Microsoft : le rachat d'Activision-Blizzard vient-il d'être tué pour de bon ?

Léo Martin | 29 avril 2023
Léo Martin | 29 avril 2023

Les régulateurs du Royaume-Uni ont bloqué la fusion de Microsoft et d’Activision-Blizzard, mais la bataille est loin d’être terminée pour le fabricant Xbox.

La dernière fois que nous avions évoqué cette affaire, le rachat à 69 milliards de dollars d’Activision-Blizzard par Microsoft semblait être sur la meilleure voie possible. Après avoir défait une à une toutes les inquiétudes formulées par Sony – notamment sur la question de Call of Duty – la société de Redmond s’est employée durant les dernières semaines à rassurer les régulateurs. À chaque problématique soulevée, Microsoft et Xbox ont su trouver des solutions, et on croyait leur victoire assurée.

À l’approche du verdict de la CMA (Competition and Markets Authority), tous les signes étaient en faveur de Microsoft. Le régulateur britannique avait mis à jour ses observations vis-à-vis de la fusion, de façon très encourageante tandis que la Commission européenne y semble aussi favorable. Par ailleurs, plusieurs pays supplémentaires ont récemment validé la transaction, tels que le Japon, l’Afrique du Sud ou même l’Ukraine.

Ainsi, lorsque le jour du jugement est arrivé, le 26 avril, beaucoup pensaient que l’affaire était dans la poche. Malgré tout, la CMA a décidé de bloquer la fusion. On fait le point. 

 

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La volte-face qui change tout

Alors que les pronostics de la banque américaine Citybank estimaient les chances de réussite de la fusion à 70%, s’appuyant sur les dernières déclarations des régulateurs, la décision de la CMA a soudain tout remis en question. Microsoft semblait pourtant confiant vis-à-vis du régulateur britannique. Phil Spencer (dirigeant de Xbox Game Studios) expliquait même il y a quelques semaines qu’un peu de pédagogie suffirait à convaincre l’organisme antitrust.

La pédagogie n’ayant finalement pas suffi, la CMA a donc décidé que le rachat d’Activision-Blizzard était bien une menace pour l’industrie. Et pour quelle raison ? Après tout, Microsoft n’avait-il pas réglé avec succès le cas de Call of Duty ? Si, mais selon les déclarations officielles de la CMA, c’est pour une toute raison qu’elle est réticente à la fusion : le cloud gaming. 

 

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Ce n’est pas la première fois que la CMA soumet ses inquiétudes vis-à-vis du secteur du cloud gaming à Microsoft, et la firme américaine avait tenté de rassurer le régulateur en formant plusieurs alliances avec des concurrents dans le domaine (tel que Boosteroid, Ubitus ou GeForce Now). Et pourtant cela n’a pas suffi à apaiser le courroux britannique : 

"Microsoft compte déjà pour 60 à 70 % des services de cloud gaming dans le monde et possède d’autres atouts importants sur ce marché, comme les consoles Xbox, Windows et une infrastructure mondiale de cloud. L’accord renforcerait l’avantage de Microsoft en lui donnant le contrôle sur des licences importantes, telles que Call of Duty, Overwatch et World of Warcraft.

 

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Selon les déclarations de la CMA, les possibilités d’avenir pour le cloud gaming seraient si importantes que la position de force dans ce secteur de Microsoft aurait des conséquences monumentales (et non souhaitable) sur le futur. Si la préoccupation semble plus que légitime, la firme américaine a du mal à l’encaisser. Brad Smith, vice-président de la compagnie, a carrément déclaré que le 26 avril était devenu, pour la collaboration de Microsoft avec la Grande-Bretagne, "le jour le plus sombre de ces quatre dernières décennies." 

La frustration n’est pas moins colossale du côté d’Activision. Son PDG, Bobby Kotick, a immédiatement fait connaître son agacement face à la décision de la CMA. Dans un entretien avec CNBC, il a ainsi décrit le blocage du régulateur comme irrationnel, ajoutant qu’un tel choix prouve l’incompréhension totale des organismes antitrusts sur le marché du jeu vidéo. Une réponse fort peu diplomatique, mais révélatrice des intentions d’Activision (et de Microsoft) de persévérer pour convaincre la CMA de son erreur. 

 

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De nouvelles solutions pour de nouveaux problèmes

Et maintenant que va-t-il se passer ? Tout d’abord, Microsoft va devoir contre-attaquer. La firme a ainsi immédiatement fait appel du verdict et compte bien renverser la vapeur une fois de plus. En effet, si le jugement du régulateur britannique est sévère il ne semble pas péremptoire pour autant et laisse plusieurs issues de secours à la société de Redmond. En premier lieu, Microsoft peut essayer de prouver qu’il ne monopolisera pas le domaine du cloud gaming à l’avenir. 

Deux jours après le blocage, l’entreprise américaine a d’ailleurs annoncé un nouvel accord, cette fois avec Nware (un service de cloud gaming espagnol), permettant à Brad Smith et Phil Spencer de confirmer leur volonté de partager leurs licences phares avec le plus de plateformes possible. On peut donc s’attendre à d’autres alliances à venir, mais difficile de dire à quel point cela pèsera dans la balance pour le régulateur britannique, qui n’a pas été impressionné jusque là par cette stratégie.

