que d'autres oeuvres ont ensuite repris (dont l'excellent remake sorti en 2010), mais jamais avec autant de cynisme et de méchanceté

 

Crossed : photoPremière classe

 

Connu pour sa plume iconoclaste et outrancière ayant accouché de chefs-d'oeuvre de noirceur comme Preacher, Hitman ou The Punisher, Garth Ennis a lui-même décrit le récit comme "le plus extrême et le plus dérangeant qu’il ait jamais écrit".

Et pour cause : l'histoire s'ouvre sur un homme atteint par ce mystérieux mal qui rentre dans un bar et dépose un bras sur le comptoir avant de mordre le propriétaire au visage tandis qu'à l'extérieur, la ville est en flammes et la civilisation s'effondre dans un joyeux déluge de tripes, d'hémoglobine et de différents fluides corporels. Dès lors, il ne s'agit pas de découvrir ce qui s'est passé ou de trouver un remède, mais seulement de survivre, coûte que coûte. 

 

Crossed : photoNe sont-ils pas mignons ?

 

Ces Croisés, contrairement aux zombies, ne sont pas des créatures monstrueuses ou un amas de chair en décomposition devenant une menace lente et désordonnée dans le décor, mais des individus encore dotés de volonté, de réflexion, qui prennent un plaisir malsain dans leur massacre, ce qui rajoute encore une autre dimension à l'horreur dans une sorte de reflet de la nature noire de l'Homme ou une représentation allégorique de tous les pêchés de l'humanité.

Toutes les atrocités que commettent les infectés transpirent le vice et la cruauté, et les planches de Jacen Burrows, sans tomber dans la surenchère, n'épargnent aucun détail : membres arrachés, têtes coupées, viols collectifs, jeux sexuels mortels, une bite de cheval qui sert de gourdin et d'autres atrocités, avec bien sûr une généreuse dose de vulgarité et d'humour grinçant de la part de Garth Ennis.

 

Crossed : photoUn morceau de mâchoire et un oeil sur place, s'il vous plaît

 

LE FLÉAU

Dans ce chaos, alors que The Sadness suit un couple et quelques personnages sur quelques heures pendant que le monde s'effondre, Crossed raconte la survie d'un groupe de rescapés plus ou moins nombreux sur plusieurs mois, dans une atmosphère survivaliste et désespérée qui rappelle évidemment The Walking Dead (les comics et la série), mais aussi 28 jours plus tard et les récits post-apocalyptiques comme Je Suis une légende ou La Route.

En route vers l'Alaska, supposément moins infecté, parce que moins habité, les survivants essaient de s'organiser, de trouver une raison d'encore avancer. Comme dans la plupart des histoires du genre, les personnages se divisent, se retrouvent confrontés à différents dilemmes moraux et à certaines révélations sur leurs passés qui les forcent à s'interroger sur leurs propres limites et ce qui les différencie des Croisés.

 

Crossed : photoDeux cases plus tard, trois ont reçu une balle et deux autres se sont fait éventrer

 

Cependant, alors que The Walking Dead étale ses arcs narratifs sur plusieurs longs chapitres avec un groupe qui peut espérer s'installer quelque part pour échapper aux zombies et retrouver une vie, le rythme plus resserré de Crossed et la menace des Croisés ne laisse quasiment pas de répit aux survivants et installe une tension presque permanente. Sauf quand les cris s'arrêtent et qu'ils peuvent profiter d'un rare moment pour observer les étoiles autour d'un feu ou regarder une meute de loups reprendre ses droits sur la nature.

Pendant qu'ils assistent progressivement à la disparition de toute humanité dans ce monde en perdition, les rescapés se raccrochent à la leur comme ils peuvent et tentent de retrouver une certaine stabilité émotionnelle par de simples choix : en décidant de recueillir un chien errant ou de faire demi-tour pour enterrer un des leurs.

 

Crossed : photoHigh School Musical pour les grands

 

Assez rapidement, l'horreur finit toujours par ressurgir d'une façon ou d'une autre et les personnages sont toujours condamnés à fuir et avancer vers une nouvelle aube, jusqu'à ce que les Croisés leur tombent dessus un jour. Pendant leur périple, certains indices leur permettront de répondre à certaines questions, mais comme le résume assez bien l'éditeur HiComics : "Il n'y a pas d'espoir. Pas de héros. Personne ne viendra vous sauver".

Si en France, Crossed reste peu connu par rapport à The Walking Dead ou à d'autres comics de Garth Ennis tels que The Boys, aux États-Unis, il est devenu culte et un univers à part entière. Après l'oeuvre originale d'Ennis et Burrows, d'autres auteurs et artistes ont suivi sur d'autres titres comme Crossed : Valeurs familiales, Crossed : Psychopathe ou Crossed : Terres maudites, dont certains gros noms comme David Lapham (Black Hole), Jamie Delano (Hellblazer), Si Spurrier et même le légendaire Alan Moore sur un récit futuriste intitulé Crossed +100.

 

Crossed : photoTout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles

 

Crossed, encore aujourd'hui, reste un choc dans le monde de la bande dessinée, qui a bousculé les comics de zombies et traumatisé tous ceux qui l'ont lu, exactement de la même façon que tous ceux qui ont regardé The Sadness se souviennent encore longtemps d'une certaine scène dans le métro ou d'un passage qui viole la rétine. Littéralement.

The Sadness est disponible en salles depuis le 6 juillet. Crossed est disponible en intégrale chez HiComics depuis le 18 mai.

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commentaires
Ozymandias
18/07/2022 à 23:20

Bien aimé les tomes de Garth Ennis, mais pas après perso !

Tesla Kusturica
18/07/2022 à 07:45

Autant The Preacher reste pour moi le mètre étalon de ce que les comics peuvent donner de mieux, autant, malgré mon admiration pour Garth Ennis, je n'ai pas pu dépasser le tome 01. Le problème de cette bd c'est qu'elle ne raconte rien.

Neji
18/07/2022 à 00:05

Ça a l'air bien plus sympa que le film qui était pas ouf .
Le film sombre vite dans le grand n'importe quoi, c'est tellement mal joué en plus.
Il y a quelques beaux plans sympathiques mais très court une mise en scène bas du front.
Ça frôle le Z..

JohnmEdit87
17/07/2022 à 18:11

Super article sur cette série de comics que j’aimais. Je partage l’avis de Rorov94m. Trop long et a vite sombré dans le gore porn laissant « un peu » de côté son postulat de base. J’adore le gore mais ça aurait pu fonctionné en en mettant un peu moins. Dommage.

Rorov94m
17/07/2022 à 14:47

CROSSED aurai dû se contenter d'être un one shot ou une mini-saga.
Les auteurs pouvaient alors légitimer le crescendo horrifique-porn-jusqu'au boutiste de ce carnage arty pour ensuite arrêter ce récit déviant.
Mais, car il y a un "mais", la bd a cartonné et, hélas,pas pour des raisons intellectuelles, artistiques... Cette "oeuvre"est une pompe à pervers, masochistes et sadiques consommateurs de kleenex et/ou sopalin...

Hildegarnic
17/07/2022 à 13:48

Tout ce que je déteste dans les comics en gros, quoi...

JR
17/07/2022 à 12:15

Idem les amis.

Flash
17/07/2022 à 11:18

Pareil, un peu trop excessif pour moi.
Pourtant j’ai adoré The boys et son travail sur The Punisher.

Kyle Reese
17/07/2022 à 11:09

Not for me, for me, formi formidable !
S’il n’y a pas une once d’espoirs et que c’est aussi horrible, cruel, et cynique et extrême que décrit … je n’en vois pas l’interêt.