Sega rachète le studio d'Angry Birds : coup de génie ou opération suicide ?

C’est confirmé : Sega rachète le développeur Rovio Entertainment, créateur des jeux Angry Birds, pour plus de 700 millions de dollars. 

Après avoir assassiné Sonic pour le 1er avril (dans l’étonnant jeu The Murder of Sonic The Hedgehog), Sega a une nouvelle fois surpris tout le monde avec une curieuse annonce. Il y a encore quelques jours, il se disait un peu partout que la firme japonaise avait pour ambition de racheter Rovio Entertainment, spécialisé dans les jeux mobiles Angry Birds, pour près d’un milliard de dollars. Une somme qui semble faire pâle figure devant les 68,7 milliards de dollars qu’Activision offre pour le rachat d’Activision-Blizzard, mais qui n’en reste pas moins exorbitante.

C’était d’autant plus étonnant que Sega n’est pas l’entreprise la plus vivifiée de l’industrie actuelle et peine à vraiment s’imposer face à la concurrence depuis plusieurs années. Malgré un Sonic Frontiers plutôt performant en termes de vente et quelques licences très solides (Football Manager en tête), on n’aurait guère imaginé que l’éditeur puisse avoir un si gros chèque à dégainer aussi aisément.

Et pourtant, la transaction va bien avoir lieu. Ce sera finalement pour moins d’un milliard, mais Sega va bien acquérir (de façon amicale, selon le communiqué) Rovio Entertainment. 

"J’appuie sur ce bouton et... bam ! Un chèque de 776 millions de dollars apparaît !"

attention aux oiseaux 

La firme japonaise n’a pas dit son dernier mot. Sega ne vend pourtant plus de consoles depuis la Dreamcast (1998) – la Mega Drive mini compte-t-elle vraiment ? – et ses licences majeures ne sont plus aussi nombreuses ou puissantes qu’avant. Néanmoins, le regain d’intérêt récent autour de Sonic (grâce aux films et aux nombreuses rééditions des jeux cultes) semble avoir sacrément bénéficié à la boîte. Par exemple, le film Sonic 2 a cartonné en 2022, et il ne paraît pas improbable que Sega en ait tiré des nouvelles forces. 

La société nippone compte bien rebondir sur cette vague ascendante et cela passe par l’acquisition de nouveaux studios. Pourtant, le rachat coûteux (776 millions de dollars) de Rovio Entertainment reste assez surprenant car la firme finlandaise ne détient qu’une seule licence intéressante... bien que très lucrative. Angry Birds, franchise populaire (déclinée en films, en séries et même en parcs d’attractions), c’est l’atout du studio. Le jeu a longtemps été un des colosses du jeu mobile (rapportant 50 millions de dollars de chiffres d’affaires net à Rovio en 2011) jusqu’à ce qu’il décline doucement ces dernières années.

SEGA will acquire Rovio Entertainment (Angry Birds) for roughly $775M.

SEGA seeks to utilize Rovio's live-service expertise to bring SEGA's "current and new titles to the global mobile gaming market" + expand trans-media opportunities

Press Release: https://t.co/166pk00u2u pic.twitter.com/F6dum7yk24

— Shinobi602 (@shinobi602) April 17, 2023

En effet, malgré le succès de certaines des suites du jeu de 2009, la formule Angry Birds a fini par faiblir tandis qu'elle s'est changée en quelque chose de moins attrayant pour le public. Les divers opus de la licence sont devenus des jeux services qui ont tout simplement poussé les utilisateurs à retourner sur le premier jeu – sans publicités et gratuit, et toujours aussi efficace dans son style. Un rebondissement qui a carrément poussé Rovio à supprimer Angry Birds premier du nom du Play Store en février dernier, espérant jeter leurs fans dans le gouffre infernal des microtransactions pour sauver sa peau. 

Même si la marque est en théorie toujours très forte (en Asie notamment), son chiffre d’affaires semble décliner inexorablement. Le développeur n’a après tout pas produit de nouveaux jeux depuis 2017 et semble désespéré de se faire racheter depuis son entrée en bourse la même année. Et c’est là que Sega intervient. Alors pourquoi donc la firme japonaise sacrifie-t-elle autant d’argent pour un studio qui est sur le point de vaciller ? Si nous ne sommes pas dans les secrets de Sega, on peut cependant formuler plusieurs hypothèses.

Sega a-t-il du plomb dans l’aile ?

sonic, plus mobile que jamais ?

En premier lieu, l’acquisition d’une nouvelle licence semble correspondre à la stratégie officielle de la firme japonaise. Selon les déclarations de Sega Sammy Holdings (maison mère de l’éditeur) en 2022 – suite à des bilans financiers en progression haute et des prévisions positives pour 2023 – la firme a pour objectif une augmentation significative du nombre de ses titres.

Cela signifie deux fois plus de jeux sortis cette année. L’acquisition d’Angry Birds pourrait jouer un rôle dans cette diversification – la licence pourrait même fusionner avec d'autres franchises de Sega pour les faire percer d'autres marchés. Par exemple, on pourrait très bien imaginer que les furieux volatiles deviennent un jour pour Sonic, ce que les Lapins Crétins sont aujourd'hui pour Mario. Ils pourraient aussi rejoindre le hérisson bleu dans un de ses futurs films, tandis que Sega fait proliférer la marque sur des party games plus malins inspirés de Nintendo. 

Angry Birds au cinéma 

Ensuite, il est aussi probable que ce ne soit pas tant la licence Angry Birds qui intéresse Sega que le savoir-faire du développeur finlandais. En effet, au-delà de la diversification des titres vidéoludiques, c’est surtout l’investissement dans les jeux mobiles que vise la compagnie. En 2021, les jeux mobiles rapportaient plus d’argent que les jeux vidéo console et PC réunis, avec une part de marché de 52 % sur toute l’économie de l'industrie (selon Newzoo). 

La Chine étant le premier client des jeux mobiles (et Angry Birds étant bien installé là-bas), c’est l’occasion idéale pour Sega d’y trouver un appel d’air commercial inespéré. À l’aide de Rovio, il est possible que la firme japonaise se lance à corps perdu dans les projets transmédias, incluant plus de nouveaux jeux par an, plus de films et séries, mais surtout plus de jeux services sur portable. L’investissement sera-t-il payant pour Sega ? La compagnie, elle en tout cas, semble confiante.