 

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Quant à la deuxième solution, elle pourrait être infiniment plus décisive. Selon Michael Pachter, de Ampere Analysis, la CMA pourrait retirer son blocage si Microsoft s’engageait à ne pas augmenter le prix de son Xbox Game Pass. Un atout précieux qui sauve les affaires de Xbox dans les temps difficiles. Il serait rassurant pour les régulateurs que Microsoft plafonne son prix, limitant les profits qu’il pourrait ainsi engranger à l’avenir avec l’essor du cloud gaming. 

Maintenant est-ce que le fabricant Xbox pourrait proposer une telle chose à la CMA ? Il semble difficile de l’imaginer, d’autant que le Game Pass est au cœur de tous les plans de la firme, à tel point que le limiter serait un handicap un peu trop coûteux (en plus des 69 milliards du rachat). C’est d’autant plus gênant que Microsoft doit aussi mener une bataille ardue contre le PlayStation Plus de Sony, et conserver l’un de ses seuls véritables avantages face à son rival japonais. 

 

 

Espérer le meilleur, mais se préparer au pire

Et si la CMA maintient son blocage ? Dans ce cas-là, la firme devra se tourner ultimement vers la Commission européenne qui, elle, n’a pas encore tranché sa décision et semble toujours favorable à la fusion. Face à l’hostilité britannique, Brad Smith n’a d’ailleurs pas perdu une seconde pour flatter l’Europe, comme ici durant une de ses interviews à la BBC :

"Les gens sont choqués, déçus et leur confiance dans la technologie au Royaume-Uni a été sérieusement ébranlée. Le message est clair : l’Union européenne est un endroit plus attrayant que le Royaume-Uni pour créer une entreprise."

La décision de la Commission européenne est attendue pour le 22 mai prochain et elle sera capitale pour la suite des opérations. Si en plus de la FTC et la CMA, l’Europe décidait soudain de bloquer la fusion, il est probable que Microsoft soit alors obligée de renoncer au rachat d’Activision-Blizzard.

 

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La firme se donne donc jusqu’en juillet pour faire changer d’avis tous ses opposants (ou les contourner, dans le pire des cas) et pour réussir sa fusion. Dans la situation contraire, elle devra accepter la défaite (ce qui signifie reverser 3 milliards de dollars d’indemnités à Activision). Tout peut encore arriver et les prochaines semaines risquent d’être fort intéressantes tant de nombreux rebondissements sont encore possibles.

Du côté de Microsoft, il n’est pas question de se laisser prendre de cours pour autant. D’après le New York Post, la compagnie aurait déjà des plans pour valider sa fusion même contre l’avis de la FTC. Et selon Bloomberg, Phil Spencer serait déjà en train de prévoir quoi faire au cas où le rachat n’aboutirait vraiment pas. Enfin, quel que soit le dénouement de cette affaire, elle risque bien de marquer l’histoire de l’industrie, aux vues de tous les enjeux soulevés et des batailles menées. 

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commentaires
aaaaaaa
04/05/2023 à 17:05

Comme d'habitude, les anglais brillent par leur connerie.
Au moins ils restent fidèles à eux-même

Morcar
01/05/2023 à 22:39

@tlantis, donc en plus de ne pas avoir réussi à se faire racheter par MS, Activision se priverait d'un constructeur qui lui rapporte beaucoup ? Ça n'aurait aucun intérêt pour eux, je pense. Quand on est à ce niveau là, on réfléchit autrement que par de simples vengeances de cour de récré.
Mais si MS est prêt à faire quantité de "sacrifices" pour obtenir l'accord de cette fusion, c'est bien qu'ils ont énormément à y gagner. Or ils ont affirmé qu'il n'y aurait pas d'exlu, maintenant ils signent des accords pour céder du cloud à des concurrents, ils doivent bien cacher quelque chose derrière tout ça. Ça sent le coup fourré...

Leduk
30/04/2023 à 09:57

Les anglais, toujours là pour casser les couilles.

GTB
30/04/2023 à 01:27

Concernant ce blocage de la CMA, il n'y a plus de négociation possible. C'est un rapport final. L'unique recours de MS est faire appel auprès de la cour britannique, dont le but n'est pas de statuer sur une autorisation ou pas. MS devront prouver que la CMA a mal fait son travail et s'ils ont gain de cause, la CMA devra refaire un rapport...qui peut une nouvelle fois déboucher sur un refus. Historiquement, il est rare qu'un refus UK finisse par se transformer en autorisation. Donc c'est vraiment pas gagné. D'autant que les derniers résultats de Xbox montrent clairement que le GamePass et le cloud sont les piliers de croissance de la marque (ce qui légitimise les craintes de la CMA).
Avec la FTC qui fait blocage, ça fait 2 territoires importants où la fusion serait interdite. Ce qui ne ferait pas du tout l'affaire de MS qui compte sur une stratégie globale mondiale, même si la commission européenne l'autorise.
Des mois très difficile s'annoncent pour MS.

Boukk
29/04/2023 à 20:38

Cela n'aurait aucun intérêt commercial

@tlantis
29/04/2023 à 19:42

Ba je voie pas ce qui pourrait empêcher blizzard de signer des jeux exclusif avec Xbox et dans ce cas mettre de côté sony et les pourrir pour avoir fait chier…