A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir - critique au nom de la rose

Arnold Petit | 11 septembre 2022
Arnold Petit | 11 septembre 2022

Entre deux tomes de MFK 2, Run a lâché Angelino, Vinz et l'univers de Mutafukaz pour mener l'enquête avec Florent Maudoux (Freak's Squeele), son compère du Label 619. Les deux auteurs retracent la vie d'Elizabeth Short dans A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir, paru le 31 août 2022 chez Rue de Sèvres, et montrent qui était la femme derrière le célèbre fait-divers.

 

 

AMERICAN CRIME STORY

Le 15 janvier 1947, le corps mutilé et découpé d'Elizabeth Short est retrouvé sur un terrain vague de Los Angeles. La jeune femme de 22 ans, qui avait pris le surnom de "Dahlia noir" en référence au film Le Dahlia bleu réalisé par George Marshall l'année précédente, avait quitté le Massachusetts en espérant trouver sa place à Hollywood. Restée anonyme jusqu'à sa mort, elle deviendra paradoxalement une figure anthologique de l'Amérique d'après-guerre et une icône de la culture populaire (comme American Horror Story ou L.A. Noire l'ont prouvé).

Son meurtre, non élucidé, est devenu une des affaires criminelles les plus connues de l'histoire des États-Unis. L'écrivain James Ellroy s'en est emparé en 1987 dans Le Dahlia noir pour exorciser le meurtre de sa mère, et l'horreur du crime, la quête du tueur, la beauté d'Elizabeth ou le cadre hollywoodien ont un peu plus participé à la naissance d'un mythe, aussi terrifiant que fascinant.

 

A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir : photoUne femme avant d'être une victime

 

Depuis 75 ans, l'affaire a inspiré autant d'oeuvres que de suppositions, dont une (mauvaise) adaptation de Brian de Palma au cinéma en 2006 et une autre en bande dessinée de David Fincher, Matz et Miles Hyman en 2013.

Cependant, alors que les détails macabres du crime et les théories fumeuses continuent de nourrir l'imagination, les étals, les vidéos YouTube et les émissions de télé, A Short Story s'intéresse d'abord à Elizabeth Short, la vie qu'elle a menée, et plus particulièrement les trois derniers mois avant sa tragique disparition. Run et Florent Maudoux ont voulu raconter "la véritable histoire du Dahlia noir", comme l'indique le titre, et ils l'ont fait à travers un livre aussi ambitieux que captivant.

 

A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir : photoBetty, pour les intimes

 

MEMORIES OF MURDER

A Short Story est beaucoup plus qu'une bande dessinée et le montre d'emblée : l'histoire ne débute pas dans des cases, mais avec un texte factuel et une frise chronologique sur la jeunesse d'Elizabeth Short et son passé avant d'arriver à Los Angeles. Puis, naturellement, les dessins (en couleurs ou en noir et blanc selon l'édition) prennent le relais, et la narration, entre roman graphique et récit biographique, prend alors la forme d'un documentaire ou d'une enquête journalistique.

À partir de dossiers déclassifiés du FBI, de rapports de police, d'articles de presse, de photos d'archives et de témoignages de gens qui ont connu Elizabeth, les deux auteurs ont mené un travail d'investigation et de recherches colossal et époustouflant. Autant de sources qui leur ont permis de retracer le parcours quelque peu chaotique et tortueux de la jeune femme de la façon la plus fidèle et complète que possible, y compris dans les illustrations.

 

A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir : photoÉcrans de fumée

 

Des façades d'immeubles aux rues pleines de projecteurs en passant par les halls d'hôtel kitsch jusqu'à une plaque d'immatriculation ou un simple autocollant sur une valise, les dessins de Florent Maudoux montrent la même rigueur et le même souci du détail que les textes écrits par Run. Aussi belle qu'impressionnante, la reconstitution du Los Angeles des années 40 dans le style photo-réaliste du dessinateur correspond très bien au récit et restitue admirablement l'ambiance à la fois sombre et glamour du Hollywood de l'époque et de l'Amérique d'après-guerre, entre ébullitions, espérances et désillusions.

