In the mood for Cannes - épisode 5

Simon Riaux | 20 mai 2012
Simon Riaux | 20 mai 2012

Les Cannois sont des salauds. Pas les habitants de la bourgade balnéaire forcés de s'exiler quinze jours par ans, mais leur remplaçants annuels, sortes d'entités cosmopolites dont l'apparition demeure mystérieuse (d'aucuns prétendent qu'ils sortent de causses disséminées sur le front de mer). Ces créatures se parent de tenues chamarrées et se distinguent par le port, généralement autour du cou d'un rectangle de plastique multicolore, pour lequel ces surprenants bipèdes sont prêts à se battre jusqu'à la mort. Mais ce qui fit la célébrité de cette espèce à part, c'est sa propension à se réunir de longues heures durant à l'intérieur d'un immense bunker, dans des amphithéâtres pouvant contenir plusieurs milliers d'individus. Amassés devant un écran géant où sont diffusés des longs-métrages dans un silence quasi-religieux, ils attendent patiemment que la projection se termine pour hurler, crier tout le mal qu'ils ont pensé du spectacle offert à leurs rétines délicates.

 


 

Le Cannois n'est jamais aussi satisfait que lorsqu'il peut descendre en flamme une œuvre qu'il a attendu avec ferveur, et dont il a forgé la réputation d'évènement à ne pas manquer, car à Cannes, la Cannois est roi. Nous en avons eu un parfait exemple le 19 mai 2012, avec la présentation d'Antiviral. La foule des festivaliers s'étais massée comme jamais encore depuis le début des festivités devant la salle dédiée aux projections de la section Un Certain Regard, dans l'attente d'une grande première. Jamais encore un père et son fils ne s'étaient retrouvés tous deux sélectionnés la même année sur la Croisette, alors quand il s'agit du rejeton d'un cinéaste atypique et radicale, porté sur la mise en scène d'expérimentations corporelles peu ragoûtante, et que junior est présenté comme un digne héritier, vous imaginez la ferveur qui s'empare du Cannois moyen...

D'où un contrecoup terrible, le festivalier alliant un sacré nombre d'heures de sommeil de retard, et une volonté farouche de ne jamais paraître trop angélique ou pas assez exigeant, ce qui le contraint à un accueil glacial. Ajoutez-y la mauvaise foi du hipster à sa mémoire courte (comment ça tout le monde crachait sur Cronenberg y a pas si longtemps ?), voilà, vous la tenez la recette du public le plus ingrat de toutes les manifestations dédiées au cinéma ! C'est un peu ce qu'on se dit alors que plusieurs œuvres importantes viennent d'illuminer ces deux derniers jours ( Au-delà des Collines et The Hunt, pour ne citer qu'eux), tout en recueillant un accueil des plus glacials, dont nous ne nous doutons pas qu'il se réchauffera progressivement à l'approche de leur sortie sur le territoire national... On se dit qu'il doit falloir bien du courage et une sacrée paire de bobines pour oser affronter ces Cannois d'outre-espace.

 

 

 

 

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