1906 : après Titanic, le grand film catastrophe dont rêvait Hollywood

Geoffrey Fouillet | 10 octobre 2022 - MAJ : 10/10/2022 12:02
Geoffrey Fouillet | 10 octobre 2022 - MAJ : 10/10/2022 12:02

La planète cinéma aurait dû trembler grâce au 1906 de Brad Bird, reconstitution épique du séisme qui frappa San Francisco cette année-là, mais il n'en fut rien.

Dans la constellation des cinéastes geeks résolument optimistes et humanistes, et ils sont de moins en moins nombreux, Brad Bird tient une place de choix aux côtés de Steven Spielberg et Robert Zemeckis. Avec Le Géant de Fer, il a affirmé son goût pour l'animation en signant un premier film éblouissant de maîtrise, malgré son échec en salles. Il a dû attendre la sortie en 2004 de son deuxième long-métrage animé Les Indestructibles, réalisé sous le giron Pixar, afin d'obtenir la reconnaissance qu'il méritait.

Fort de ce succès, le réalisateur s'est retrouvé en pôle position pour adapter au cinéma le roman 1906 de James Dalessandro, intitulé ainsi en référence au tremblement de terre qui toucha de façon tragique la ville de San Francisco cette année-là. Une histoire aux proportions inouïes qui, avant d'être racontée et publiée dans ce livre en 2004, était déjà destinée à exister en film, puisque l'auteur l'avait pitchée et scénarisée en amont pour le compte de Warner Bros.. Détentrice des droits de production, la société a réussi en 2006 à s'adjoindre la force de frappe des studios Disney et Pixar afin de co-financer le projet.

Difficile d'être plus confiant à ce stade, tant tout semblait réuni pour que Bird accouche d'un nouveau classique du genre et accessoirement, de l'oeuvre d'une vie. Hélas, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. On fait le point.

 

Brad Bird : photoQuand Gaïa n'est pas contente, elle le fait savoir

 

SÉISME, FAIS-NOUS VIBRER

Plutôt que de s'en tenir à la seule évocation du séisme, le roman étend le récit aux jours et semaines ayant précédé la tragédie, décrivant notamment une société gangrenée par la corruption et le meurtre. Pas vraiment une production Disney ou Pixar dans l'esprit, vous en conviendrez. C'est pourtant l'objectif de Bird, retranscrire de façon précise cette sombre période, et à vrai dire, il n'est pas étonnant que le cinéaste veuille embrasser le versant plus politique du projet.

S'il demeure un généreux et brillant pourvoyeur de divertissement, il connaît également le potentiel contestataire du cinéma. Le Géant de Fer dénonçait par exemple la violence militaire et le recours au nucléaire. Un discours frondeur à l'égard des institutions que l'on retrouvera tout au long de sa carrière, mais avant d'en arriver là, Bird doit se préparer à tourner avec 1906 son premier film en prises de vues réelles. Il s'autorise entre temps une récréation de haut vol en prenant en 2007 les commandes de Ratatouille, son troisième long-métrage animé, puis s'engage officiellement, dès 2008, à adapter le roman de Dalessandro.

 

Brad Bird : photo"Il n'y a que la ferraille qui m'aille, et je le dis sans faille"

 

Estimé à 200 millions de dollars, le projet devient un peu trop imposant aux yeux de Warner Bros, malgré le soutien financier évident des studios Disney et Pixar. Bird se voit alors dans l'obligation de réécrire le scénario de façon à réduire l'ampleur du récit et ainsi les coûts de production. Durant ce travail, le cinéaste se lance lui-même dans les repérages en prévision du tournage, toujours hypothétique à ce stade, et retient trois sites potentiels à l'issue de ses investigations : la ville de Vancouver, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Seulement, en dépit de l'attitude pro-active de Bird, la situation peine à évoluer positivement.

En 2011, le réalisateur, en pleine promotion de Mission Impossible : Protocole Fantôme, son premier film en prises de vues réelles, donne des nouvelles de 1906 au cours d'une interview donnée au magazine Entertainment Weekly :

"Le problème a toujours été d'évaluer l'échelle du projet, de le faire tenir sur la durée d'un long-métrage. C'est vraiment un film qui aspire à être une mini-série. Mais si vous partez dans cette voie, alors vous devez l'envisager pour le petit écran, et cette histoire demande d'être racontée sur grand écran. C'est pourquoi nous travaillons toujours dessus."

 

Brad Bird : photo, Tom CruiseMr. Indestructible a de la concurrence

 

VERS LA DÉSOLATION

Ayant prouvé sa capacité à mener à bien une super-production hors du circuit de l'animation (rappelons que le quatrième volet de Mission Impossible a généré presque 700 millions de dollars de recettes à travers le monde), Bird ne peut revoir ses ambitions à la baisse concernant 1906. Butant encore sur la meilleure façon d'assembler toutes ses idées, il suspend à nouveau son travail et met en scène À la poursuite de demain, alias Tomorrowland, son second film en prises de vues réelles.

Un blockbuster aux accents rétro-futuristes qui connaît, hélas, un échec cuisant à sa sortie en salles en 2015. Pourtant, le péril écologique dont parle le film semble on ne peut plus d'actualité, Mad Max : Fury Road ou Interstellar s'y étaient aussi frottés à la même période, avec bien plus de succès au box-office cependant. Voir Bird prolonger cette thématique avec 1906 a donc tout de l'évidence, surtout à l'heure où la peur du Big One, un méga-séisme attendu en Californie et annoncé comme imminent par certains sismologues, va grandissant.

 

Brad Bird : photoLa nature fait vivre, le progrès fait avancer

 

L'espoir renaît en 2018 quand Bird, alors en campagne promotionnelle pour Les Indestructibles 2, qui signe son retour à l'animation, annonce avoir trouvé un compromis afin de rendre justice à l'ampleur de 1906. D'un côté, une mini-série sera consacrée aux évènements survenus à San Francisco peu de temps avant le séisme, et de l'autre, un film, pensé pour le grand écran, s'intéressera spécifiquement à la catastrophe, sur un mode délibérément spectaculaire.

"Le projet demande à être une histoire au long cours. C'est une période historique vraiment fascinante. Avant le tremblement de terre, San Francisco est cette ville très en vue qui se situe entre l'ouest sauvage et le XXe siècle (…) où l'éclairage au gaz et l'électricité, les voitures et les chevaux co-existent", explique le cinéaste, interrogé par le magazine Variety, dans le podcast Playback. Puis il poursuit : "Warner Bros souhaite concrétiser le segment du séisme en long-métrage, et on ne peut pas tout réaliser en un même lieu de tournage. […] Je veux que ce soit fait d'une façon qui embrasse toutes les possibilités et reste proche au moins en partie de quelque chose de cinématographique, donc on verra ce qui arrive."

 

Brad Bird : photoUne journée comme une autre à San Francisco

 

Hélas, rien n'est advenu depuis. Oeuvrant désormais à l'un de ses autres grands fantasmes de cinéaste, son film Ray Gunn, produit par Skydance Animation, Bird a visiblement relégué 1906 au dernier rang de ses priorités. Après plus de quinze années perdues en vaines tentatives, il semble difficile d'imaginer qu'une telle entreprise aboutisse un jour. Mais qui sait, ce ne serait pas la première fois qu'un projet ressuscite à Hollywood.

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commentaires
Moixavier58
10/10/2022 à 23:56

A défaut, revoyez Tremblement de terre(1974) avec Charlton heston

Grift
10/10/2022 à 13:49

Merci pour cet article bien interessant sur ce projet dont je n'avais pas entendu parlé jusqu'ici.