En complément des notes, des portraits et des articles qui se lient aux planches, de fausses publicités propres au Label 619 viennent renforcer l'immersion et enrichir le récit, tandis que la vie d'Elizabeth Short se dévoile dans les moindres détails au fil des pages, mais toujours avec respect, justesse et une certaine pudeur.

 

A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir : photoExtrait d'Amérique des années 40

 

A SAD STORY

Loin des fantasmes et des clichés entretenus depuis les débuts de l'affaire, A Short Story présente un portrait plus humain, plus intime et sans doute plus réaliste d'Elizabeth Short.  retrouve ainsi sa place en tant que personne, mais surtout en tant que femme, après avoir été présentée comme une starlette ratée, une prostituée ou une demoiselle vénale aux moeurs faciles.

Avec sa chevelure de jais, son teint de porcelaine, sa moue ingénue et son tatouage de rose sur la cuisse, la jeune provinciale de Medford apparaît simplement comme une jolie fille d'une vingtaine d'années un peu perdue qui fuit. La monotonie de son Massachusetts natal, la solitude, l'emprise des hommes ou la réalité quelquefois, quand elle arrange la vérité dans ses lettres, au point peut-être de croire à ses propres mensonges.

 

A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir : photoApparat et apparences

 

Elizabeth papillonne, sort dans les bars pour aller danser, rêve d'amour, de grandeur et vit son existence avec la grâce et la candeur de la jeunesse, essayant de survivre comme elle peut au gré des rencontres dans une ville qui dissimule le crime, la corruption, la misère et sa part d'ombre derrière les rayons des projecteurs et le panneau d'Hollywoodland. Le récit, tout à fait passionnant, dépasse alors le polar et la simple réalité historique pour développer une histoire dramatique et touchante, jusqu'à ce que la couleur et la vie disparaissent, dans une dernière image terrible et inoubliable.

D'autres documents, comme un examen des suspects, et des détails de Run et de Florent Maudoux autour de la conception du projet prolongent l'expérience de lecture et offrent un regard sur le travail qu'ils ont réalisé et l'enquête qu'ils ont livrée dans cet objet éditorial unique et saisissant.

A Short Story : La véritable histoire du Dahlia noir est disponible chez Rue de Sèvres depuis le 31 août 2022

 

A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir : photo

Résumé

À travers leur impressionnant travail de recherche et de restitution, Run et Florent Maudoux livrent une oeuvre entre bande dessinée et récit documentaire aussi riche que passionnante. A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir s'impose comme une nouvelle pépite du Label 619.

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commentaires
Arnold Petit - Rédaction
14/09/2022 à 17:43

@Sanchez C’est pourtant simple : Run (de son vrai nom Guillaume Renard) est le scénariste de la BD sur le Dahlia Noir et l’auteur de Mutakukaz et sa suite, MFK2, dont le premier tome a déjà été publié (https://www.ecranlarge.com/livre-bd/critique/1415622-mfk-2-tome-1-leaving-d-m-c-critique-de-la-suite-de-mutafukaz) et Florent Maudoux, auteur de Freak’s Squeele et dessinateur de la BD sur la Dahlia noir, appartient lui aussi au Label 619, le studio de création derrière Mutafukaz, Freak’s Squeele, Carbone & Silicium et plusieurs excellentes BDs.

Thierry.1
12/09/2022 à 10:19

Très bel ouvrage effectivement qui présente Elisabeth Short de manière honnête. Je regrette seulement pour ma part que la couverture ne soit pas un peu plus élaborée. Elle ne rend pas hommage au contenu de loin supérieur.

Sanchez
11/09/2022 à 12:09

« Entre deux tomes de MFK 2, Run a lâché Angelino, Vinz et l'univers de Mutafukaz pour mener l'enquête avec Florent Maudoux (Freak's Squeele), son compère du Label 619. »

Absolument rien compris

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