Microsoft : nouvelle série de rebondissements pour le rachat d'Activision

Microsoft a obtenu une victoire contre Sony, tandis que l’Europe semble de plus en plus favorable au rachat d’Activision-Blizzard par le fabricant Xbox.

Une semaine s'est écoulée et la bataille de Microsoft contre le monde entier pour acheter Activision continue de faire trembler toute l’industrie. Avant ce nouvel épisode, la société fondée par Bill Gates devait se défendre face à la Commission européenne (et les lois antitrust) qui soupçonnait que sa fusion avec Activision puisse provoquer une situation de concurrence déloyale dans le monde du jeu vidéo. C’est par ailleurs ce que craignent toujours la FTC (Federal Trade Comission) américaine et la CMA (Competition and Markets Authority) britannique, devant lesquelles Microsoft devra aussi plaider sa cause.

Au centre de toutes ses batailles, son véritable adversaire reste néanmoins Sony. L’éternel rival du fabricant Xbox se bat bec et ongles pour saboter ses plans et empêcher qu’il ne lui pique la licence Call of Duty – dont la valeur est inestimable pour PlayStation. Sony a accusé Microsoft, auprès des différents organismes antitrust, de vouloir s’approprier la franchise afin d'écraser la concurrence. Un argument féroce qui pourrait mettre en déroute la firme de Redmond, si celle-ci n’avait rien pour le démentir. Mais justement... la contre-attaque a commencé.

Xbox lance la contre-offensive

modern warfare

Le jour même de leur défense face à la Commission européenne, Microsoft a annoncé son accord avec Nintendo, offrant (entre autres) à la firme japonaise un accès sur dix ans à la licence Call of Duty. Une déclaration qui n’a pas été faite au hasard puisqu’elle avait pour but de prouver que Microsoft ne souhaite pas accaparer la franchise. Et cela ne s'est pas arrêté ici ! Un peu plus tard, à Bruxelles, Brad Smith (vice-président de Microsoft) et Phil Spencer (président de Xbox Game Studios) ont ajouté de nombreux autres éléments confortant leur position, notamment un autre accord, signé cette fois avec NVIDIA.

Cela paraît moins exceptionnel qu’une alliance formée avec Nintendo, de prime abord. Ce n’en est pourtant pas moins un atout redoutable pour Microsoft. Voici pourquoi : une des autres préoccupations de la Commission européenne et de la CMA était de voir Xbox monopoliser le marché naissant du Cloud gaming sur PC – aidé par les exclusivités Activision-Blizzard, dont Call of Duty. Une inquiétude balayée d’un revers de la main puisque Microsoft a ainsi offert de partager ses licences avec GeForce NOW, le service Cloud Gaming de NVIDIA. Le célèbre FPS était justement réclamé par les abonnés de GeForce NOW et, une fois de plus, Microsoft se donne le beau rôle, contre toute attente.

Call of Duty bientôt aux couleurs de la Xbox ?

Peu à peu, Sony et PlayStation deviennent les moutons noirs de cette histoire. Alors que la firme japonaise voulait déstabiliser son concurrent et le faire passer pour un danger vis-à-vis de l’industrie, la situation semble prendre le tournant inverse. Microsoft obtient des accords (sur dix ans, à chaque fois) pour redistribuer ses futures grosses licences à qui le veut, tel le Robin des bois du capitalisme sauvage. Et pendant ce temps, Sony joue les Prince Jean à ne pas vouloir desserrer ses griffes de son trésor.

Par ailleurs, Xbox n’en reste pas là pour décrédibiliser Sony et en faire le méchant de son conte de fées. Lors d’un communiqué de presse, Brad Smith a pointé du doigt la domination actuelle de PlayStation sur le marché des consoles. D’après lui, Sony se victimise alors qu’elle est largement en position de force et que le statu quo actuel n’encouragerait pas du tout la concurrence. Un contrepoids serait désirable et nécessaire pour faire flancher l'entreprise japonaise. Les propos du PDG rapportés par GameIndustry.biz sont clairs sur ce sujet :

"Pensez au marché européen. C’est un marché où Sony détient 80% des parts. Globalement, c’est autour de 70/30 et au Japon, c’est 96/4. Ces chiffres sont restés remarquablement stables sur deux décennies. Même l’année dernière, lorsqu’il y a eu des problèmes avec la chaîne d’approvisionnement de Sony, ils sont revenus en force."

Les exclusivités PlayStation enchaînent carton sur carton, ces derniers temps

Face à de telles informations, comment donc expliquer que les organismes gouvernementaux aient réagi aussi virulemment à l’encontre de Microsoft ? D’après Phil Spencer, la réponse est simple (et plutôt audacieuse) : ils ne savent tout simplement pas de quoi ils parlent. Le patron de Xbox a ainsi dit – dans un entretien avec The Times – vivre avec philosophie toutes les investigations des organismes antitrust à son égard :

"Durant toute ma carrière chez Xbox, j’ai rencontré des régulateurs du gouvernement qui manquait d’informations sur le fonctionnement de l’industrie du jeu. [...] J’apprécie passer du temps avec eux, car cela m’aide parfois à les éduquer. Je pense surtout que pour beaucoup d’entre eux, c’est la première fois qu’ils mettent les pieds dans cette industrie."

Condescendance ou non, au final, peu importe. Car il semblerait bien que le raisonnement de Spencer porte ses fruits. Microsoft semble trouver une réponse à chacun des problèmes que la Commission européenne lui pose et en définitive... celle-ci lui serait de plus en plus favorable.

Microsoft qui va distribuer la licence Call of Duty à travers l’univers

L’EUROPE S’INCLINE ?

D’après Reuters, la Commission européenne aurait donc été séduite par tous les arguments de Microsoft. Chacune des problématiques ayant été résolue avec succès, l’Europe serait donc désormais encline à accepter la fusion entre le fabricant Xbox et Activision-Blizzard. Est-ce que les séances d’éducation de Phil Spencer ont été efficaces ? Difficile à dire, mais il est certain que la balance a totalement basculée de son côté.

La Commission européenne n’a pas encore tranché pour autant, et c’est octroyé un délai supplémentaire pour approfondir son analyse et rendre son verdict. Leur décision est à présent attendue pour le 25 avril prochain. Toutefois, quand bien même Microsoft réussirait à dépasser ce premier obstacle, le plus difficile reste encore à venir. Ils doivent également convaincre la CMA et la FTC qui, elles, font encore preuve d’un grand scepticisme quant aux exposés de Microsoft. En effet, si le fabricant Xbox continue de remporter des batailles, la guerre est loin d’être terminée.

"On y retourne." 

La compagnie de Redmond n’a pas le temps de souffler, mais elle n’en avait de toute façon pas l’intention. D’après Bloomberg, les avocats de Microsoft viennent tout juste de rencontrer les régulateurs de la CMA, afin d’entamer les premières discussions relatives à leur enquête. Le dernier point soulevé par celle-ci pointait le manque d’impact de l’alliance entre Microsoft et Nintendo. Call of Duty tournant difficilement sur la Switch, le partage de la licence serait peu convainquant selon l’organisme britannique. Reste à voir ce que répondra la compagnie américaine.

Du côté de la FTC (avec laquelle Microsoft va devoir aussi rendre des comptes bientôt), une nouvelle attaque en direction de Sony vient d’être amorcée. Le fabricant Xbox compte bien rendre tous les coups que son adversaire lui a infligés, et vient d’obtenir l’autorisation d’un juge pour éplucher certains de ses documents privés. Entre autres : des échanges entre PlayStation et les régulateurs depuis le début de l’affaire, ainsi que tout ce qui est en relation avec le traitement de Sony sur ses exclusivités depuis 2019.

Nul doute que du très lourd risque d’en ressortir et que Microsoft sera sans pitié pour malmener son concurrent. À moins bien sûr que Sony ne finisse par accepter la fameuse offre que la compagnie de Redmond dit lui faire depuis de nombreux mois déjà. Pour éviter du grabuge, la firme japonaise acceptera-t-elle les miettes ? Si on devait arriver à ce cas de figure, une chose est certaine : ce serait la défaite totale de Sony.